Il est déjà debout lorsque le soleil se lève. À son âge, ses fonctions sont de plus en plus importantes, étant le chimiste personnel de la famille royale.
Son père est mort un an plus tôt, assassiné par des hommes de la garde royale. Le roi n'acceptait plus la présence d'un créateur et formateur de démons dans la capitale, Moslyn. Ou en tout cas, le peuple avait réclamé qu’il disparaisse après la vague d’assassinats provoqués par les démons en ville. Son fils est donc devenu le duc Hodgkin, a juré fidélité au roi Brett, et est contraint de rester au château aux côtés de son ami, le prince, alors qu'il aimerait rentrer à Norring. Sa ville natale.
Mais le roi va bientôt mourir à cause de sa jambe. Maladie incurable qui lui est apparue, il y a un an, seulement deux jours après la mort du père du duc, lorsque celui-ci est venu à la capitale pour voir une dernière fois son père et qu'il a rencontré le roi, par la même occasion.
Léonard sourit en repensant à ces quelques gouttes de poison qui sont tombées de sa main jusque dans le verre du roi qui ignorait alors qu'il était, lui aussi, une créature de son père. Le fils de celui-ci, certes, mais avec quelques ingestions de substances étranges en plus, le rendant insensible à toutes blessures corporelles non mortelles, amenant des envies de meurtres dans son esprit avec régularité, empêchant son coeur de s'emballer pour quelques raisons. Les situations difficiles deviennent plaisantes grâce à son caractère malfaisant. Le malheur des autres est souvent source de son bonheur.
Enfant, ses yeux étaient d'un bleu lumineux, aujourd'hui, ils ont gagné cette noirceur indéchiffrable, un bleu marine trop obscur qui s'intensifie les jours où il commet un crime quelconque.
Il passe ses longs doigts fins dans ses cheveux blonds désordonnés, se lève et sort de son laboratoire qui se situe au deuxième étage du palais royal. Il traverse le couloir d'un pas pressé pour regagner ses appartements personnels. Le prince l'a engagé en espérant qu'un chimiste comme lui pourrait trouver un remède contre le mal de son père. Léo avait deviné que les intentions du prince étaient toutes autres. Il savait que le chimiste voudrait un jour se venger pour son père et qu'au lieu d'un remède, il offrirait un poison mortel au roi, laissant son fils au pouvoir.
C'est ainsi que le duc avait décidé de laisser durer la maladie, le roi subissant la douleur chaque jour et son fils s'impatientant de plus en plus en espérant, un jour, voir les yeux de son père se fermer pour ne plus jamais se rouvrir. Évidemment, il aurait pu guérir le roi dès les premiers jours, lorsque la maladie n’avait même pas encore dévoré la chair de sa jambe, mais il ne le souhaitait pas.
À ses vingt-quatre ans, Léonard est un homme de grande taille, beau à en faire frémir certaines femmes, mais il est insociable. Il n'a jamais appris à aimer et il s'en porte à merveille. Selon lui les femmes rendent faibles les hommes amoureux, une chance pour lui que sa faiblesse ne se trouve pas là, mais dans le bonheur des autres.
Avant qu'il n'ait ouvert sa porte il entend la voix du prince l'interpeller:
- Monsieur le duc ? Attendez !
Léo s'arrête et regarde le petit brun arriver à lui, essoufflé.
- Oui, mon prince ? Que puis-je faire pour vous ?
- Avez-vous trouvé un remède pour mon père ?
- Non, je fais pourtant des recherches chaque jour mais elles n'aboutissent à rien.
Il voit très clairement le frémissement des lèvres de l'homme, un sourire camouflé, il ressent aussi le plaisir remonter dans le coeur du petit homme, ce qui rend la conversation beaucoup moins plaisante pour le duc.
- Ce n'est pas grave. Écoutez, je vais vous demander d'abandonner vos recherches quelques jours. Vous savez que je vais bientôt me marier avec la fille aînée du comte Keegan ?
- Évidemment, qui pourrait encore l’ignorer ? Mais, quel est le rapport avec moi ?
- Je veux que vous trouviez une potion pour... pour que ma future femme ne me donne que des fils.
Le duc rit à gorge déployée.
- Eh bien, majesté ! N’avez-vous donc pas confiance en votre future femme ? Je vais essayer de faire ça.
- Je lui fais confiance, bien sûr, mais je ne voudrai pas perdre de temps, vous comprenez ? Leur seconde fille fait déjà parler d'elle, si l'aînée ne me donne pas de fils rapidement on me reprocherait mon choix aussitôt. Et ne vous en faîtes pas, vous serez grassement récompensé.
Léo hoche la tête, puis, par simple curiosité il demande :
- Mais, la comtesse a plusieurs filles ?
- Oui, bien sûr, mais lorsqu'on a le choix entre deux filles, il faut choisir la meilleure, ne croyez-vous pas ?
- Oui, c'est certain.
Et sur ces mots, les deux hommes se quittent, l'un heureux de ce nouvel accord, l'autre se demandant comment il pourrait gâcher un peu plus la vie de la famille royale.
Il ouvre la lourde porte en bois pour entrer dans son espace personnel. Il ne se sent bien qu’ici, dans la tranquillité, entre ses meubles et ses fioles. Il vient se positionner en face de la grande fenêtre à carreaux. Il jette un œil dans la cour où il ne se passe absolument rien. À cette heure-ci, même les domestiques sont au lit. Il ne reste probablement que ceux de la cuisine qui s’occupent de faire le ménage et ranger les plats. Peut-être même manger les restes que les souverains ont laissé.
Il regarde la lune depuis sa fenêtre, un large sourire sur ses lèvres.
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Le réconfort de l'âme tourmentée
RomanceDrismalia est une fille de comte, maltraitée, dévalorisée par sa famille, un jour elle rencontre un duc qui est aussi un chimiste étrange qui a un sombre secret et qui l'aidera à accomplir sa vengeance.