Chapitre 2

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Après dix minutes de marche rapide, Iris arrive devant la clôture. La grande porte est gardée par deux guerriers, assis sur un petit muret. Dès qu'ils voient la jeune fille, l'apprenti se lève pour aller à sa rencontre. Il lui tend plusieurs miches et bouteilles d'eau qu'elle se hâte de ranger dans son sac. Son collègue ouvre la porte et Iris disparait, pour le plus grand soulagement des deux guerriers. Ils referment l'entrée derrière elle et s'assoient à nouveau sur leur muret. Pour eux, Iris devrait rester à Torias. Partir, sans jamais revenir.

De son côté, Iris regarde la porte se refermer. Un mauvais pressentiment l'accompagne, comme si elle n'allait jamais revoir Hendel. Elle se laisse quelques secondes pour contempler une dernière fois l'entrée de sa ville avant de se tourner. Devant elle, un garçon attend, appuyé contre le mur d'une maison délabrée. Son sac est déposé à côtés et ses yeux sont fermés. Iris se surprend à reculer d'un pas. Elle a une bouffée d'angoisse en voyant le paysage à côté du jeune homme. Elle se rend compte avec horreur à quel point les choses sont éphémères. Ça lui donne envie de tambouriner sur la porte, de revoir Rafael. Rien ne dit qu'elle reviendra...

- Un peu tard pour angoisser. On doit y aller.

Le garçon se redresse tout en coulant un regard à Iris, coite. Il voit bien l'expression de la jeune fille : c'est la première fois qu'elle sort de sa petite ville douillette. Cependant, le temps leur est précieux. Chaque minute, ses compatriotes meurent par manque de soin. Il trouve d'ailleurs ça ironique que l'aide médicale se résume uniquement à la frêle demoiselle qui se trouve devant lui, presque tremblante en voyant les décombres. Comment va-t-il pouvoir expliquer ça à sa cheffe ? Il se racle la gorge, ce qui fait sursauter Iris. S'ils arrivaient vivants à Torias, il s'estimerait déjà chanceux.

Iris serre la lanière de son sac à dos en voyant le garçon s'éloigner les mains dans les poches. Elle a déjà l'impression de l'avoir irrité. Elle prend son courage à deux mains et suit le messager à travers les décombres. Elle évite divers objets trainants çà et là sur le goudron craquelé tout en s'assurant de suivre le rythme de marche de son prédécesseur.

Il bifurque soudainement dans une rue à gauche. Iris court pour ne pas le perdre de vue, la gorge serrée. Elle tousse à plusieurs reprises, couvrant sa bouche à l'aide de son coude. Son regard est directement dévié sur ses pieds et elle remarque que, dans cette partie du faubourg, le sol est recouvert de poussière. Elle tousse à nouveau tout en avançant. À côté d'elle, des bâtiments énormes sont regroupés en un tas de gravats. Quelques fois, un bloc en béton est perdu sur la route, accompagné la plupart du temps par des pierrailles.

Elle contourne un énorme débris et vient à côté du jeune homme, concentré sur la route. Après vingt minutes de marche, ils sortent enfin des ruines. Iris roule les épaules en sentant son sac appuyer sur son dos alors que le messager se tourne vers elle. Il remarque avec stupéfaction que le comportement d'Iris a changé du tout au tout. Une dizaine de minutes plus tôt, elle aurait été prête à pleurer devant le triste spectacle du faubourg détruit. Maintenant, elle garde la tête haute, rivée sur le désert devant eux. Elle aborde maintenant une attitude confiante. Le jeune homme sourit et lui tend la main en se rendant compte que les présentations n'ont pas été faites.

- Je m'appelle Tanguy, enchanté.

- Iris.

Iris lui serre la main avec un petit sourire. Elle se détend peu à peu. Elle ne trouve plus le paysage angoissant mais d'un calme libérant. Il n'y a plus les foules ou les cris des marchands. Plus de guerriers qui font leur ronde ou encore les enfants qui courent partout. Juste les décombres et le silence.

- Tu es une soignante, c'est ça ?

- Et toi un messager, je suppose.

Tanguy sourit. Elle n'a pas dévié les yeux de la vaste plaine de sable. Ses cheveux corbeaux sont noués à l'aide d'un ruban turquoise. Ils volètent avec le vent alors que la jeune fille ferme les yeux. Iris, sentant le regard de Tanguy se tourne vers lui. Elle dépose ses paumes sur ses hanches et penche légèrement la tête. Elle n'aime pas qu'on la regarde, elle déteste ça plus que tout au monde. Pourtant, elle sait qu'elle ne passe pas inaperçue. Les yeux clairs et les cheveux sombres ne sont pas monnaie courante ici.

Leaving Ebrea  { Terminée }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant