Aux creux des larmes d'une prostituées

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Elle s’était assise près du lit
Etonné de savoir qu’aujourd’hui,
Je ne voulais pas d’elle.
Je ne fus pas son premier client
Mais le premier à le refuser.
Je voulais savoir qui se cache derrière cette femme,
Dont le visage tendre, les lèvres suaves et le corps façonné pour attirer les hommes,
Se mettait au service de ceux qui ont de quoi payés.
Elle se retourna vers moi les yeux gémissants de martyre,
Elle n’en pouvait plus,
Son corps courbaturé par les maintes nuits
Lui rappelait toutes les tortures.
Une chambre close et sans fenêtre,
Un peu de monnaie lui suffisait.
Elle ne cherchait pas, elle ne filtrait pas
Le premier venu, le premier servi.
Mais chaque nuit passée ajoutait une épine de déchirement
Qui la rappelait qu’elle n’était plus une femme mais juste une babiole.
Je pouvais lire sur son corps nu
Toute les Plaies que lui infligeaient ces hommes
Qui ne voulais d’elle que pour un soir.
Chaque larme qui glissait sous sa joue muselait
Toute les fois ou elle s’est fait maltraité,
Toutes les fois ou elle a proscrit son corps.
Rhabille toi lui dis-je.
Pourquoi ? Tu as déjà tous vu, ils ont déjà tous vu,
Me dit-elle avant de se mettre dans la position du fœtus pour sangloter.
J’ai beau essayer de me suicider,
Mais la mort semble me retoquer
Car le résidu que je suis ne trouvera pas sa place même en enfer,
me dit-elle pour pallier mon regard insoucieux.
Ne pleure pas lui dis-je.
Ils braquent sur moi des regards condescendants, continua t-elle,
Sans savoir que mon sort était déjà déplaisant.
À 17 ans, je connaissais déjà tous les fils du métier
Car provenant de la sordidité, je ne pouvais avoir une enfance déniée.

Pleurs par ci-pleurs par la,
Mes frères naissants de cette famille là,
Devrait tout de même manger !
Ma mère malade mourut après avoir fait le tour des « ougans » de la cité.
Vous vous demandez sans doute où est mon père ?
Celui-ci, après avoir de son allure fier,
Dès 8 ans, tarauder mon hymen,
Ne cessait de me rappeler que j’étais un énergumène.

Tout cela ne justifie pas ce que je suis devenue
Mais que faire quand famélique et dépourvu
On se retrouve seule avec un enfant de son père sur les bras.
Ce chérubin, je ne le voulais pas.
J’ai beau abhorrer mon pays, ma patrie,
J’ai beau blasphémer ceux qui m’ont anéantit,
Mais mes cris s’engloutissent dans le silence.....

Je ne désirais pas que ma fille croisse dans la mendicité
Ni qu’elle grandisse dans la contrition tout comme moi,
Et pour cela j’étais prête à ouvrir aux plus offrants mes jambes frêles,
J’étais parée à hurler de plaisir pendant que ma dignité a défunté.
Je ne croyais plus en cette éducation ergotant
Mais voulais quand même éduquer ma fille !
Et pour ça, je me suis prostituée.

Ahh ! Mes frères ! Que sont t’ils devenus ?
Je leur ai beaux demandé de bêcher joyeusement leur impécuniosité
Mais ils ont préféré chanter mourir est beau, arme à leurs mains ténues.
Si jeune et déjà si meurtrier !

Si mon cœur pouvait pleurer,
La mer ne pourrait recéler mes larmes.
Je ne pleure pas pour ce que je suis
Mais je pleure pour les mains
Qui sans affectivité houspillent chaque parcelle de mon corps,
Qui parfois prend plaisir à me traiter comme une chienne.
J’ai honte de moi !
Mais après tout je ne suis que « la prostituée »
Qui s’en soucie ?

Christ-Berly Derival

L'encre de nos entraillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant