Gabriel, petit ange tombé du ciel

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Il était une fois, un petit garçon nommé Gabriel. Il avait le prénom et la tête d'un ange tombé du ciel.

Petit Gabriel avait 13 ans, de beaux cheveux blonds. Des joues rebondies, un polo blanc, et des yeux marron.

Gabriel avait un ami, une famille, Gabriel était heureux. Il avait de bonnes notes, un sourire chaleureux, quelques bêtises au compteur, et des lunettes bleues. Et puis un jour, Gabriel devint malheureux.

C'était un beau mois de mars, où le soleil brillait. Il y avait dans l'air, une odeur de lilas, c'était un beau mois, pour perdre son âme d'enfant.

Le matin, Petit Gabriel avait ouvert les yeux en souriant, ce serait bientôt sa saison préférée, le printemps.

Gabriel avait ouvert les volets et respiré l'air qui s'engouffrait dans ses narines, ses poumons. Gabriel avait souri.

Et puis un petit rien avait tout chamboulé. Gabriel était assis sur le canapé, lisant un roman, qui sonnait comme allemand. Et puis le téléphone fixe avait sonné.

Alors papa s'était levé, il avait ébouriffé les cheveux de petit Gabriel et il avait répondu. Son "Allô ?" était resté suspendu dans l'air, et c'est ce qui avait inquiété petit Gabriel. Il s'était tourné, de dos, pour voir le combiné, son père qui le tenait. Et il avait froncé les sourcils.

Papa était tout blanc, au téléphone. Il avait la bouche entrouverte, il ne bougeait plus, comme une statue.

Papa avait dit "Vous en êtes vraiment sûr ?" une voix avait grésillée, mais Gabriel n'avait pas compris, c'était trop loin, trop faible.

Ensuite, papa avait raccroché, s'était pris la tête entre les mains et était allé s'asseoir sur une des chaises en paille de la cuisine.

Et quand Gabriel avait demandé des explications, quand il avait froncé les sourcils, papa n'avait pas répondu, et avait regardé maman, en secouant la tête. Gabriel n'avait pas compris, mais Maman, si, puisqu'elle s'était laissée tomber sur le canapé.

Au début, les choses étaient restées ainsi. Papa et Maman pleuraient, sans donner d'explications à Petit Gabriel.

Et puis, le jour du printemps, tout avait empiré.

Une gifle. Une gifle puissante, retantissante, s'était abattue sur la joue de Petit Gabriel, petit ange tombé du ciel.

Petit Ange n'avait pas bronché. Pas plus que lorsque sa mère avait dit à quel point elle regrettait qu'il soit venu au monde. Petit Ange était monté à sa chambre, avait serré César le Renard dans ses bras, et avait pleuré, silencieusement.

Et dans les jours qui suivirent, cela ne cessa plus. Le réfrigérateur se vida, Petit Ange ne pouvait plus manger. La lessive vint à manquer, Petit Ange ne pouvait plus s'habiller. Le chauffage fut impayé, Petit Ange ne pouvait plus se laver, plus se réchauffer. L'électricité fut coupée, Petit Ange ne pouvait plus s'éclairer.

Papa et Maman n'avait plus d'argent pour s'occuper de Petit Gabriel.

D'autres gifles retentirent, d'autres paroles furent prononcées. Mais jamais Petit Gabriel ne fut rancunier.

C'était le téléphone qui faisait pleurer Petit Ange. C'était les bouteilles vides, immatriculées 1664 qui faisaient s'énerver papa. C'était la poudre magique, dans les sachets de plastique, qui faisait que maman délirait.

Et Petit Ange pleure, et petit ange a peur.

Ses joues sont rouges, mais ce n'est pas grave. Le mal ne fait pas mal, ce sont les mots, qui lui font tous ces maux.

"Si tu n'étais pas là, rien de tout cela ne serait arrivé !"

"Petit ingrat, tu nous a pris tout notre argent, et voilà que tu pleures."

"Tu es pathétique Gabin, ou Gaston ou Gabriel, quelque soit ton prénom."

"Tout est de ta faute gamin."

"Tout irait tellement mieux si tu n'étais plus là."

"Notre meilleur cadeau serait que tu disparaisses."

C'était ces mots, qui blessaient Petit Gabriel. Petit Gabriel avait bien essayé, d'arranger la situation. Il avait pris le billet de 20 euros dans sa tirelire, et l'avait donné à Maman, tête basse. Elle avait ri, ri d'un air méchant, en disant que 20 euros ne changerait rien. Mais elle avait quand même pris le billet. Elle était partie, et en revenant, elle n'avait plus de billet, juste un sachet de poudre magique.

Petit Gabriel s'était occupé de la maison. Il avait lavé le sol, l'évier, la vaisselle. Il avait rangé sa chambre, le placard, le salon. Puis il avait essayé de se faire un peu d'argent, en aidant les voisins. En faisant les courses pour le monsieur du quatrième, en lavant la voiture de la dame du premier. Avec l'argent, il achetait à manger. Au moins pour lui. Petit Gabriel avait voulu, avait essayé. Mais Petit Gabriel était brisé.

Pourtant, petit ange ne cessait d'espérer. Le jour comme la nuit, il observait le ciel. Les nuages cotonneux, les étoiles d'argent. Il avait prié, aux petits anges qui l'avaient fait tomber, de le reprendre, de le laisser remonter.

Petit Gabriel observait le ciel. Quand il était petit, Maman disait "Voici Gabriel, mon petit ange, tombé du ciel." Et Gabriel était sûr que c'était vrai. Il était sûr qu'il était un enfant du ciel, un enfant des astres, un enfant désastre. Gabriel était un ange, tombé du ciel.

"Tu es un idiot, gamin. Parler aux étoiles, c'est comme parler à un mur."

"Arrête tes conneries, et donne moi la bouteille Gabin."

"T'es con, tu sers à rien Gabriel. Tu veux aller au paradis, alors que tu nous as fais descendre aux enfers."

"Regarde moi cet abruti, toujours le nez dans ses bouquins, dans le ciel. Réveille toi gamin, ici c'est la vie réelle."

Gabriel pleurait, de petites étoiles, qui coulaient sur ses joues à la pâleur de lune. Une, deux, trois. Puis Gabriel cessa de compter.

"-Dites mesdames les étoiles, je vous en prie, cessez de briller sur mon chemin. Je préférerai que vous vous éteigniez, et que vous me laissiez vous rejoindre. Je suis un ange tombé du ciel, à ce qu'on dit. Je veux remonter, j'en ai marre d'ici."

Il était une fois, un petit garçon nommé Gabriel. Il avait le prénom et la tête d'un ange tombé du ciel.

Il était un petit garçon, puis deux, puis trois. Qui avaient le visage d'un ange, et le corps couvert de ciel.

~Recueil de poèmes~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant