✲ You made me bloom

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CHAPITRE I


C'était un jour de décembre, ordinaire. Et pourtant.

Il faisait froid ce midi-là, l'air glacé en était pénible à supporter. Les températures n'étaient toutefois pas suffisamment négatives pour empêcher la neige de tomber lentement du ciel. L'hiver venait ainsi encore recouvrir le sol de la capitale d'un épais manteau blanc, enveloppant les rues, les édifices, les parcs et les arbres depuis longtemps dégarnis, de flocons délicats. La ville était comme plongée dans une ambiance lugubre et glacée.

Cette couverture nébuleuse qui enrobait Séoul d'une légère pénombre encore à la mi-journée, lui conférait une atmosphère lourde et morne... presque intemporelle.

Là au milieu de ce paysage urbain enneigé, marchait calmement une jeune femme.

Elle regardait droit devant elle, les yeux inexpressifs, et le visage neutre ; il était même blafard en contraste avec ses longs cheveux ondulés et noirs comme l'ébène. Ces vêtements néanmoins d'une agréable nuance de couleurs chaudes permettaient d'harmoniser l'apparence et le charme glacial mais élégant, qu'elle dégageait.

Elle suivait ainsi le chemin, l'air paisible, avançant entre les arbres du parc de la Forêt de Séoul. D'un œil distrait, elle observait le cadre bucolique mais confortable et tranquille qui l'entourait. Manifestement, très peu de monde se promenait à cette heure-là. C'était précisément ce qu'il lui fallait.

Elle aurait dû profiter de sa pause déjeuner différemment et pourtant, plutôt que d'aller manger avec ses collègues, elle avait préféré s'éloigner de toute cette pollution bruyante qui rythmait sa vie quotidiennement ; quoi qu'il en soit, elle n'était pas franchement familière avec l'équipe avec laquelle elle travaillait aujourd'hui. D'ordinaire, elle faisait son service de nuit, c'était exceptionnelle qu'elle soit de journée, un simple remplacement. Alors, elle avait préféré sortir prendre l'air plutôt que de rester enfermée dans la salle de repos, à feindre la sympathie avec d'autres.

Elle avait aussi et surtout eu besoin de se retrouver seule, de marcher, pour réfléchir.

Voici maintenant un sacré nombre de jours que son esprit était aux prises avec une inquiétude grandissante. Et voilà que le jour J était enfin arrivé. Loin d'être prête, elle était toutefois bien consciente que cela ne dépendait certainement pas d'elle, ni de son état d'esprit actuel.

Alors, son cœur se serrait douloureusement en se représentant le dîner qui l'attendait un peu plus tard, ce soir-là. Elle n'avait pu se résoudre à trouver des prétextes pour excuser une potentielle absence à ce repas familial, elle se ferait prendre immédiatement, alors elle n'avait rien tenté, l'âme en peine. Elle ne pouvait plus indéfiniment fuir, sinon les autres finiraient par comprendre.

Alors la voilà, qui depuis deux semaines ne dormait pratiquement plus, en proie à des insomnies indomptables qui lui laissaient systématiquement de jolis cernes dès qu'elle partait au travail. Elle ne cessait de se retourner dans son lit, de déambuler dans son appartement, de boire du lait chaud, rien n'y faisait si elle ne se soumettait pas à prendre des gélules médicinales pour le sommeil.

A ce stade, elle était profondément fatiguée. Simplement parce qu'elle se torturait elle-même terriblement l'esprit. Depuis l'enfance, ça lui prenait quelques fois d'être submergée par ses angoisses, mais elle avait de longue date appris à réguler son tempérament en fonction. Pourtant, cette fois-ci, elle en avait perdu le pouvoir, victime de ses émotions, de ses souvenirs, et surtout d'un certain visage qui lui revenait sans cesse en mémoire.

             Elle avançait toujours, grelottant légèrement de froid, le regard cette fois levé vers le ciel, inspirant profondément. Elle essayait en vain de glacer cet estomac qui lui était si douloureux depuis quelques temps. Elle n'arrivait plus rien à manger non plus, oui, alors celui-ci était creux, vide, la rendant tristement faible.

𝐋𝐢𝐬𝐭𝐞𝐧 𝐜𝐚𝐫𝐞𝐟𝐮𝐥𝐥𝐲 ❊ 𝐖𝐢𝐧𝐭𝐞𝐫Où les histoires vivent. Découvrez maintenant