L'Ordre des Etoiles

Chapitre 80

- Tu es magnifique, me dit-elle, et vraiment courageuse.

Elle essuie mes larmes de ses mains, comme une mère devrait le faire.

- Je voudrais que Chris soit là pour te voir, dis-je incapable de trouver autre chose de sensé à dire.

- Évidemment, rétorque-t-elle le regard brillant, tu l'as retrouvé ! J'aurais aimé le voir, moi aussi, mais les choses ne sont pas toujours comme on le voudrait.

Elle passe un bras autour de mes épaules et me guide vers les canapés pour que nous nous asseyions. Les doigts entrelacés et l'émotion à son maximum, nous nous regardons un instant. Jamais de ma vie je n'aurais pensé que je verrai un jour ma mère, et encore moins depuis que j'avais appris que Nya l'avait tuée.

Je n'ai jamais souffert du manque d'avoir une mère, mon père était là pour jouer les deux rôles, et il le faisait à la perfection. Seulement, je me rends compte qu'aujourd'hui qu'il me manquait cette présence, rassurante, à mes côtés.

- Je ne comprends pas, dis-je en essuyant une nouvelle fois mes joues, je croyais que tu étais morte.

Ma mère, si je peux la considérer comme telle, se pince les lèvres et m'adresse un léger sourire.

- C'est le cas, en quelque sorte. Tu es dans ce qu'on appelle, un Reflet de la Mémoire. C'est un endroit que j'ai gravé dans ton esprit, un souvenir qui me permet de te voir aujourd'hui.

- Mais je ne me rappelle pas être venue ici.

- Tu étais trop petite, je vous ai emmenée ici, ton frère et toi, quelques heures après votre naissance et j'ai fait en sorte de sceller ce lieu dans votre esprit.

- C'est la même chose pour tous les Gardiens ?

- Oui, ça permet aux Gardiens précédents de parler à son héritier et de lui donner ses pouvoirs.

- Alors si tu as implanté se souvenir dans notre tête, Chris aurait dû te voir, lui aussi !

- Ça ne se passe pas comme ça. Chris a vécu avec le Gardien de l'Air, quelqu'un qui comptait pour lui, alors ce n'est pas de moi qu'il avait besoin.

Je me demande pourquoi est-ce ma mère que je vois, et pas le Gardien de l'Esprit. C'est pourtant lui qui est plus apte à m'expliquer en quoi consiste mon nouveau rôle.

- Parce que, inconsciemment, tu savais que tu avais besoin de me voir, répond ma mère.

Je la regarde avec de grands yeux, il ne me semble pas avoir parlée à haute voix. Comment pourrait-elle savoir ce que je pense ?

- Nous sommes dans une partie de ton esprit, reprend-elle avec un tendre sourire, je suis en quelque sorte dans ta tête.

- Je vais faire attention à ce que je pense alors !

- Oui, il vaudrait mieux. Je veux connaître toute ta vie, mais je suis sûr qu'il y a des détails que même une mère ne devrait pas savoir.

Nous nous mettons à rire, pour la première fois. C'est étrange et agréable à la fois.

Je n'arrête pas de me dire que tout ce que je fais avec elle est nouveau : parler, rire, pleurer. Je n'ai jamais pu faire ça avec elle parce que toutes ces choses m'ont été enlevées avant même que je comprenne ce que c'était que de vivre.

- Je veux que tu me racontes, dis-je en serrant ses doigts entre les miens, je veux que tu me racontes toute la vérité.

Elle baisse la tête, masquant le voile de tristesse qui inonde ses yeux. Je peux alors sentir sa peine, comme si elle était mienne. Elle respire profondément et relève les yeux, plongeant ses iris au cercle doré dans les miens.