𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖈𝖎𝖓𝖖

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Rapprochements



Point de vue de Dipper

Je reste figé, le regard rivé sur le jeune homme qui m'observe derrière la vitre. Il reste là, fermement planté au milieu du trottoir, et arbore un sourire moqueur. M'espionnait-il ou passait-il là par hasard ? La marque dans mon dos me brûle légèrement, et je sais qu'il ne se balade pas, non.

Démon stupide.

— Dipper ?

Wendy me fait des signes de la main, les sourcils froncés.

— Tu vas bien ? T'es tout pâle, on dirait que t'as vu un fantôme.

Non, ce n'est pas un fantôme, mais un démon, nuance. Quand je regarde une nouvelle fois dehors, Bill n'est plus là. Foutu Dorritos. Nous reprenons notre discussion, beaucoup moins enjouée que je l'aurais pensé. Après tout, cela fait ans que nous ne nous sommes pas vus, alors même si nous avions des choses à nous raconter, nous avions perdu notre complicité d'antan.

Mais je ne pouvais pas revenir, non.

Du moins, pas avant maintenant. Désormais, la plupart de mes traumatismes concernant le Weirdmageddon ont disparu, mais cet été-là reste gravé dans mes souvenirs. Et puis, j'ai régulièrement des cauchemars.

Mabel a toujours été plus forte que moi, psychologiquement parlant. Et elle l'a bien démontré en revenant ici tous les ans, alors que je restais en Californie, à l'abri. D'un côté, je l'ai envié énormément de pouvoir faire comme si rien ne s'était passé ; j'en étais incapable. À chaque pas que je fais ici, les flashback me reviennent en pleine figure. Et c'est vraiment compliqué de ne pas s'écrouler au milieu des passants.

Finalement, je rentre au MysteryShack vers quatre heures de l'après-midi, après avoir bu trois cafés et avoir englouti une dizaine de galettes au beurre. Aucun de nos oncles n'est présent dans la maison, et j'apprécie le silence pendant une seconde, sur le pas de la porte. Pas de télé qui braille dans le salon, pas de bruits métalliques provenant du sous-sol, et surtout, pas de cris entre eux deux.

J'en profite pour m'avachir comme Stanley, dans son canapé. Pas besoin d'allumer l'appareil vieux comme son propriétaire, je me contente de piocher dans le bol de pop-corn sur la table basse et de fermer les yeux. C'est reposant.

Il faut que je réfléchisse à un plan pour passer mon été tranquillement. Le retour de Bill n'est qu'un détail, il se détournerait bien rapidement de moi, comme tout le monde.

— Ne dis pas de connerie, siffle une voix, et je sursaute violemment.

Je me lève d'un bond et manque de me prendre les pieds dans le tapis, basculant en avant. Mais heureusement, un torse particulièrement ferme et musclé me retient, m'évitant de m'étaler au sol comme une bouse.

Le blond me regarde avec un sourire en coin, les yeux moqueurs.

— Qu'est-ce... la porte fermée et... toi ici...

— Je suis un démon, Pinetree, ricane Bill.

Je soupire. Pas faux.

 Qu'est-ce que tu fais ici ? demandé-je.

Je suis passé te dire bonjour, répond-il comme si c'était une évidence. Et également, pour en savoir un peu plus sur ce qui s'est passé pendant ces trois ans.

— Ça ne te regarde pas ! me braqué-je.

Je lui tourne le dos et m'enfuis dans la cuisine. Pourquoi veut-il savoir ? Il n'a pas deviné par lui-même ? C'est lui qui se vantait de pouvoir lire dans les pensées et il n'est même pas foutu de comprendre d'où viennent ces marques ! Une main se pose sur mon épaule, amicale.

 Écoute, commence Bill d'une voix douce, je veux... je veux me rattraper pour tout ce que je t'ai fait subir. Les autres, je m'en fiche, mais toi, c'est différent. Tu es différent des autres.

Il me fait pivoter, toujours en délicatesse, ce qui m'étonne énormément, et passe une main sur ma joue, approchant son visage du mien. Nos nez se frôlent, et je sens mes joues prendre une teinte rose. D'accord, il me fait de l'effet. Mais c'est surtout ce qu'il vient de me confier qui me touche.

Je t'ai marqué pour une bonne raison, Pinetree, souffle-t-il. Je veux savoir où tu te trouves pour que je puisse te défendre contre les autres. Pour... te protéger.

Me protéger. Ces mots semblent si invraisemblables si on prend en compte le fait que ce démon a voulu ma mort il y a trois ans. Mais il y a ce je-ne-sais-quoi, cette flamme de sincérité dans ses prunelles, qui me dissuade de toute manipulation. Pour l'une des premières fois de sa vie, Bill Cipher est honnête. Il s'exprime avec le cœur.

Les larmes me montent aux yeux, et hésitant, je me réfugie dans ses bras. Peut-être qu'il est la cause de mes traumatismes passés, mais j'en ai besoin. Non, je ne l'ai pas encore pardonné, pas tout de suite, c'est encore trop frais. Mais un jour... j'ai la certitude que s'il continue comme ça, je pourrais tout oublier.

Mon visage niché dans son cou, je ronronne presque quand il enroule ses bras autour de mes reins, me collant encore plus à son torse. Il sent un mélange entre la menthe et le citron, et c'est vraiment agréable. Peut-être un peu trop, d'ailleurs.

Je le sens rire, contre moi.

— Alors comme ça, je te plais ? me taquine-t-il contre mon oreille.

Je suis sur le point de protester, mais je m'arrête net en voyant son visage si près du mien. Quelques millimètres seulement me séparent de ses lèvres. Bon sang, je n'ai jamais rien ressenti de tel. C'est comme si j'étais un aimant et que la force magnétique m'attirait pour que je puisse m'y coller.

C'est vraiment étrange. Utilisait-il un de ses charmes sur moi, ou...

— Dipper... susurre-t-il en collant nos deux fronts. Les choses que tu ressens... je les ressens aussi. Je n'utilise aucun pouvoir sur toi, je te donne ma parole. Je sais que ça va être difficile, mais... je te demande de me faire confiance. J'ai changé. J'ai vraiment changé et...

Je le coupe en posant brusquement mes lèvres sur les siennes.

forgive me | billdipOù les histoires vivent. Découvrez maintenant