7 | 'ENTAILLES'

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Je me suis réveillé le lendemain aux alentours de six heures je crois bien, les rayons du soleil flirtant à travers mes rideaux mal fermés, et je me suis demandé quand exactement je m'étais endormi et qui m'avait ramené chez moi et m'avait mis en pyjama. Je ne me souvenais pas de l'avoir fait moi-même, et je n'avais plus vraiment de souvenirs de la veille.

Je me suis frotté les yeux vivement, ai baillé bruyamment et je me suis levé la tête dans le cul, titubant un peu, me faisant mon chignon habituel pour écarter les mèches indomptables qui bataillaient devant mon front. Et alors que je me rendais dans ma salle de bain pour me laver un peu, j'ai entendu du bruit venant de la cuisine. Je me suis figé, et les quelques événements de la veille me revinrent en mémoire. Quelqu'un m'avait sauvé du mec qui avait essayé de me trancher la gorge. Et ce quelqu'un était encore dans ma maison.

Je peux vous dire que j'ai paniqué, et je pense que vous pouvez le comprendre. Après tout, apprendre que quelqu'un que vous ne connaissez pas a passé la nuit chez vous, c'est un peu glauque.

Enfin, ce quelqu'un, je le connaissais, et vous le connaissez, mais moi, ce matin là, je n'avais aucune idée de qui c'était. Alors j'ai attrapé le premier objet qui me passait sous la main, aussi appelé rasoir – oui, ce n'était pas la meilleure idée – et je suis sorti de la salle de bain en direction de la cuisine.

Et je suis tombé sur la dernière personne que j'avais envie de voir en train de faire le petit déjeuner comme s'il était chez lui. Kuroo.

Sans gêne un jour, sans gêne toujours.

C'est ce que j'avais pensé sur le moment.

En tout cas, par réflexe, j'ai plaqué la lame de rasoir contre ma peau et j'ai crié pour attirer son attention.

EH ! SORS DE CHEZ MOI PAUVRE TÂCHE !

Il s'est retourné et m'a regardé dans les yeux tristement avant de baisser le regard vers mon poignet et l'objet dangereusement coupant que je tenais contre.

Tu vas pas faire ça chaton.

Ne m'appelle pas comme ça, ai-je feulé, Je ne te veux plus dans ma vie, je ne t'aime plus, je te hais, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans ces mots ?! Qu'est-ce que tu ne comprends pas quand je te dis que je n'ai plus envie de te parler, plus jamais ?! Tu l'as voulu, tu l'as eu ! Dégage !

Bien sûr qu'au fond, ça avait beau me tirailler de l'admettre, mais je le savais, que je l'aimais, cet idiot. Je n'avais juste pas envie de l'admettre. Parceque plus vite il disparaissait, plus vite je pourrais l'oublier. Je ne voulais pas souffrir, pas encore, pas à cause de lui une nouvelle fois.

Je sais que tu sais ce qu'il s'est passé ... avait-il soupiré en posant une main sur son visage comme s'il avait honte de lui-même, Mais tu m'as tellement manqué, et j'avais peur de te revoir pudding. Mais j'ai finalement osé chercher, et savoir que tu réalises ton rêve ça me donne chaud au cœur.

Je ne voulais pas l'admettre devant lui, mais ses mots m'avaient vraiment touché. Seulement, je n'avais pas envie de le pardonner. J'avais envie qu'il parte.

Et toi tu ne m'as pas manqué, avais-je alors cinglé sur un ton cassant, Mon rêve ? Si tu continues d'essayer de revenir dans ma vie, il va être brisé ! J'aurais préféré que tu ne reviennes jamais, ça aurait été vraiment mieux pour moi !

— Oui, je m'en doute, mais je n'ai jamais arrêté de t'aimer depuis mes dix-sept ans, donc j'ai quand même envie d'essayer de te récupérer.

Rêve toujours, avais-je croassé, Je ne te pardonnerai jamais.

En l'entendant dire qu'il m'aimait toujours, qu'il n'avait jamais arrêté de m'aimer, j'ai eu encore plus mal qu'avant, et les larmes avaient de plus en plus de mal à ne pas rouler sur mes joues. Je luttais vraiment pour les garder coincées dans la sensation désagréable qu'était cette sorte de boule dans le fond de ma gorge.

Il a enfilé ses chaussures en souriant tristement.

Faut toujours essayer. Je peux pas juste laisser passer l'amour de ma vie entre mes doigts.

— DÉGAGE !

Là, j'avais vraiment craqué, et j'en ai un peu honte. Les lèvres tremblantes, ma vue se brouillant sous mes larmes, je l'ai observé quitter ma maison sans un mot de plus. Quand je fus sûr qu'il était parti, je me suis laissé tomber par terre, en pleurs, tremblant de tous mes membres, et j'ai regardé le rasoir dans ma main avant d'en sortir la lame frénétiquement, me coupant les doigts au passage, mais c'était le moindre de mes soucis, vu que mon intention pure et dure était de me couper dans tous les cas.

Alors je l'ai fait, j'ai passé le bout de métal sur ma peau répétitivement, regardant le liquide rouge couler inexorablement hors de ses entailles plus ou moins grandes, plus ou moins légères, plus ou moins profondes.

Quand ma tête a commencé à tourner, j'ai laissé tomber la lame par terre, et le bras dégoulinant de sang, laissant des gouttes tâcher le parquet et le tapis, je me suis dirigé vers la salle de bain pour me bander les bras et éviter de faire une hémorragie trop forte.

J'ai assez honte de cette période de ma vie. Des fois, quand je me regarde dans le miroir, je regarde certaines de mes cicatrices sur mes poignets qui ne se sont jamais effacées, dûes aux mouvements trop secs et profonds que j'avais fait ce jour là, et dans les semaines qui suivirent. Je les regarde, mes cicatrices que j'ai pour la vie, et j'ai honte de moi, d'avoir été faible. Tous les jours, même aujourd'hui, ça me rappelle que j'étais faible, que je choisissais l'option de la facilité au lieu de faire face brutalement à mes problèmes. Ça me fait mal au cœur, mais c'est comme ça.

Et on a beau me dire que ça prouve au contraire que j'ai vécu des choses horribles et que j'ai trouvé le courage d'y survivre, je n'y crois pas. On a beau me le répéter, pour moi, ces entailles, c'est un signe de faiblesse, et personne ne pourra m'empêcher de penser ça. Personne, jamais. Même quand j'aurais quarante ans, quand je regarderai mes poignets je sais que je penserai la même chose. Et c'est comme ça, personne ne pourra rien y faire.

Enfin au lieu de sombrer une sorte de spirale de ténèbres, je vais continuer de vous parler de mon récit. Après tout, aujourd'hui n'est pas vraiment le meilleur jour pour m'apitoyer sur mon sort, j'ai des choses à faire, des choses dont je dois m'occuper, alors on va continuer à avancer dans mon histoire et faire un bond dans la temps de quelques semaines.

~peut être un peu trigger warning pour les plus sensibles ? Bon, c'est un peu tard pour dire ça, et j'en profite pour dire que si vous êtes pas à l'aise avec tout ce qui est suicide ben euh c'est peut être pas pour vous en fait :0 (on aime l'angst, et quand je dis ça ça doit pas vous rassurer mdr)
Enfin, je vous vois dans deux jours pour un chapitre pas forcément plus heureux lol~

Venimeux [Kuroken]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant