1. Autrefois ࿐ ࿔

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AUTREFOIS,

il y avait une Sirène, une belle et dangereuse créature des Cyclades, venue chercher un diplôme d'une année à Poudlard. Ce bref apprentissage lui permettrait d'aller au Ministère de la Magie et défendre le statut de son peuple.

OUI, AUTREFOIS.
AUTREFOIS À POUDLARD.
EN 1945, IL Y AVAIT
NAÏADE ET TOM JEDUSOR,
AUTREFOIS.

*

Naïade ne laisse rien la perturber. Pas les regards surpris des élèves. Pas le bruit des chuchotements. Pas le discours de Dippet qui l'accueil à Poudlard. Ni les sons étouffés de ses mocassins. Ni les jambes magiques que que le directeur lui a donné. La journée, seulement.

La nuit, elle retrouve son élément. Elle peut de nouveau sentir les courants sur sa peau. L'eau murmurer contre ses nageoires. Les algues lui tresser les cheveux. Elle peut redevenir ce qu'elle est, une Sirène.

Naïade est ambitieuse. Elle veut aider tout son peuple. Naïade a les yeux de jade en fentes. Comme des pierres froides au fond d'un ruisseau. Polies par le temps et les soupirs des torrents. Naïade est grande et mince. Naïade boîte un peu avec ses nouvelles jambes. Comme une adolescente qui tente de trouver son avenir. Naïade est belle, dangereuse, intimidante. Naïade est imperturbable.

Dippet la met temporairement à Serpentard. Cette maison de l'eau et du froid. Du sang et de la gloire. Celle des cachots et aux multiples secrets. Celle qui garde des potions qui glougloutent sur les étagères. Celle qui se pare de velours et d'émeraude.

Le directeur lui a créé une chambre. Comme une poupée qu'on installe. À côté des grandes baies vitrées de la Salle commune des serpents. Elle n'a qu'a traverser le verre magique et elle sera dans son élément. Encore. Toujours.

Une situation parfaite pour une Sirène imperturbable.

Jusqu'à ce préfet-en-chef de Serpentard qui vient la guider. Un jeune sorcier. Un beau sorcier. Aux yeux d'obscidienne. À la chevelure de charbon. À son teint pâle. À son regard presque reptilien. Jamais elle n'a vu telle fraîcheur. Elle avait envie d'en écrire une chanson. Comme l'eau. Comme les profondeurs. Comme le sable froid au fond de la mer.

- Par ici.

- Merci.

Des mots simples. Simples comme si personnes ne remarquent la flèche qui vient de les transpercer. Tout le monde ferme les yeux. Comme si la Sirène et le Serpent n'ont pas senti le maître des destins les relier comme des siamois. Des marionnettes de soie. Dans un théâtre dramatique.

Naïade n'entend plus rien. Elle sait qu'elle avance dans les couloirs. Elle ne se sent pas très à l'aise dans ses chaussures de cuir basses et ses collants blancs. Naïade n'aime pas trop son uniforme. Ni sa cravate. Naïade aime pourtant le dos du gilet gris pierre que porte le préfet-en-chef. Elle aime sa démarche. Sa prestance. Elle lui rappelle sa propre nage dans le liquide de la vie. Transparente, attirante, naturelle, telle est l'eau. Le fil de l'avenir. Lui.

Naïade ne sait pas pourquoi elle se sent ainsi. Les Sirènes ne tombent pas amoureuses. Les Sirènes ne s'intéressent pas. Les Sirènes font tomber amoureuses. Les Sirènes intéressent le monde. Pas l'inverse. Naïade ne sait pas ce qu'est l'amour. Mais elle sait voir ce qui l'appelle et ce qui la repousse. Ce qui la caresse et ce qui l'indiffère. Oui, Naïade se demande pourquoi ce préfet et ses yeux noirs ont de si différents.

Curiosité. Comme lorsqu'une barque passe au-dessus des récifs. Que, tout en haut, les rames forment des tourbillons quand elles s'enfoncent dans son royaume. Là, elle devient dangereuse. Là, elle devient curieuse. Qui a-t-il dans le bateau ? Peut-elle le connaître ? Le noyer ? Lui parler ? Le chasser ? Ou le sauver ? Oui, toutes ses questions affirment sa curiosité. Son ambition. Son désir de savoir plus. De savourer son renouveau.

À cet instant, une femme brune aux paupières lourdes s'approche en sautillant.

- Une Sirène ? Pas si impressionnant.e Vaut-elle vraiment mieux que les horreurs au fond du lac noir ?

susurre-t-elle.

- Bella, laisse-la,

tranche le préfet.

Et elle se tait. Pour de vrai. Son autorité se déverse contre les murs humides. Les torches vertes creusent les ombres et les boucles de la femme qui arrête de les suivre. Un pouvoir. Le même pouvoir que son peuple lorsqu'elles attrapent les marins par leur chemise. Les coulent. Coulent vers le fond du monde. Vers le fond du temps. Vers le fond de la mort.

La même beauté. Le même pouvoir lisse et épuré. Le même, vraiment ? Naïade doute. Elle bute sur une question. Comme un banc de poissons argentés qui croisent un requin blanc. Et elle a raison. Comment peut-il avoir ce pouvoir de tueur, cet.. enfant ? Ou alors, il n'en est plus un depuis longtemps.

- Venin de Basilic, c'est le mot de passe,

marmonna le jeune homme sans se retourner, une porte libérant le passage.

À peine met-elle un pied dans la pièce. À peine remarque-t-elle la parfaite atmosphère des lieux. Qu'il se retourne. Chacun de ses gestes étudiés. Comme s'il souhaite tromper sa propre ombre. Son coeur et son esprit. Son âme. Sa propre chanson et le maître des destins.

- Mon nom est Tom Riddle.

Elle lui tend sa main longue et froide. Elle veut la serrer. Mais Tom la retourne et lui dépose un baise-main comme le givre. Comme l'Hiver qui courtise la Mer.

- Naïade.

𝕾INGSONG NAÏADE ━゙TOM RIDDLE ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant