Aime-moi

Chapitre 11

« Tu penses encore à lui ? Tu sais qu'il n'aime pas ça, les relations avec les loup-garou.

— Mais tu en es un pourtant. Mais c'est vrai que tu le laisses traiter ta meute comme de la vermine. Comme si vous ne le valez rien. »

Il observe la forêt devant lui, songeant à cette possibilité qu'il a de plus en plus de pouvoir s'échapper. Il a cette impression que c'est cette même forêt qu'il voyait depuis la demeure principale. Celle qu'il voyait depuis ses huit ans et peut-être même depuis bien plus longtemps. Il pourrait fuir en un instant, rien ne le retenait, personne ne le surveillait plus. Ils sont tous persuadés qu'ils ont quelque chose à lui apporter, ce petit quelque chose qui ne peut que l'aider à grandir. Et ils ont raison, il aurait déjà fui s'ils n'avaient rien à lui apporter.

Depuis maintenant, près de six mois, il vit dans ce qui est censé être sa véritable famille. Il est retourné au lycée, il a fini son année. Il voyait le regard de Jimin sur lui. Il le fuyait pour rejoindre ses « nouveaux amis ». Ceux qu'il voyait sans les voir. Ceux qui le persécutaient avant et qui maintenant sont comme une nouvelle famille. Il a vu l'incompréhension dans le regard de son frère de cœur, puis cette peine et enfin cette résignation.

Il a entamé l'université ainsi, loin de ceux qu'il appelait autrefois sa famille. Il aimerait les revoir, pouvoir leur expliquer, mais que pourrait-il leur dire ? Que pourrait-il leur avouer ? Il n'est pas ce simple petit humain, que tout le monde pensait devoir protéger. En fait, il n'est même pas humain, aucun de ses parents ne l'est, il est juste une imitation qu'on aurait améliorée. Ou une version de lui-même qu'on aurait dégradé.

En près de six mois dans sa nouvelle vie, il n'a pas revu Jungkook. Il sent quelque part au fond de lui un lien, il le ressent parfois plus fort et à chaque fois il tousse jusqu'à cracher du sang. A chaque fois il s'inquiète un peu plus de son état. A chaque fois il a envie de traverser cette forêt et le voir, le prendre dans ses bras et l'aider lui-même à se calmer. Seulement, il ne peut pas, en restant ici, il a accepté les règles de ce nouveau monde et Jungkook ne peut en faire partie, pas en restant lui-même.

« Tu penses que ça va se calmer ? Ses crises, j'ai envie qu'elles se calment autant que je le redoute. Si elle s'arrête est-ce qu'il ira mieux ? Est-ce que ce sera trop tard ? Est-ce que ça voudra dire qu'il m'a oublié ?

— Il n'y a que deux possibilités. Soit il est mort, soit tu lui as brisé le cœur au point qu'il te déteste, qu'il te renie et peut-être même qu'il ait envie de te tuer pour tout le mal que tu lui aurais fait. Mais elles sont étranges, je n'ai jamais vu ça.

— A choisir, je préfère qu'il me déteste. La seule chose que je ressens c'est celle douleur qu'il a et par moment je ne sens même rien du tout, juste un grand vide, comme s'il me manquait quelque chose. »

Il regarde celui qu'il surnommait autrefois l'ombre, celui qui lui causait tant de tourment. En six mois de temps, il a appris à le connaître, il a vu ce qu'il devait faire pour protéger sa meute. Il n'a jamais eu quelque chose contre lui, il voulait seulement à tout prix le ramener. Les années passaient sans qu'il n'y parvienne et la colère de leur maître augmentait en conséquence. Chaque échec était un membre de sa meute perdu. Chaque année était un mort de plus. Il ne lui en a jamais voulu, il ne pouvait savoir mais il avait de plus en plus cette hargne de le ramener, de sauver le peu qu'il reste de sa meute.

Park Seojun ne voulait que protéger sa meute, et on l'empêchait toujours de le faire parce qu'on protégeait un enfant et l'empêchait de rentrer à la « maison ». Mais personne ne savait, c'est ce qu'il lui a expliqué quand enfin il comprit qu'il ne risquait plus rien venant de lui. Tout le monde pensait qu'il lui voulait du mal, tout le monde imaginait sa mort prochaine s'il l'attrapait. Tout le monde se trompait mais qui aurait pu savoir, ils n'ont pas pris le temps de se parler. Simplement de parler.