L'encre de nos entrailles

Le jour où...

Le jour où nos yeux se sont enfin ouverts
Nous avons vraiment vu notre misère
Petits, innocents et indésirés
Nous errions sans cesse sur les pavés
Ramassis, cramoisis, finis
Constituaient notre semblant de vie
Saurions-nous un jour haïr
Pour tout ce dont nous n'avions pu jouir

Nous étions des enfants, putain!
Ce putain de jour où...

Le jour où j'aspirai l'odeur âcre et marinée
De la pluie sur la terre dessechée
Où le bleu et le rouge comme le bicolore
Des sirènes ont découvert ce corps
Inerte et sans vie, gisant sur le sol boueux
Où défilaient beaux, laids, riches, crasseux
Quémandant d'être oublié, ommis
Puisqu'ainsi a été toute sa vie

Je n'ai rien vu venir, promis!
Ce triste jour où....

Maria que je l'appellais, enfant
Elle n'avais que cinq ans
Elle était orpheline mais ma soeur adorée
Elle était sous ma responsabilité
J'ai juré de prendre soin d'elle
Elle était moche mais à mes yeux la plus belle
Nous longions champ-de-mars, affamés
Quand près d'un monsieur je me campai

Reviens en arrière Maria, je t'en prie!
À ce funeste jour où....

Ne me regardez pas ainsi, je n'ai point mendié
Loin de là, j'ai pris les choses en main et volé
Le portefeuil du pauvre gentilhomme à la tête dru
C'est lui ou moi, c'est la loi de la rue
Deux minutes plus tard, j'entendis un tir
Immobilisé, je ne me résolu pas à partir
Le gentilhomme gisait, giclait
Poitrine ouverte, son sang coulait

Pourquoi Maria, as tu fait cela?
Ce sombre jour où...

Au centre de champ-de-mars comme une crasse
Je regardais Maria face à face
Elle avait disparu un moment
Mais où avait-elle trouvé cet instrument
Les sirènes dansaient inébranlables ça et là
Quand la police emmenait Maria
Et avec elle le maccabé
Me laissant cloué, la bouche bée

J'aurais dû réagir Maria, te protéger
Ce jour où...

Maikhena Pierre-Louis