Chapitre 6 (partie 2). Comme avant.

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« La passion est la distraction du cœur. » Vladimir Jankélévitch.

𝕃𝔼𝕆ℕ ☼

— Attends... T'es en train de pleurer ?

La voix moqueuse de ma colocataire m'oblige à détourner la tête. Et voilà que je passe pour un abruti. Encore et encore.

— J'adorais John ! Pourquoi dans toutes les putains de séries actuelles, les meilleurs personnages crèvent avant les enculés ?

— Pour provoquer le spectateur et le mettre dans cet état, me désigne-t-elle du bout de l'index.

Pas faux. Dans un léger rire, Alba me tend un mouchoir, et lorsque je croise son regard, je réalise qu'elle est aussi émue que moi. Je vais finir par croire que chez les Moretti, laisser parler ses émotions est gage de faiblesse. Elle est encore plus introvertie que son frère. Gabriel est du genre à feindre la solidité, toujours prêt à porter le poids du monde sur ses épaules. Sauf qu'à force, les épaules, elles flanchent. Et bon sang, je ne veux pas être dans les parages quand il baisse les armes.

— Série de merde, craché-je en me levant du canapé.

— Pendant que t'es debout, fais-moi un bol de céréales, mais réchauffe un tout petit peu le lait avant, genre deux minutes. Ah, et un verre de jus d'orange aussi.

— T'as cru que j'étais ton clébard ?

— Oh, allez, insiste-t-elle avec ses yeux de merlan frit.

Elle me dégaine sa petite moue. Je ne peux pas résister aux petites moues. Elle le sait, elle en abuse toujours. En soupirant, je m'exécute.

— Dis, pourquoi tu fêtes plus Noël avec tes parents ? demande-t-elle en me rejoignant dans la cuisine ouverte.

— T'es folle, toi. Hors de question que je mette un panard dans leur baraque à la con. Pour quoi faire ? Manger du caviar, aller à l'église et débattre sur des sujets problématiques ? Trop peu pour moi. Y'a des chances pour que je dise à mon père d'aller se faire foutre avant même l'arrivée du foie gras. Et pourquoi tu me parles de ça, maintenant ?

— OK... C'était juste une question, tu pouvais simplement dire « parce que. », rit-elle, crispée.

Je prends conscience que je viens littéralement de dégueuler ma haine, alors qu'elle n'en demandait pas tant. Il serait peut-être judicieux que je prenne les choses en main et que je me confronte à ma famille.

— Excuse-moi... Dès que j'évoque mes parents, je pète un boulon.

— J'ai vu ça, ouais.

— Tu les connais...

— Justement, je te comprends, assure-t-elle dans un sourire compatissant.

Alba me cache un truc, je le vois comme le nez au milieu de la figure. Depuis quand elle me dégaine de genre de sourire ? En temps normal, elle m'aurait répondu avec son éternel sarcasme. Après avoir appliqué ses recommandations à la lettre, je lui tends son bol et me rends dans ma chambre. Elle me suit.

— Dis, Léon, je peux te...

— Alors ça, j'aurais pu le parier ! J'étais certain que t'avais un truc à me demander. Allez, balance, j'ai pas toute la nuit.

Elle me dévisage, interdite. En levant les yeux au ciel, comme à son habitude, elle dépose son bol sur mon bureau et ferme la porte de ma chambre derrière elle.

— Ah ouais, donc c'est du sérieux pour que tu fermes la porte...

Je me sens nerveux, plus encore que le jour où je me suis fait arracher mes dents de sagesse (à savoir : le mois dernier). J'ignore à quelle sauce je vais être dégusté, mais vu l'air dépité de ma colocataire, je crois que je vais prendre tarif.

Ici et maintenant (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant