Chapitre 4 : Aux origines

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(Eleo)Nora

Revenue de ma mission, ne décolérant pas des comportements auxquels j'ai assisté, le bras enroulé autour de celui de grand pa', j'arpente les différents couloirs du palais de Kasteliced. Ce dernier, à demi taillé dans la roche d'une falaise, surplombe une vallée de glaces où s'entassent des habitations. Recouvertes par la neige, seuls ceux qui savent déjà qu'elles sont là peuvent les distinguer. Les membres de la société de l'hiver vivent disséminés aux quatre coins du monde au plus près des humains. Beaucoup ne sont que de simples manipulateurs de l'élément, agissant sur des soucis du quotidien : une plaque d'égout qui explose, des flaques suivant la pluie qui ne s'écoulent pas assez vite ou encore assurer le contrôle des marées montantes et descendantes sur toutes les côtes du monde. Ceux-là peuvent accéder à Kasteliced par le hall portail, mais n'y possèdent généralement pas de résidence.

Les autres, gradés, plus proches de ma famille, participent à des tâches plus lourdes dont les conséquences peuvent être désastreuses pour l'humanité. Leurs yeux sont en permanence focalisés sur la fonte des glaces, les mouvements sismiques en zones enneigées, les ouragans ou encore les tsunamis. C'est avec ceux-là que j'opérerai plus tard.

Ces familles plus puissantes possèdent bien souvent deux résidences : une ici, à Kasteliced, dans les falaises et les plaines du Svalbard et une autre, dans une ville de leur choix quelque part dans le monde. Leur adresse "humaine" demeure secrète. Une manière pour eux de couper avec cette vie parfois pleine de rebondissements et de sacrifices.

Je souffle, encore. Brann finit même pas interrompre notre marche.

— Qu'est-ce qui t'agace le plus, ma chérie, qu'ils n'aient pas su se tenir ou que tu aies su te tenir ?

Je prends une expression presque surprise. Je cligne des yeux et mes lèvres s'animent, réfutant ce qu'il vient de dire. Pourtant, Brann arque un sourcil.

— Brann ! je m'offusque.

— Eleonora, persiste-t-il, affichant un rictus amusé.

Je souffle de plus belle en regardant partout sauf dans la direction du Gardien originel. Un petit sourire fend son visage alors que je me mets finalement à ricaner. Un comportement qui ne fait que prouver que le Patriarche a raison.

— Je condamne fermement cette stupide gueguerre, argué-je.

— Ça, c'est ce que pense ta raison, me pique l'homme.

J'ose finalement reposer mes pupilles sur grand pa', affichant une moue coupable.

— Mais admets que pour ta première sortie en présence d'estival, tu aurais aimé se frotter à eux.

J'opine et un rictus malin soulève mes commissures. Bien sûr que j'aurais voulu me mesurer à l'un d'entre eux. En tout bien, tout honneur. J'aurais vu ça comme un entrainement, un jeu et non comme une véritable bagarre. Depuis des années, j'écoute les récits de mes aînés concernant leurs échauffourées avec les pyromanes, j'aimerais ajouter mon histoire aux leurs. Malheureusement, je ne sais que trop bien ce que ce conflit a entrainé comme drame pour l'humanité.

— Ce jour viendra, lance Brann, le regard taquin.

Je l'observe compter sur ses doigts.

— Plus que six mois, dans six mois jour pour jour, tu rejoindras officiellement les rangs des Gardiens et tu pourras aller botter toutes les fesses d'estivaux que tu veux... ou de parias, tant qu'à faire. De parias pyromanes !

Il s'exclame ravi, en écartant les bras. Je ris. Effectivement, poursuivre et traquer les parias et peu importe leur famille d'origine, sera bien plus gratifiant que d'aller alimenter l'éternelle gueguerre entre les hivernaux et les estivaux. Après tout, c'est ce pourquoi je m'entraine tant, pour pouvoir intégrer les escouades de combattants chargés de traquer et d'arrêter ces traitres.

21 Solstices [sous contrat avec les éditions BOOKMARK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant