Entre deux battements

Chapitre 14

     Plusieurs jours, plusieurs semaines même sont passés, nous sommes d'ailleurs le jour de la compétition de Paige. Et je n'ai reçu aucun retour d'Ethan, je ne sais pas ce qu'il veut. Un jour, tu es tout pour lui, le lendemain, il t'a oublié, tu ne représentes plus rien. Non, je ne raconte pas n'importe quoi, non je n'abuse pas. Beaucoup de filles le pensent, et je fais partie de celles-ci. Il te dit qu'il ne t'oubliera pas, que tu as des yeux qu'on ne peut pas oublier, et il te croise dans la rue cinq jours plus tard, il ne te reconnaît pas, mais c'est même pas ça. La vraie question est est-ce qu'il te voit ? Suis-je invisible ?

     On se prépare et on monte dans le bus. Nous passons devant la maison d'Ethan, je ressens un pincement au cœur, ma gorge se noue, ma respiration se coupe un instant. C'est ça l'amour ? C'est l'explication de toutes ces réactions que fait ton corps, toutes celles que tu ne peux pas expliquer ? Les tremblements de ta peau à son contact. Les regards fuyants. Les pincements au cœur. La respiration saccadée. La gorge nouée. Les mains moites. Les jambes tremblantes. Les papillons dans le ventre. La perte de confiance en sa présence. Les bafouillages. La perte des mots. L'impossibilité d'aligner quatre mots devant lui. Les films dans la tête. Les sourires bêtes. La vision centrée sur lui, il n'y a que lui. D'ailleurs je vais appeler ça, l'amourcentrisme, à l'école on nous parle du géocentrisme, la théorie sur le fait que la Terre est le centre de l'univers, qui est bien évidemment fausse, qu'est ce que l'espèce humaine peut être nombriliste parfois ! On nous apprend aussi l'héliocentrisme, car oui La Terre tourne bien autour du Soleil, et non l'inverse. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi on n'avait pas le tournis alors qu'on tourne sur nous même et autour d'un astre ? Moi, oui et je n'ai pas de réponses à cette question sauf peut-être le fait qu'on ne tourne pas assez rapidement et à cause de l'attraction terrestre. Tout ça pour dire, que j'invente le mot "amourcentrisme" pour désigner le fait de voir qu'un être sur des milliards. Il y a des milliards d'hommes sur Terre, et moi je veux, j'en veux un seul, mes yeux ne brillent que pour un, Ethan.

     C'est notre arrêt, on descend. Bienvenue à L.A. ! Et oui, Los Angeles, ça faisait tellement longtemps que je n'y étais pas allée ! Paige me présente toute son équipe et part s'entraîner, tandis que moi, je pars m'asseoir dans les gradins pour regarder.

     Cinq sur cinq. Paige a été parfaite. Chapeau à elle. Je ne saurais décrire son enchaînement mais vu les applaudissements et sa grâce, cela devait être parfait. Personnellement, je suis très fière d'elle, elle était splendide.

     La compétition passe rapidement. Elles ont gagné. Paige reste alors ici à L.A. pour passer du temps avec elle, et moi je rentre. Je prends cette fois un taxi. Les minutes passent, les musiques passent, et mes pensées défilent. Ma tête trouve le froid de la vitre. Je regarde les paysages filés devant moi et ferme mes yeux quelques instants. Je les rouvre à quelques mètres de la maison d'Ethan. Ce n'est pas une coïncidence, ni une chance, je ne crois pas à la chance. Les choses arrivent parce qu'elle doivent arriver, rien n'arrive par hasard. Donc si j'ouvre les yeux, c'est que je devais les ouvrir.

- Monsieur arrêtez-vous !, hurlé-je au chauffeur.

     Et oui. Je devais ouvrir les yeux à ce moment-là. Pourquoi ? Parce qu'il était là. Debout, sur le trottoir. Je ne sais pas pourquoi mais il est là, c'est tout ce qui compte. Le chauffeur s'arrête, je le paye et il repart. Je cours vers Ethan.

- Reste.

- On dit bonjour avant.

- Bonjour, tu veux bien rester ici cette nuit ?

J'acquiesce. On rentre chez lui. Je suis naïve. Vraiment. Pourquoi je fais ça, pourquoi je le suis, alors que je n'ai rien eu pendant trois semaines, aucune nouvelle ? Et pourtant j'ai envie de rester, je ne me l'explique pas, mais je me dois d'être là. Vous savez, l'amourcentrisme, ça ne se contrôle pas. J'aimerais cet homme, jusqu'à que la mort me retire la vie.