Beaucoup.

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— Non, non et non.

— Mais pourquoi !? demandais-je.

Nous nous retrouvions à nouveau sur la colline. C'était devenu notre petit rituel à nous. Tous les mercredis, après les cours, nous venions nous installer ici. Cem m'avait terriblement manqué pendant ces vacances. J'avais passé deux mois au bord de la mer chez la famille de mon père, dans le sud. Même si ces vacances ne m'avaient pas déplu, j'étais contente d'être de retour.

— Parce que je n'aime pas ce genre de fête, reprit-il.

Je soupirais, consciente que j'arriverais tout de même à le convaincre si je le voulais. Mais cette fête n'était pas si importante, à vrai dire, je n'avais pas envie d'y aller non plus, c'était pour Alyssa.

Mes yeux rencontrèrent les siens.

Depuis que nous nous connaissions, notre relation avait bien évolué. Je m'étais rapidement rendu compte que je l'aimais plus que l'on aimerait un ami et lui aussi. Nous en avions parlé mais n'en avions rien décidé.

— Là, ce serait un bon moment pour un premier baiser, déclarais-je en détournant le regard.

— J-je...

— Ok, j'ai compris. C'est pas le bon moment.

Il lâcha un rire alors que je riais moi-même, amusée par sa façon de perdre ses moyens lorsque je disais ce genre de choses.

*

Nous étions chez lui, en train de préparer un exposé sur lequel nous bossions depuis des mois. Foutu professeur d'Histoire. Nous n'étions pratiquement jamais d'accord sur comment organiser les choses, que dire, et qui dirait quoi. Il était difficile d'avancer.

Je soufflais pour la énième fois en posant mon crayon et m'étirant tel un chat. Il se leva pour ouvrir la porte de sa chambre.

— Tu veux faire une pause ? demanda-t-il.

— Oui, je sens que mon cerveau va exploser autrement.

Je me levais pour le suivre. La maison de Cem était assez grande. Elle attirait directement l'attention par sa couleur orangée. Dehors, il y avait un grand jardin, nous passions la plupart de nos journées d'été là-bas, à nous arroser et contempler les nuages. Les murs de l'intérieur étaient tout aussi orange, un style assez spécial, c'est vrai, mais qui plaisait beaucoup à ma mère qui n'aimait pas grand chose habituellement. La première fois qu'elle était venue ici, elle avait tenu une discussion de vingt bonnes minutes avec la mère de Cem sur la décoration de la maison. J'avais dû l'arrêter.

Nous descendions les escaliers en bois pour rejoindre la cuisine. Là-bas, il sortit une carafe contenant un liquide verdâtre et m'en servit un verre.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Du jus de durian.

— Du jus de quoi ?! demandais-je en portant le verre à mon nez.

— De durian, je te conseille de te boucher le nez pour le boire.

Trop tard. Je grimaçais en éloignant le verre de moi.

— Mais je vais pas boire ça ! Ça a une odeur infecte !

— Goûte, je suis sûr que tu vas aimer.

— Hors de question.

— Allez, pour me faire plaisir.

Je le fixais un instant et après un long soupir, ramenais le verre à mes lèvres en prenant soin de me boucher le nez cette fois-ci.

Le liquide coula dans ma gorge et rapidement, un arrière goût horrible s'empara de ma bouche.

Je grimaçais à nouveau alors que Cem éclatait déjà de rire, en jetant le contenu de son propre verre dans l'évier. Il allait le regretter.

Je m'approchais dangereusement de lui mais je me stoppais. Une chose gluante coulait le long de mes cheveux, et quand la partie jaune de l'œuf s'écrasa sur le sol, ma main se portait automatiquement à mes cheveux. La bouche ouverte, les yeux exorbités, j'étais outrée.

Mais alors que je m'apprêtais à avancer pour prendre ma vengeance, mon corps vacilla et sans que je ne puisse l'empêcher, je tombais déjà en arrière. Ma pommette rencontra durement le coin d'un meuble pendant ma chute et je finis par m'écraser disgracieusement au sol.

— Oh mince, tu saignes, déclara Cem en s'accroupissant à ma hauteur alors que je restais clouée au sol.

— Tu vas me le payer Cem.

Il ne riait plus. Il ne riait plus du tout. Il était seulement inquiet et regrettait profondément sa mauvaise blague.

Avec son aide, je me hissai sur mes jambes et il m'assit sur un tabouret de la cuisine.

— Tu aurais pu me rattraper au moins, lâchai-je, moqueuse.

— Désolé... Je peux t'embrasser ?

— Il fallait vraiment que tu choisisses juste ce moment ?

— J-je...

— C'est bon, vas-y.

Il se rapprocha un peu plus de moi en hochant la tête. Il me fixa pendant de longues minutes, n'osant sûrement pas sauter le pas et finalement, je lui apportai mon aide.

Ma main glissa dans sa nuque et je le ramenai contre moi. Ses lèvres rencontrèrent assez brusquement les miennes. Et ce fut le pire baiser de ma vie, sans mentir. Non pas parce qu'il ne savait absolument pas embrasser, mais parce que, entre l'arrière goût du jus de du-machin, celui du sang qui coulait de ma pommette, et celui de l'œuf qui dégoulinait le long de mes joues, s'introduisant dans ma bouche, j'en eus presque envie de vomir.

Je m'écartai rapidement, reprenant un regard dur.

— Attend-toi à ce que je me venges Cem, tu ne vas pas t'en sortir comme ça. N'oublie pas que la vengeance est un plat qui se mange froid, avisai-je en quittant déjà mon tabouret pour remonter à l'étage.

— Où sont les serviettes ?! criai-je alors qu'il était resté en bas.

— Dans l'armoire de la salle de bain.

CemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant