Chapitre 1

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Mon cerveau me hurlait de ne pas m'arrêter, mais mon corps n'en pouvait plus. Je n'en pouvais plus. Chaque pas me déchirait une grimace, chaque respiration brulait et comprimait un peu plus ma poitrine. Mais je continuai de courir malgré les branches qui fouettaient avec violence mon visage et mes bras nus. Je puisai une énergie inconnue, tout au fond de moi pour survivre. Une envolée de corbeaux au-dessus de ma tête me surprit et leurs croassements stridents me filaient la chair de poule. L'un d'eux se détacha du groupe pour foncer droit sur moi. Les bras devant mon visage pour me protéger, je courrai, mais cette saloperie s'accrocha à mes cheveux et je tombai lourdement au sol. Hors d'haleine, je tentai de me relever, mais sans succès, mes jambes refusaient de coopérer. Un puissant rire cynique me percuta de plein fouet et la peur noua mes entrailles. Je rampai, suppliant, pleurant qu'on me vienne en aide, mais aucun sort ne sortit de ma bouche.

La matière dure du sol se changea subitement en une substance chaude et visqueuse. L'odeur cuivrée et ferreuse me fila la nausée. Je tentai de m'en sortir, en vain, chaque mouvement m'enfonça un peu plus dans ce sol. Épuisée, j'abandonnai. Je fermai les paupières dans un dernier espoir de me réveiller, mais la chaleur des flammes était bien trop réelle pour que cela soit encore un rêve. En ouvrant les yeux, je le voyais devant moi. Sa grande silhouette noire, entourée de flammes oscillantes se trouva juste à quelques pas.

Kaly

Sa voix si sifflante et grave me glaça l'échine. Lentement, il leva l'une de ses mains et je tentai de me lever pour partir une nouvelle fois, mais c'était impossible. Tout était trop douloureux et bien trop glissant pour y parvenir. Je devais me résigner à mourir. Pourquoi ? Qui était-il et que me voulait-il ? Des flammes jaillissaient de sa main tendue et me frôlaient tout en illuminant les alentours. Les arbres de la forêt prenaient feu et je pouvais, à présent, distinguer nettement que la substance visqueuse n'était autre que du sang. Du sang sombre, épais et collant et j'en étais recouverte de la tête aux pieds. Un puissant cri sortit enfin de ma bouche. J'aurais tant voulu crier plus tôt, bien avant de voir le corps démembré de maman flottant dans la mare de sang ou la tête de Clara qui s'approchait de moi avec un regard vitreux.

Kaly... vient à moi...

Une main sur le cœur, je me redressai d'un coup. Suffocante et trempée, je pris quelques secondes pour bien assimiler que j'étais dans mon lit. C'était la troisième fois cette semaine que je faisais ce cauchemar et c'était de pire en pire. Cet enfoiré s'approchait un peu plus à chaque fois. Assise au bord de mon lit, je tentais de reprendre mes repères afin de m'assurer que je n'étais plus dans les bois. Un long frisson longea ma colonne en y repensant, tout m'avait paru si réel. Tous mes sens étaient au maximum quand je rêvais. Clara, ma meilleure amie depuis toujours, me disait que j'angoissais à l'approche de mon anniversaire et le fait de partir loin d'ici pour l'université à la rentrée. C'est vrai que j'angoissais, mais qui ne le ferait pas ? Mais de là, à me filer des cauchemars des plus réalistes, inconcevables ! En voyant l'heure sur mon réveil, je me décidais à me bouger avant le retour de maman de sa garde de nuit à l'hôpital. Je filais directement sous la douche pour me débarrasser de toute cette sueur et l'impression de ce sang toujours collé sur ma peau. L'odeur aussi était encore bien présente dans mes narines. Je laissai l'eau chaude détendre mes muscles et fermais les yeux, inspirant longuement pour faire disparaître toute trace de ce cauchemar.

Je préparai le petit-déj pour maman afin qu'elle n'ait pas à le faire et puisse directement aller se reposer. Il n'y avait que maman et moi, mon géniteur était aux abandonnés absents depuis ma naissance. Cela ne me dérangeait pas, je ne ressentais pas un manque et je n'avais pas envie de savoir qui était cet homme. Nous avions toujours été deux et cela m'allait parfaitement. Quand maman rentrait, je remarquais tout de suite qu'elle était épuisée, ses traits étaient tirés et ses yeux cernés. La nuit fût rude, mais malgré ça, elle gardait toujours son sourire que j'aimais tant.

SéoliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant