Émilie

62 8 11
                                    

<><><>

Dans la tête d'Émilie, les mots se mélangent, les grands sont petits et les diables ont gueule d'ange. Dans les yeux d'Émilie, l'émotion dérange, petite Émilie, est trop étrange.

Émilie, elle aime les fleurs, le ciel et les imaginer en réel.

Les roses devraient être roses, les étoiles sont bleues et la lune est chose. Le soleil est une reine, aux yeux chatoyant et ses cheveux sont des fils d'or qui s'enlacent dans le vent.

Dans les yeux d'Émilie, il fait un ciel sans nuage. Ça ressemble aussi à la mer, juste après un orage. De l'océan de ses yeux, coule un petit lac de lumière, elle voudrait qu'il monte vers les cieux, mais il ne fait que tomber par terre.

L'esprit d'Émilie, c'est une boule à neige, parce que dans sa petite vie, l'à l'envers est reine.

Émilie, elle pense de façon penchée. Les mots s'entassent et s'enlacent, les lettres filent et s'éfilent. Émilie, elle a les idées de travers, les couleurs qui s'inversent et les formes qui s'échangent. Émilie, elle pense pas comme tout le monde, Émilie, elle pense comme ça.

Les hommes sont femmes et les femmes sont hommes, parce que les deux premières lettres, s'effacent à la gomme. L'homme est jolie, la femme est beau, rien ne va, mais c'est moins faux.

Émilie, elle aime l'égalité.

Dans la tête d'Émilie, le monde est tout, le monde est rien. Le monde est beau, le monde est fleurs, le monde est faux et le monde fait peur.

Émilie a les cheveux chocolat, qui bouclent comme un mouton, des cheveux courts qu'elle coiffe selon la saison.

Dans la tête d'Émilie, les sons parviennent bien mieux que les mots, les couleurs n'ont plus de logique, tout est plus beau, plus doux, plus poétique.

Émilie n'a pas les pieds sur terre, Émilie est perdue dans les nuages. Émilie est un être de lumière, Émilie est une enfant sans âge.

Émilie, elle aime les nuances.

Les bleuets sont violets, les violettes sont bleues, le ciel est prune et les prunes sont mauve.

Emilie, elle aime les mots.

Dans les cahiers d'Émilie, les mots s'empilent et se chevauchent, font des boucles et des arabesques, se tarabariscottent et s'alignent. Les pages sont prunies, écrites avec du mauve et du cœur.

Sur les mains d'Émilie, il y a du jaune, parce que dans la tête d'Émilie, le jaune c'est soleil, le jaune c'est lumière, c'est un peu de joie, au creux de l'hiver.

Émilie vit dans une bulle de verre dont les paroies s'irisent, formant mille et une couleurs, qui luisent sous la brise.

Émilie est ailleurs, Émilie a un grand cœur, Émilie fait sourire les pleurs et rend ivre de bonheur.

Émilie, elle aime la musique.

Les mains d'Émilie sont celles d'une musicienne, qui joue dans le vent, pour chasser les peines, et abréger les tourments. Émilie écrit des notes, en fait une symphonie, elle compose les yeux clos, une superbe mélodie.

Émilie, elle aime la mer.

Flotter dans les eaux tumultueuses, les yeux fermés ; avec l'odeur du sel, qui vient au nez.  Sentir le soleil lui brûler la peau et les coraux effleurer ses orteils. Et puis les petits poissons, qui l'émerveillent.

La mer c'est un autre univers, la beauté en mille couleurs et la vie qui prospère. La mer, c'est le monde d'en bas, les pleurs du ciel, recueillis par la Terre, au creux de ses bras.

Les gens pensent qu'Émilie est dérangée, parce qu'elle pense avec incohérence et voit en toute chose la beauté.

Le plafond blanc moucheté de noir, c'est le ciel qui a changé de couleur et est venu dans son salon. Les pleurs d'un bébé, c'est un mort, que personne ne viendra regretter.

Les jambes d'Émilie, sont deux tiges à la pâleur de craie, sur lesquelles elle peint des fleurs d'une centaine de couleur. C'est une toile immaculée, sur laquelle elle aime crayonner.

Émilie est une artiste, que les gens ont refoulée, parce que ce qu'elle peint n'a pas de sens, car personne ne sait regarder.

Émilie, elle aime les papillons .

Ces petits insectes de papier, qui voletigent vers l'amour et les plus belles fleurs qui puissent exister. Petits oiseaux délicats, qui ne craignent pas l'artiste refoulée, se posent sur son doigt et se laissent observer.

Émilie, on ne la comprend pas. On a beau essayer, dans sa tête, tout est trop étranger.
Les gens ne comprennent pas, qu'Emilie voit tout en plus beau, simplement parce qu'elle s'émerveille devant les petites choses de la vie. Émilie, elle regarde avec le cœur, pas avec les yeux, elle regarde le bonheur et tout ce qui rend heureux.

Là où les yeux ne voient que l'herbe tendre jaunie par le soleil, le cœur d'Émilie regarde la chaleur rayonnante de l'été, de longues heures passées à peindre et lire sous un ciel d'azur.

Là où les yeux ne voient qu'une pluie torrentielle qui mouille et frigorifie, le cœur d'Émilie regarde les arbres reprendre de leur vigueur, les parapluies colorés qui éclosent tels des fleurs, et le pétrichor, merveilleuse odeur.

Là où les yeux ne voient qu'une fleur couverte de rosée du matin, le cœur d'Émilie regarde un cycle éternel et immuable, la douceur d'un pétale sur la main, un papillon venant déguster le nectar de cette fleur, et de petites abeilles, emportant son pollen pour créer une autre fleur, plus belle encore.

Émilie a des yeux de cœur et un cœur aveugle. Émilie regarde plus loin que la raison et l'aspect extérieur. Émilie voit le devenir, l'intérieur, le monde.

Émilie voit des couleurs dans le gris, de la chaleur dans le froid. Émilie voit les détails du monde et la beauté de ce que les autres apprennent à oublier.

Émilie regarde, et bien souvent, elle oublie de voir.

<><><>

~Recueil de poèmes~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant