Avant de sortir du coffee shop, j'observe de la vitrine la pluie s'abattre sur le sol goudronné de la ville. L'orage gronde et le ciel noircit d'un coup. Il est certain que je vais être trempée en quelques secondes seulement si je sors d'ici. Malheureusement, j'y suis contrainte.

Je ressers un peu plus mon manteau contre moi, mon café dans la main. Je me décide à sortir tandis que tout le monde me regarde comme si j'étais folle. La pluie bat si fort que je n'entends plus le monde autour de moi. Les cheveux me collent à la nuque et au front, complètement trempés, et je baisse la tête pour me protéger vainement. Je rase les murs des grands immeubles, d'un pas qui ralentit petit à petit, quand je me rends compte qu'accélérer ne sert plus à rien. Je ne vois pas grand chose autour de moi, tandis que le brouillard s'ajoute à l'orage. Je suis trempée de la tête au pied et je commence à avoir froid. Du coin de l'oeil, j'aperçois une voiture rouler à ma vitesse, puis la fenêtre s'ouvre. Il parle fort pour se faire entendre, penché de mon côté.

– Je te dépose ?
– Je te hais.
– Très bien, reste sous la pluie, va te faire voir.

Il s'apprête à repartir quand je m'accroche à la portière.

– Attends...

Il déverrouille les portes et je monte rapidement à l'intérieur. Il ne dit rien, ne me regarde pas et démarre à nouveau. Me voyant légèrement trembler, il augmente le chauffage et je le remercie tout bas. Un peu plus loin, il s'arrête sur le bas-côté et coupe le contact. Je regarde les essuie-glaces battre à grande vitesse pour dégager en vain la vue du
pare-brise, la pluie bien trop puissante pour eux.

Il les désactive et maintenant, on ne voit plus rien du monde extérieur et il fait si sombre qu'on pourrait croire que la nuit est en train de tomber. Une buée se créer sur les vitres et la pluie s'abat si fort sur la voiture que je n'entends même pas sa respiration à côté de moi. Je pose mon café dans le porte-gobelet entre nous et lève les yeux vers lui qui me regarde du coin de l'œil.

– Tu me hais vraiment, il me demande.
– Tu veux vraiment que j'aille me faire voir ?
– Je t'aime.
– Ne dis pas de conneries. Qu'est-ce que tu connais de l'amour ?
– Absolument rien mais quand je te vois, je ressens ce truc qui me tord l'estomac, j'ai le coeur douloureux, qui bat à mille à l'heure. Dans les films, ils décrivent l'amour à peu près comme ça, alors je t'aime.
– Idiot. Tais-toi et embrasse-moi.

Il se détache et se penche lentement vers moi, en passant une main derrière ma nuque, pour m'attirer vers lui. Il dépose ses lèvres chaudes sur les miennes et un frisson parcoure mon corps entier.

Voilà ce qu'est l'amour. C'est ce que je ressens pour lui depuis déjà bien trop longtemps, en silence.

L'amour c'est avoir mal, et c'est se faire mal. Aimer c'est pleurer autant qu'il pleut actuellement, c'est se sacrifier, ne rien dire pour ne pas être rejeté car l'amour vrai est impossible et inaccessible.

etat limiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant