Remember [multiship] - 9muses & co

Prologue

La fraîcheur de la nuit, son obscurité, ainsi que le béton mouillé sous la fine bruine, rendant l'air chargé d'humidité, était le souvenir le plus lointain de Keumjo. Il n'était pas aussi vieux qu'on pouvait le penser, c'était simplement le début de son cauchemar. Celui qui allait rendre la nuit, oppressante, celui qui allait rendre effrayante, n'importe quelle ombre et qui la traumatiserait pendant des années, quand elle fermerait les yeux.

Dans la nuit pratiquement noire, elle courut de toutes ses forces, glissant sur le parterre de feuilles, tombant plusieurs fois. Elle était perdue, chaque mètre carré de la forêt se ressemblait, mais la petite fille n'avait pas le temps pour pleurer sur son sort. Sur ses genoux écorchés, elle souleva ses mains, regardant ses paumes avant de les essuyer grossièrement sur sa robe. Elle se releva comme une grande, quand elle entendit le sol craquer, bien trop proche d'elle. Keumjo tenta de croire au fond de son être qu'elle était assez forte pour jouer les adultes, mais sa respiration était saccadée, elle était terrorisée et avait mal partout, à cause de ses nombreuses chutes.

Elle attrapa sa peluche presque aussi grande qu'elle et reprit sa course pour échapper à son cauchemar. En pleine nuit, la chance était de son côté, trouvant un bâtiment caché par des ronces. La dentelle de sa chemise de nuit s'accrocha dans les branches de ces dernières, mais elle tira simplement de toutes ses forces dessus et entra dans l'immeuble à l'abandon. Il faisait si noir qu'elle fut obligée de longer les murs pour trouver un chemin.

L'humidité s'était transformée en condensation, qui elle-même, gouttait lentement le long des fenêtres brisées, et depuis les plafonds à demi-effondrés. Pourtant de cette façon, à rester près des légères sources de lumière et à marcher à tâtons, elle allait être bien plus facilement découverte par ce qu'elle cherchait à fuir.

Keumjo attrapa une rampe et monta des escaliers jusqu'au deuxième étage, bien plus lumineux grâce à la simple lueur de la lune. Plusieurs fois, elle se retourna pour être sûre que personne ne la suivait et sans savoir laquelle, elle ouvrit une des portes pour s'engouffrer à l'intérieur. C'était sûrement la pièce la plus sombre qui soit, de lourds panneaux en liège bouchant les fenêtres cassées.

La petite fille s'installa dans un coin de la pièce, semblant être une bonne cachette à ses yeux. Ses genoux repliés contre sa poitrine, tous ses membres tremblaient. À son âge, Keumjo avait tellement couru qu'elle était épuisée, en plus de sa peur du noir qui accentuait celle de l'homme qui la poursuivait. Un courant d'air s'engouffrait tout de même dans la salle où elle était, ses lèvres étaient devenues bleue et son ourson, d'habitude si réconfortant, était tout humide et poisseux.

Seule dans la pièce plongée dans l'obscure nuit, la petite fille n'avait rien pour se rassurer, même la faible lumière filtrée sous la porte, lui faisait peur. Sans savoir pourquoi tout était absolument à craindre. Elle serra son ours en peluche bien fort dans ses bras, lui qui était le seul qui la sortait un peu de son cauchemar. Il était son unique réconfort et Keumjo semblait y être attachée, comme si c'était la seule chose qu'elle possédait, mais elle n'avait pas de réponse au pourquoi du comment.

Elle ne savait pas du tout ce qu'elle faisait dans cet endroit, comment elle y avait atterri et encore moins qui elle était. La petite fille ne portait qu'une chemise de nuit qui ne la protégeait pas beaucoup de la fraîcheur de la nuit. Un de ses genoux était si écorché, qu'elle sentait la brûlure dans toute sa jambe. Elle ne voyait pas ce qu'elle avait, mais la douleur était présente et peut-être bien que si la lumière avait été allumée et qu'elle avait donc vu ses paumes salit par de la terre, elle n'aurait pas tant posé ses petites mains sur sa peluche adorée et encore moins contre ses genoux rougis et suintant. En réalité, même ses habits blancs semblaient irrécupérables, mais tout ce qu'elle voulait était que le soleil se lève, qu'elle puisse sortir de là et que quelqu'un puisse consoler le gros chagrin qu'elle retenait pour que personne ne trouve pas sa cachette.

Ses yeux devaient s'habituer à la pénombre pour qu'elle puisse faire quelque chose, mais elle n'était qu'une enfant apeurée de tout. Elle ne pouvait pas avoir d'impact sur les évènements et Keumjo ne pouvait revenir en arrière. Elle était condamnée à être une proie, alors elle resta dans le coin de la pièce où elle s'était cachée, derrière son ours en peluche aussi grand qu'elle.

L'endroit était des plus silencieux, il n'y avait que sa forte respiration saccadée qui gênait le sommeil de la nuit. Les larmes coulèrent finalement le long de ses joues rougies. La demoiselle avait si peur, elle voulait tant être protégée par les bras d'un adulte, qu'elle finit par craquer. C'était dur pour elle, à cinq ans, le noir l'effrayait tant, et la solitude n'était qu'un point de plus dans sa panique naissante.

Elle sursauta avant de poser ses petites mains sur sa bouche pour cacher ses hoquets, elle entendait parfaitement les pas dans le couloir qui se rapprochait, le sol instable craquant sous des rangers. Peu importe l'identité de cette personne, elle ne voulait pas la connaître, car le simple bruit se rapprochant d'elle, l'effrayait au plus haut point. Elle voulait hurler, pleurer quelqu'un, mais elle ne savait pas qui, parce que Keumjo, aussi adorable qu'elle soit, était réellement seule au monde.

La vie n'était pas toujours en faveur de chacun, elle était une enfant qui en avait fait les frais, mais heureusement pour elle, ses souvenirs n'étaient plus. Même son prénom, elle n'aurait pu le dire si on lui demandait.

Elle la vit sous la porte, cette ombre énorme et d'un noir de jais. C'était là, sa plus grande peur, celle qui la hanterait pour toujours. Son pire cauchemar et son plus lointain souvenir de sa vie. Keumjo n'était qu'une enfant perdue parmi tant d'autres. Pourtant, sa chemise de nuit anciennement en dentelle blanche et ses petites chaussures en cuir beige connotaient une certaine richesse. Tous n'auraient pas pu offrir de tels habits à leur enfant, encore moins juste pour la nuit. La petite fille n'appartenait pas à la même catégorie que la plupart de la population, ou du moins, jusqu'à ce moment où elle s'était assise dans le coin de cette pièce.

Le temps était si long, l'ombre semblait l'avoir trouvé qui plus est, elle ne bougeait plus, juste derrière la porte qui la séparait, elle et Keumjo. La petite fille se tut, elle ne voulait pas être attrapée, elle ne savait pas pourquoi, mais elle sentait qu'elle se cachait de celle-ci. Alors elle retint ses larmes et son chagrin en priant pour ne pas être trouvée. Pour une fois, on devait lui donner un peu de chance, elle devait rester cachée de cette méchante matière, d'un noir corbeau.

Ses paupières ne clignèrent plus une seule fois, ses pupilles ne voulaient quitter la forme obscure. Puis cette dernière fit un pas, puis deux, calmant Keumjo qui venait d'y échapper. L'enfant ne voulait tout de même bouger, ses jambes ne pouvaient plus lui répondre. Elle avait trop peur pour faire, ne serait-ce qu'un pas alors elle continua à serrer son ours en peluche dans ses bras. Elle aimait son odeur apaisante, un mélange de plusieurs fleurs lui évoquant quelque chose de très doux, une chaleureuse sensation. Comme si elle l'avait toujours connue, toujours rassurée dans des moments si difficiles, pour un enfant de son âge.

Et puis quelqu'un s'approcha de la pièce, elle l'entendit à sa démarche, ce n'était pas un homme. Pourtant, son cœur battait tout de même la chamade. La personne ouvrit la porte avec force, faisant peur à la petite fille qui tentait de reculer en vain. La lumière lui brûla les yeux, mais tout d'un coup elle n'avait plus froid, il y avait une couverture molletonnée autour d'elle et on la serrait dans une douce étreinte. Keumjo ne connaissait pas cette dame, mais elle avait l'air en sécurité avec elle alors sa joue se posa instinctivement contre l'épaule de la femme et ses larmes glissèrent le long de ses joues rougies.

« Ce n'est rien, tout va bien. »

Non, rien n'allait.

-

J'ai hésité longuement avant de poster le début de cette fiction, mais je pense que si je ne la sors pas maintenant, j'y serai encore en 2022 mdr (j'en souffre depuis 2018).

Ce sera une update par semaine pour l'instant