𝕾INGSONG NAÏADE ━ﾞTOM RIDDLE ✔

4. Et ton projet, Tom ? ࿐ ࿔

L'hiver fane et laisse place au printemps. Naïade sent les eaux du lac se réchauffer. Comme chez elle. La Méditerranée qui lui manque. Tant elle lui manque qu'elle doute parfois de sa mission. Mais elle n'oublie pas que son peuple a besoin de la reconnaissance qu'ils recherchent. Elle n'oublie pas son apprentissage. Elle est douée. Mais pas aussi douée que pour adorer Tom.

Qui n'aime pas les hommes brisés ? Qui n'aime pas jouer à la poupée ? Tenter de les reconstruire. De leur faire oublier leur passé ? Leur souffrance ? D'être un baume nouveau ? Qui ne trouve pas les larmes d'un homme plus nobles et mélancoliques que celles d'une femme ? Une triste vérité, bien humaine. Humaine comme Tom et les élèves de Poudlard. Pas comme elle.

Elle est une Sirène. Elle n'est pas affecté par la mort. Une mort qu'elle cause depuis sa naissance. Naturellement. Pour se nourrir et s'amuser avec les corps des noyers.

Naïade sait que Tom est un meurtrier. Un humain avec un pouvoir aussi lisse, poli, ne peut être un saint. Donner la mort, détruit les sorciers. Ce n'est pas dans leur nature. La folie devient vite leur amie. La même amitié qu'elle a, elle, avec les petits poissons du lac. Ils apparaissent dès qu'elle enfonce sa main froid à la surface. Ils nagent entre ses doigts. Frétillent. S'amusent. Dansent.

Comme la folie et l'esprit humain.

Assise dans le parc, Naïade a enlevé ses chaussures. Ses collants blancs sont plongés dans l'eau. Un carnet gribouillé d'encre noire repose à ses côtés dans l'herbe tendre. La tête de Tom est sur ses genoux. Il est allongé. Les yeux fermés. Comme si leur deux contacts gelés les réchauffent. Surtout pour lui. Comme Naïade veut nager. Mais ce n'est pas possible. Tom ne pardonne pas les abandons.

Naïade fredonne.

Le panorama écossais est illuminé d'une nature printanière. Les chemises des élèves sont ouvertes. Ils tentent d'apercevoir le soleil. De se réchauffer. Les arbres sont fleuris. Le ciel est bleu. D'un bleu si clair qu'il rappelle un miroir.

Naïade pose ses ongles sur le front de Tom. Il ne bouge pas. Il savoure en silence. Non, il réfléchit. Il sculpte un avenir. Son avenir. Elle se demande si elle en fait partie. Elle se demande si elle en a envie. Quitter la noirceur de l'océan pour la noirceur de ce cœur.

Un coeur blessé, qui constamment saigne. Qui constamment pleure de blessures antérieures qu'il ne peut guérir. Qu'il ne veut guérir. Cette peine est son identité. Sa colère son personnage. Elle le sait. Elle le sait que trop bien. Tom ne veut pas changer. C'est trop tard. Et pourtant, il est là sur ses genoux.

Il se sent en confiance. La confiance est si difficile à donner, à ressentir,une fois qu'elle a été abusée, violentée. Les Sirènes offrent la confiance comme des rêves d'enfant encore intacts. Des désirs possibles. Des fioles d'espoir. Jusqu'à ce que les victimes embrassent les coraux et tombent dans leur gueule béante. Encerclée de dents pointues comme des éclats du temps.

Tom sait-il tout cela ? Sent-il que cette confiance est surnaturelle, en plus d'un coup du maître des destins ? Naïade se demande si le cœur inanimé, sait. Et Tom, plus que tout au monde aime savoir. En quête de l'immortalité qui va le détruire. Lui qui si jeune n'a jamais voulu de sa vie. Il veut maintenant persister dans celle-là.

- Et ton projet, Tom ?

Un silence. Un souffle de vent. Comme un courant doux qui passe dans ses cheveux. Comme les doigts de ce sorcier qui glissent entre ses mèches brunes.

- Professeur de Défenses contre les Forces du Mal.

Naïade appuie son ongle sur la peau pâle du front. À la limite du massage. À la limite de la chair tranchée.

- Et ensuite ?

- Mon projet est dangereux. Comme une flèche qui traverse le cœur. Comme nous.

Il ouvre ses yeux abyssaux. Comme deux chevaliers frères qui se noient dans les tréfonds d'un marécage. Naïade ne flanche pas. Naïade n'a cillé qu'une seule fois lorsque leur destin se sont croisés pour la première fois. Mais plus maintenant. Va-t-il y avoir une seconde fois ? Elle se le demande.

- Dangereux pour toi, ou dangereux pour ceux qui t'entourent ?

questionne-t-elle énigmatique en laissant tomber le jade fendillé dans les ténèbres ourlés de cils.

- Dangereux pour tout ceux qui barreront ma route. Un monde où je serais immortel. Entouré de sang-purs qui me vénèront.

- Des sang-purs ?

Au moment de lui répondre, Tom se relève. En un claquement de doigts, il se redresse. Sa raie sur le côté un peu décoiffée. Légèrement. À peine. De son regard, Naïade se lève, de ses yeux fixes. Naïade sort de l'eau tiède. Ses collants blancs, mouillés s'enfoncent dans la pelouse. L'une des tours de Poudlard empêche le soleil de poser ses rayons sur eux.

- Mais pour toi, Naïade..

chuchote-t-il avec un calme et un sérieux exemplaire.

Tom se met à genoux devant elle. Il attrape délicatement ses fausses chevilles humides. Il remonte lentement la pulpe de ses doigts sur les jambes de Naïade. Il remonte encore. Jusqu'à ses cuisses, ses hanches. Lui aussi se redresse. Il continu sur ses côtes, ses bras, s'arrêtent à ses épaules. Qu'il serre. Pour lui faire comprendre l'importance de ses paroles. Une sincérité nouvelle. Un sourire presque juvénile, pleins d'impatience.

- Pour toi, Naïade, j'accepterai ton peuple. Un peuple de puissance et de sources brutes. Pour toi, j'accepterai toutes les créatures des Ténèbres. Loups-garous, acromentules, Détraqueurs.

- Pour moi ?

- Pour toi, je ferais pourrir le monde. J'offrirai à ton peuple l'abondance. Mes prisonniers termineront dans la profondeur des océans. Vous aurez un véritable titre.

Naïade plonge son regard dans le sien. Deux silex qui s'affrontent.

- Tu veux m'aider ? M'aider à donner la dignité à mon peuple ?

- Ensemble, nous réussirons.

Un mensonge. Un beau mensonge qu'on ne veut pas refuser. Naïade sait que s'il la garde auprès d'elle c'est pour ce qu'elle représente à ses yeux. Un but. Un pouvoir poli. Une danse dans les ombres qu'il veut apprendre. Sa demande est égoïste. Pourquoi vouloir la garder dans sa guerre ? Une terre qui sera bientôt à feu et à sang pour son objectif ?

Oui, pourquoi ?

Tom va réaliser qu'il l'aime que s'il éloigne Naïade de lui. Va-t-il le comprendre ? Qu'il la laisse partir. Pour la sauver. Pour oublier son égoïsme. Mais cela va-t-il arriver ?

Naïade doute. Le maître des destins observe le vase cassé où volent les éphémères papillons. Les sentiments de deux destins qui se délient pourtant. Doucement.

- Bien, Lord,

s'amuse-t-elle avec un sourire rigide.