Six Rivers tome 1 : Lead [ Sous contrat Evidence Editions]

Chapitre 15

Se réveiller avec l'impression qu'un tank vous est passé sur le corps, ça, c'est fait. Le soleil darde ses rayons sur le lit à travers les fenêtres dont j'ai oublié de fermer les volets hier soir. Il faut dire que j'étais pas mal occupée...

Mes doigts ne rencontrent que des draps froids lorsque je les étends à côté de moi. Visiblement, Joshua a décampé avant le matin. Pour me fuir ? Pour ne pas qu'Anna ne le découvre dans mon lit ? Peu importe, je suis déçue, et légèrement peinée. De toute façon, qu'est-ce que j'attends ? Qu'il me déclare un amour éternel ? Qu'il m'épouse ? Une discussion s'impose, sans nul doute, pour savoir ce que chacun attend de l'autre. Et d'ailleurs, qu'est-ce que je veux, moi ? Je crois que je n'en suis même pas sûre.

Je m'assieds et soupire. Une étape de franchie dans ma vie. Mais voulue, programmée par moi-même, et assumée. Je n'ai pas honte, je n'ai pas de regrets. C'était juste... parfait. J'attrape mon pull par terre pour me couvrir, plus par pudeur que parce que j'ai froid.

Mon regard s'égare sur ma table de nuit. Comme dans un songe, je tends la main, ouvre le tiroir et me saisit de la carte SIM que j'y ai abandonnée il y a de cela plusieurs mois. Je l'ai retirée à l'aéroport de Luxembourg, et remplacée par une neuve. Nouveau pays, nouveau forfait, nouvelle vie. Pour la première fois depuis août, je crois que je suis prête. Je saisis mon téléphone, enlève ma carte SIM et la replace par l'ancienne.

Aussitôt, mon téléphone se met à biper en continu, larguant ses messages retenus depuis des mois dans le silence de la pièce à moitié vide. Je fixe l'écran, l'air hagard, tandis que les notifications continuent d'arriver sans interruptions. Un bruit me fait lever la tête : Joshua, sans doute alerté par le bruit, se tient dans l'embrasure de la porte, l'épaule gauche contre le chambranle. Il ne dit rien, mais vient s'assoir à côté de moi. Je ne lui cache rien. Il peut voir apparaitre tous les noms que j'avais tenté d'oublier depuis si longtemps : maman, papa, Guillaume, mes sœurs Louise et Cécile, mon frère Martin. Des dizaines et des dizaines de SMS, que je n'ouvrirai pas et autant de messages vocaux, que je n'écouterai pas plus. A quoi bon ? Je sais déjà ce qu'ils contiennent : où je suis, ce que je fais, où j'ai disparu. Des pleurs, de la peur, de l'incompréhension et peut-être aussi de la colère, à la fin. Le bruit finit par s'arrêter, sur un message datant de la semaine dernière. Un SMS de Guillaume. Je soupire et ferme les yeux, alors que Lead m'attire contre lui et pose ma tête sur son épaule.

—Pourquoi tu ne m'as rien dit ? finit-il par murmurer.

—Dit quoi, je m'étonne.

—Que t'étais vierge ?

Je relève la tête vers lui, confuse et un peu honteuse.

—Je pensais... que tu ne t'en rendrais pas compte.

—C'était le cas, jusqu'à ce que je voie les taches de sang sur tes draps.

—Oh...

Je baisse la tête, mais il me la relève aussitôt de ses doigts frais sous mon menton.

—Comment c'est possible ? A vingt-six ans ? T'étais fiancée, jamais je n'aurais cru que tu ne l'avais pas fait... avec lui. Merde, t' allais l'épouser ! Qui se marie sans coucher avant ?

Je souris, et frotte ma joue contre sa main.

—Je viens d'un milieu très conservateur. C'est juste inconcevable dans notre cercle catholique.

—Mais t'en as jamais eu envie ?

—Envie ? Non. Guillaume, il était là, mais je n'avais pas envie... de lui. Pas comme avec... toi.