Chapitre 6

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Iris et Tanguy traversent les bois. Dans quelques heures, la nuit tombera. Dans un jour, ils auront atteint Torias. La peau couverte de saletés, ils s'arrêtent à la lisière de la forêt. Devant eux, le dernier village avant d'atteindre la ville du messager. Ce dernier retient inconsciemment son souffle. Il est proche de sa famille, mais en même temps si loin. Il sait pertinemment qu'il n'est plus le bienvenu dans sa ville. Il ne pourra pas revoir sa mère ou son frère de sitôt. Il ne reviendra peut-être même jamais.

Iris dépose sa main sur son épaule et s'enfonce dans la ruine. Calme et démolie, ça en devient usant. Tous les paysages se ressemblent. Elle rentre alors dans une maisonnette. La porte et les fenêtres existent encore. Cependant, il n'y a pas d'étage. Un salon se trouve à une pièce adjacente de l'entrée et ils décident d'y loger.

Iris dépose ses sacs sur le carrelage. Bien que longue, la soignante trouve cette pièce assez charmante. Devant elle se trouvent une cheminée de marbre blanc, sculptée en une représentation de divers animaux, et des dessins enfantins sont croqués sur le mur en face du foyer. Par terre, quelques cadres photos sont éparpillés sur le sol.

Tanguy passe sa main sur la cheminée et retire la poussière. Elle est encore en bon état, ils pourront s'en servir.

- Je vais ramasser du bois, annonce Iris.

Le messager acquiesce et profite de l'absence de la jeune fille pour se changer. Il troque de vieilles affaires trouées par des moins sales et se lave rapidement à l'aide d'une bouteille d'eau potable et d'une noisette de savon. Il a hâte de retrouver un ruisseau, bien que la température lui fasse peur. Il payerait cher pour pouvoir laver ses haillons. Il se rappelle alors Oxane et sa longue hésitation matinale pour choisir sa tenue.

Iris revient les bras chargés. Devant elle, Tanguy affiche un sourire nostalgique, un de ceux qui apparaît lorsqu'il pense à sa bien-aimée. Elle dépose les brindilles et les bûches à proximité de l'entrée de la cheminée. Elle s'accroupit et démarre ensuite un feu. La température baisse de jours en jours. Octobre se fait sentir.

- De la compote, ça te dit ? demande Tanguy en fouillant l'un des sacs à dos.

- Oui, j'en ai marre des haricots sauce tomate.

- Parfait alors.

Le jeune homme ouvre le pot en verre et sort deux cuillères. Le repas est maigre, comme tous les soirs. Il regrette son lit douillet et les buffets à volontés les jours de marchés. Devant lui, Iris s'assied et époussette ses mains pleines de suie sur son pantalon. Elle déballe un sachet de viande séchée et le coupe de deux.

- On est près de Torias, remarque Iris.

- Je sais.

- Est-ce qu'elle est enterrée en ville ?

- Non, dans la forêt.

- On peut y passer si tu veux. Je déposerai une fleur.

- Merci.

Tanguy se tourne ensuite vers le feu pour se réchauffer. Il enfile un gros pull et s'enveloppe dans sa couverture. Il regarde longuement les brindilles crépiter avant de s'endormir. Iris, quant à elle, retourne chercher des buches pour tenir la nuit. Il n'y a aucune étoile dehors. On peut situer vaguement la lune, mais sans plus. Il va pleuvoir demain. Elle soupire longuement avant de retourner auprès de Tanguy. Il dort comme un loir. Ses traits fatigués s'adoucissent le temps d'un instant. On est proche de là où il a vécu toute sa vie, là où sont tous ses souvenirs. Ça doit lui paraître étrange.

L'embrasement soudain d'une brindille la fait sursauter. Elle craque ses phalanges avant de rapprocher l'un de ses sacs. Elle retire délicatement son haut et change rapidement son pansement. Son dos cicatrise lentement. La marche et le poids de ses besaces ne l'aide pas à avoir moins mal. Elle roule lentement ses épaules et désinfecte son dos du mieux qu'elle peut. Bientôt, elle n'aura plus à bander ses plaies. C'est l'une des dernières fois et cette constatation la fait sourire. Ça fait longtemps que son dos n'a pas eu de repos. Les blessures se sont enchainées, superposées et infectées les unes après les autres. Elle ferme brièvement les yeux. Elle n'entend que les crépitements du feu et la respiration profonde de Tanguy. Il fait calme, ça lui fait un bien fou.

Leaving Ebrea  { Terminée }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant