Chapitre 3

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La nuit de ma rentrée à Foxfire, je ne peux fermer l'œil. Pas à cause du stress, non, mais à cause de la chaleur étouffante qui règne dans ma chambre. L'Atlantide a rarement connu des périodes aussi chaudes : cela fait cinq jours que la ville engloutie est en alerte canicule, les habitants s'enferment chez eux et les plus courageux restent dehors juste le temps d'acheter des éclateroles.
Qui eut cru qu'une cité sous-marine soufrerai de chaleur spectaculaire ?

Cela fait la une des journaux dans toutes les Cités Perdues, c'est bien trop bizarre pour que ce soit une simple hausse des températures. Je ne sais pas qui est derrière tout ça, mais je sens que ça va mal finir. Ma mère m'a dit qu'elle en toucherait deux mots à papa pour savoir si leur ordre est derrière tout ça. Tout au fond de moi j'espère que ce soit le cas, je leur fais confiance. Il ne peut rien nous arriver de grave si les Invisibles gèrent, leur but va juste être de faire peur au Cygne Noir. Il n'y a pas à chercher loin pour savoir qu'ils vont bientôt rappliquer.

Avec un soupir, je me lève de mon lit. Ça ne sert à rien de rester allongée à penser à des choses barbantes - que tu ne comprends même pas - quand tu sais que le sommeil ne viendra pas de sitôt.

J'enfile mes pantoufles en regardant l'heure : 05h38. Félix, réveillé lui aussi, me rejoint avec un miaulement lorsque que j'ouvre la porte qui mène au couloir principal. Prenant garde à ne pas réveiller ma mère qui dort à l'étage du dessus, je descend le somptueux escalier pour me rendre dans le jardin. Sitôt la porte ouverte, un petit courant d'air frais vient m'accueillir et Félix se faufile par l'ouverture pour profiter du jardin et de ses merveilles. Même si la chaleur reste accablante, il fait bien meilleur dehors.

Je me dirige vers un vieux banc en bois au fond du jardin et m'assoie le plus doucement possible pour éviter qu'il ne se brise en deux.
Il n'y a aucun bruit. Pas même les oiseaux ou des jeunes elfes en soirée qui peine à rentrer chez leur parents avec une mine à peu près normale. Pour ce que j'ai vu, la plupart s'écroulent sur le chemin du retour.
La fontaine qui d'habitude déverse son eau dans un grand bassin de marbre est hors service pour des raisons d'économies d'eau. Je ne vois pas tellement la raison, puisque étant au fin fond de l'océan, nous ne manquons pas d'eau.
Seul le bruit d'une faible brise vient de temps en temps apporter un peu de légèreté à cette nuit presque inquiétante.

Brise.

Je ferme les yeux. Un léger vent me caresse le visage, me procurant une minuscule sensation de bonheur.

Vent.

Sans réfléchir, je me concentre sur cette énergie fugace. L'empêchant de partir vers d'autres horizons, je la rassemble autour de moi en la faisant tourner sur elle même.
Elle prend de l'ampleur, elle devient plus forte, je le sens. Je devrais m'arrêter, la libérer. Avant que ça finisse comme l'autre fois, avant que je ne la contrôle plus. Mais la tentation est tellement grande ! Je fini par prendre sur moi et ouvre les yeux. Je libère petit à petit un peu de cette formidable énergie jusqu'à qu'il ne me reste qu'un mince filet de vent à contrôler. L'air nous rafraichit, Félix et moi, et, sans desserrer mon emprise sur l'élément, je m'endors.

C'est, encore une fois, la chaleur insupportable qui me réveille à l'aube. Les membres engourdis, je me relève difficilement. Félix n'est plus là, il a dû partir dès que mon contrôle sur le vent s'est affaibli. Avec des gestes lents je passe la porte de la maison, la température de l'extérieur a dû augmenter car, quand je rentre, c'est la même chaleur qui m'accueille.

J'entends le parquet grincer à l'étage, ma mère doit elle aussi être réveillée. Pas étonnant, je parie que toute l'Atlantide n'arrive pas non plus à dormir. Je suis fatiguée et la tête me tourne d'avoir utilisé mon talent, je ne le contrôle pas encore entièrement ce qui me donne des migraines peu de temps après. C'est donc avec difficulté que je monte l'escalier qui me parait soudain interminable et me rend dans ma salle de bain pour prendre une douche glacée.

Emprisonnée entre deux viesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant