Chapitre 8 : Un cœur tourmenté

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Zarif, bosquet de Zyack, 12 : 45

L'écosystème de Zarif et au-delà, à l'instar de Warlok, devait sa gloire au Crisis ; cette force énigmatique, d'origine extraterrestre et aux pouvoirs indomptables, surnommée l'énergie bleue. Le bosquet de Zyack, aux arbres de bouleaux attrayants et à la mer de jacinthes indigo, illustrait amplement ses exploits. Ce havre naturel servait de repère aux quatre Héritiers depuis leur venue dans la nation végétale, leur procurant chaleur d'un âtre et quiétude d'un foyer.

En ce début d'après-midi, Hazo se réveillait d'une énième sieste entreprise depuis le commencement de la journée. Relaxé sur un lit cotonneux d'akènes, il releva son torse puis effectua des étirements en baillant.

L'adolescent n'avait jamais été très matinal : plus précisément, il détestait le matin. Loin d'être un état d'esprit ou une aversion passagère, il s'agissait d'une haine pure et simple. Un obstacle de taille, face à son hobby qu'était le sommeil, combiné à son travail d'armurier et sa passion pour la technologie. Les recherches en quête du Dianguar exigeait une levée matinale assidue, à son grand malheur. Ainsi, il profitait de chaque instant pour faire un somme.

Assis sur le support douillet, l'ensommeillé se donnait le temps de se défaire du voile de la sieste. L'armurier balaya l'environnement de ses yeux bioniques bleutés, lorsque la scène dans son angle droit le captiva : Nalora effectuant son entraînement du maniement de la lance. Une maîtrise combinant art martial et danse.

La jeune femme de seize ans s'adonnait à son exercice quotidien, exécutant les enchaînements avec adresse, sans remarquer le spectateur émerveillé en retrait. Son teint basané était sublimé aux huiles de pêche et de passion. Son visage doux de nature dépeignait sa détermination ainsi que sa ténacité, et dévoilait un caractère fort d'esprit.

Devant ce spectacle passionnant, les lèvres de l'ingénieur se rehaussèrent de tendresse. Ses pommettes s'empourprèrent légèrement pour une raison plus qu'évidente.

Les instants vécus au côté de la Warloïte avaient fait naître en lui des sentiments fulgurants. Des sentiments, hélas, douloureux et non-réciproques. Le cœur de Nalora n'était épris que pour un seul être, l'auteur de toutes les blessures enfouies dans l'âme de chacun d'eux.

Chaka Shinelo, le « Tigre blanc de Warlok ».

À la seule pensée de son nom, les traits d'Hazo se durcirent, envahi par une soif de colère envers l'individu. Engouffré dans le labyrinthe de ses pensées, son esprit se perdit dans les méandres d'un passé affligeant.

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Le corps de Sheik, blotti contre le torse d'une Khé-Khé brisée de chagrin. Nalora, au regard désemparé, affalée sur l'écrin de verdure ; sa main tremblotante s'attardait sur son bras ensanglanté, causé par le coup de sabre de Chaka.

Quant à Nakoyi... Ceinturée à la taille par Hazo, la fillette oscillait ; désespérée de s'extraire de sa prise pour rejoindre ce grand-frère qui s'éloignait au loin, dans les profondeurs de la forêt. Ses supplications, l'acuité de ses pleurs ignorés par l'Héritier proscrit, ne cessaient de hanter l'armurier.

En cette nuit effroyable, une rage féroce le submergea tel un tsunami dévoreur des îles, faisant fi des marques de strangulation qui lui brûlaient la gorge. Cette fureur déforma son visage d'exécration, au point que ses yeux scintillèrent avec frénésie.
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— H..z... ? Haz... !

Hazo revint à lui par une voix douce qui l'interpellait. Son regard dériva sur le visage rond et soyeux de Nalora, arrivée au terme de son entraînement.
Ses dreadlocks sombres, rasées sur le côté gauche de sa tête, tombaient en cascade sur son torse. Une main prenait appui sur sa hanche pendant que l'autre tenait sa lance, à la pointe taillée dans du saphir.

Ses yeux bridés vert olive fixaient son ami, en même temps qu'un sourire moqueur naquit sur ses lèvres charnues.

— Tu t'es finalement décidé à te lever ?

L'humeur joviale de la lancière atténua le sien, refroidissant le feu ardent qui l'avait embrasé antérieurement. Hazo ne put s'empêcher de la contempler. Cet amour éphémère, qu'il avait tant voulu embrasser, ne resterait à jamais qu'une chimère.

Furtivement, ses iris se posèrent sur le bras de la Warloïte, d'où une cicatrice ténue sous forme de fente s'y distinguait. Il préféra toutefois ne pas s'y attarder.

Hazo prit une profonde inspiration afin de refouler ses affres intérieures, son corps se relâchant d'un coup.

— C'est ça, moque-toi de moi. Et sinon, ça donne quoi tes entraînements acrobatiques ?

— Ces entraînements acrobatiques, comme tu dis, me permettent d'avoir de quoi vous nourrir tous les jours, bouda quelque peu la guerrière, devant le manque d'encouragement de son ami.

Simulant un désintérêt, l'Héritier se vautra une fois de plus sur sa couchette végétale, les mains derrière la tête et les paupières closes.

— Bah, il faut bien que ça serve à quelque chose.

Crisis - T1 : La quête des Héritiers [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant