La voie des airs

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Dans l'avion qui les emportait vers la France et leur liberté, bercés par les ronronnements réguliers de l'engin, la plupart des hommes s'étaient endormis. Paulo avait distribué à tous un peu de la nourriture récupérée par Gaston. Lui-même ne dormait pas, et réfléchissait, les yeux dans le vide, en tapotant son genou du bout des doigts. 

Gaston se montrait un excellent copilote. Très concentré, il écoutait les directives et les explications de Victor. Le jour s'était levé, ensoleillé et chaud. Collant son front contre les vitres, Gaston voyait défiler sous lui le paysage allemand, pas si différent de la France. Très semblable, même. Il vit des champs, verts et or, de minuscules petite fermes, des villages aux maisons sagement posées les unes à coté des autres et il pensa à un plateau de Monopoly. 

-"En combien de temps aurons-nous rejoint la France?" demanda t-il.

-"Une heure, encore, à peu près."

Ils avaient trouvé une carte, que Gaston gardait ouverte sur ses genoux, et Victor avait pu ainsi se repérer aisément.

-"Nous risquons d'être abattus dans l'espace aérien français", dit Victor. "Je teste la radio..."

Et il tourna des boutons sous le regard de Gaston admiratif. La radio fonctionnait parfaitement. De quelque part au sol, on cherchait à entrer en contact avec eux. Des voix rauques aux accents gutturaux grésillaient. Aucun des hommes présents dans l'avion ne parlait allemand; ils ignorèrent donc tout simplement. 

"Une fois au-dessus de la France, je tenterai de nous mettre en contact avec les nôtres. Tu parleras. Il faudra que tu leur expliques que nous sommes un groupe de rescapés d'un camp allemand et que nous chercherons à atterrir à deux heures au sud-est de Paris. Demande-leur de nous laisser le passage..."

-"Entendu", répondit Gaston.

Le vol se poursuivait sans encombre; il se sentait bien. Il allait bientôt retrouver sa chère patrouille. Montcoutour, son village natal dont il avait tant parlé pendant ses semaines d'incarcération, et qui s'était retrouvé être un des points les plus névralgiques de la guerre, avait besoin d'eux. Il retournerait se mettre au service de la France; et il savait que nombre de ceux qui les accompagnaient, Victor et Paulo les premiers, allaient faire comme lui.  

-"Aurons-nous assez de carburant?"

-"Le réservoir est plein. Nous avons plus qu'il n'en faut."

Gaston se sentit fatigué et il dut faire des efforts pour se maintenir éveillé. 

Une heure plus tard, ils passaient au-dessus de la frontière et l'avion entra dans l'espace aérien français. 

-"Nous sommes chez nous", murmura Victor. 

Puis il ajouta:

-"Je règle la radio. Prépare-toi."

Il tourna à nouveau des boutons, cherchant une fréquence qui lui permettrait d'entrer en contact avec l'armée française. Gaston regarda par la vitre; et il vit un paysage de désolation. De la  fumée qui s'élevait si haut dans le ciel qu'elle les atteignait presque; des nuages de terre et de cendres qui se soulevaient par endroit du sol sous le souffle d'une explosion. Il entendait les puissantes détonations, vit des villages entiers en flammes. Son cœur se serra.

-"Mon beau pays, que t'arrive t-il?" pensa t-il. 

Sa détermination se renforça. Il était de retour au pays; il allait faire tout ce qui serait en son pouvoir pour le défendre, pour contribuer à mettre un terme à cette guerre inutile qui mutilait sa patrie et précipitait chaque jour dans la mort tant et tant de ses compatriotes.  

Un mot d'ordre: servirWhere stories live. Discover now