La poussière enveloppait de son manteau délicat l'ensemble de la pièce. Anna referma derrière moi la trappe du plafond qui menait au grenier. Après la mort de notre mère Marla nous avions du vendre la maison, car ni moi ni Anna n'avions les moyens d'entretenir celle ci. Nous avions déjà méticuleusement nettoyé chaque pièce, emballé chaque meuble et entreposé le tout dans le camion de déménagement garé dans l'allée. Il ne restait désormais que le grenier dans lequel nous n'étions pas montés depuis des années. Lorsque nous étions petit, Anna et moi adorions le refuge que nous offrait celui-ci. C'était un lieu hors du temps où étaient exposés les différentes reliques du passé de nos parents et grand parents.
On y retrouvait les uniformes militaires troués et les armes crasseuses de notre arrière-grand-père, mobilisé pendant la grande guerre; les nombreux tableaux que notre grand-mère et nous peignons l'après-midi lorsque dans un élan de créativité nous nous sentions assez téméraires pour poser tour a tour pendant des heures afin que les autres puissent délicatement saisir nos sourires et les coucher sur la toile un peu comme Maman nous bordait dans notre lit le soir... Et enfin on retrouvait les nombreuses maquettes de voiliers confectionnés par notre père et nous lors de nos dimanches après midis. Nous l'aidions toujours avec joie et émerveillement sur ces ouvrages délicats dont la construction s'étalait de plusieurs semaines à plusieurs mois. Et ainsi de nôtre acharnement combiné à son savoir faire, des maquettes de qualité et de tailles surprenantes voyaient le jour, les moindres détails étant peaufinés de manière à rendre le tout extrêmement fidèle au modèle utilisé. Ainsi on dénombrait pas moins de 10 bateaux allant de 20 cm à plus 1 mètre de haut assemblés de la sorte qui gisaient ainsi dans le grenier. Le plus grand nommé «Anna» par mon père en l'honneur d'une «personne spéciale»(blague qui faisait beaucoup rire ma soeur mais encore plus mon père) atteignait les 1 m 20 et était sans nulle doute le chef d'oeuvre de notre collection.
«Avec une qualité pareille, nous disait Papa, ces maquettes vivront plus longtemps que moi!»
Tu n'aurais pas su si bien dire...Après plusieurs dizaines de minutes de rangement nous avions déjà débarrassé de la pièce de la totalité de son contenu.
On se dirigea donc vers la petite trappe dans le sol pour redescendre à l'étage, mais Anna dans sa maladresse innée et unique trouva le moyen de trébucher sur une fine planche du parquet qui sortait un peu du sol. «Mais j'aurais pu me faire mal!» me réprimanda-t-elle en voyant mon hilarité. Elle s'apprêtait à descendre du grenier par la petite échelle mise en place lorsqu'elle vit que la planche s'était délogé à la suite de sa chute. Elle la pris pour la remettre en place lorsqu'elle trouva une boite à chaussure à l'emplacement qu'occupait la planche. Je pris la boite sous le regard curieux d'Anna et en caressa le contour. Des Dr Martens. Papa avait bon goût. J'ouvris la boite espérant y trouver une paire peut-être encore en bon état, mais à ma grande déception la boite ne contenait qu'une seule lettre adressée à notre père ainsi qu'une photo sur laquelle figurait un femme inconnue portant une robe rouge à pois blanc dont les longs cheveux noirs jais flottaient au vent. Ses petits yeux amandes jetaient sur vous un regard chaleureux et on ne put qu'aimer cette femme d'avoir posé les yeux sur nous. Le regard de cette femme n'était d'ailleurs pas sans rappeler celui de ma soeur. Etonnés, Anna et moi dépliâmes la lettre afin de prendre connaissance de son contenu.Ty,
Je vais être franche avec toi, tu me manques beaucoup et je sais que je te manque également. Je sais que ta relation avec Marla bat son plein et je me sens terriblement égoïste de te dire ça mais je t'aime... Tu aimes Marla je le sais mais tu m'aimes aussi. Tu ne veux pas me briser tu me l'as dit tout de suite... Tu es magnifique, ton âme est belle. Te souviens tu de l'été dernier? La façon du avais accouru chez moi pour me réconforter après ma rupture avec Donna, t'en souviens-tu? Comment aurais tu pu savoir ce qui allait découler de cette soirée... Enfin je suppose que c'était scellé depuis notre rencontre... Depuis notre plus tendre enfance nous étions déjà si proches. C'est ensemble que nous avons découvert l'amour... Lorsque j'ai du partir faire mes études nous avons convenu de rester amis... mais lorsque je suis revenue il y a un an, je l'ai vu dans ton regard... cette étincelle de tristesse, de nostalgie plutôt... Je l'ai su tu regrettais... et moi aussi, mais j'étais engagée et toi aussi. Mais dès que tu as su pour moi et Donna, tu n'as pas su résister et moi non plus. Je n'avais pas aimé autre que toi et tu le savais. Donna était une personne bien. Mais ce n'était pas toi. Toi seul sais me faire rire, toi seul sait m'émouvoir. Tu me manques...
Je le souhaiterais tant. Te revoir... Mais ce n'était qu'un dérapage de ta part, tu me l'as tout de suite dit ... Tu as essayé d'oublier et tu as réussi. Pas moi. Mais peu importe... Je te l'ai pas dit mais je n'en ai plus pour très longtemps... Si je te recontacte après autant de temps c'est qu'il ne m'en reste plus. J'ai une tumeur, Ty...
Je veux que tu sois heureux Ty mais ne m'oublies pas... Tu es la seule personne qui ait compté pour moi, et même si je ne compte plus pour toi désormais sache que je ne t'en veux pas. Avoir une place dans ta mémoire serait déjà une victoire pour moi... Je mourrais heureuse... Ne m'oublie pas Ty... Je t'aime :)Anna
Assez désorienté avoir fini la lecture de la lettre, je me tourna vers ma soeur pour guetter sa reaction. Elle pleurait. Elle me regarda droit dans les yeux. Je n'oublierais pas la lueur de son regard. C'était un mélange de mélancolie et de détermination. Ses lèvres tremblantes essayèrent une fois puis deux d'articuler une phrase dont le sens ne m'aurait pas été inconnu mais aucun son ne parvenait à s'extraire de ses lèvres. Je la pris dans mes bras, et enfouit ma tête dans ses épaules.
Anna n'avait pas était oublié, je tenais dans mes bras le souvenir de sa présence sur Terre. Anna était heureuse. Sa mémoire reposait désormais dans ma soeur, cette lettre et notre frégate miniature Dame Anna.Anna est là.
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Short Story« C'est comme un pas dans le vide, se dit-elle » C'est le vide de ma tête.