Elle s'assit silencieuse sur la chaise particulièrement inconfortable de son bureau. Eglantine était épuisée. Elle n'avait pas dormi de la nuit et ramasser chaque bout de verre avait été un vrai calvaire. Elle apparentait ces morceaux de miroirs à ceux de son âme. Ils étaient fatalement éparpillés au quatre coins de la salle de bain et ils étaient si brisés. Comme son âme. Elle était les décombres disséminés de ce miroir de glace.
Puis, un mois, deux mois passèrent et rien ne s'arrangea. Son état dégringola à la vitesse de la lumière et bientôt elle atteignit ses limites. Elle ne se rassura pas ce jour là. Elle avait peur que tout soit trop lugubre pour elle, que l'obscurité l'eût envahi complètement et totalement.
Elle arriva une fois de plus en cours. Le développement de son partenariat avec Harry n'avait pas évolué. Il s'en tenait à de vagues formules de courtoisies. Pour ce qui était de la préparation de leur exposé, il passait à l'oral dans deux semaines. Il communiquait seulement à propos de ce sujet. Les instants qu'ils passaient à la bibliothèque, c'était tout ce qui leur appartenait.
Ce jour là, elle s'installa à côté d'Harry sans dire un mot. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi il l'avait suivi la première fois qu'il s'était rencontré au CDI mais elle ne voulait pas occuper davantage son esprit avec tout ça. Elle était bien trop fatiguée. Elle n'en avait pas parlé avec lui et elle ne le souhaitait pas. Effrayée par ce que pouvait renfermer ce comportement un peu spécial, elle voulait surtout dormir, tellement dormir...
Elle s'assoupit réellement pendant une demi heure. Harry était excédé par l'attitude d'Églantine. Pourquoi ne pouvait-elle pas donner le meilleur d'elle-même alors qu'elle le lui avait promis. C'était ces mots. Elle ne ferait rien pour le déranger dans sa réussite scolaire. Seulement, juste de l'observer endormie, affaiblie, avachie contre la table, ça ne l'aidait pas. Il voulut tirer sur ses bouclettes de penser comme cela. Il ne se croyait pas aussi désespéré. Ressentir de la pitié pour Eglantine, c'était ridicule. Pourquoi ressentait-il de la compassion pour cette jeune fille ? Beaucoup de personnes souffraient dans ce monde et elle n'était certainement pas la plus à plaindre. Cependant quelque chose de plus profond, quelque chose d'enraciner bien au delà de sa raison lui disait que ses errements clochaient. Il était tiraillé entre la volonté de ne rien laisser le perturber et la curiosité déjà bien installée qu'il avait pour elle.
Les étudiants du lycée le pensaient comme le mystérieux du bahut. Ils avaient tord. Elle renfermait bien plus de secrets que lui. Eglantine était de surcroît énigmatique par rapport à ce que lui laissait entrevoir de sa vie.
A seize heure trente quand là sonnerie retentit. il se précipita à la bibliothèque. Cette pièce avait une aura apaisante, réconfortante, quelque chose qui le préservait du jugement d'autrui même lorsque Eglantine était la. Il faut dire qu'elle ne disait pas grand chose, mais il s'était habitué à sa présence silencieuse. Elle parlait généralement seule, il ne lui répondait que rarement mais elle insistait toujours un peu. Bien qu'il comprenait, qu'elle effectuait cet effort, il ne faisait rien en retour. Ce n'était pas grand chose, mais il l'avait remarqué tout de même sans comprendre réellement pourquoi, il le relevait.
Il avait découpé leur travail en deux. Le contenu et la forme. Eglantine s'occupait aussi du fond évidemment mais elle avait décidé de se vouer à l'aspect et la présentation de cet oral. Elle avait été très productive en découvrant les poèmes de Louis Aragon, de Paul Eluard et Pierre Seghers. Forcément, le poème « Liberté » allait par évidence être proposé aux élèves. Cependant, il serait celui qu'elle réciterait en dernier. Elle l'aimait tellement. Elle vivait une guerre aussi, contre elle-même, contre sa vie, contre sa famille. Elle aurait aimé connaître un seul de ces résistants peu importe de quelle mémoire il faisait parti. Elle aurait voulu leur demander conseil, savoir comment ils s'en étaient sortis, comment leurs âmes de poète avaient pu être aussi brave et résiliente. Comment avaient- elles pu traverser le mal qui déferlait le monde, comment avaient-ils su entretenir la flamme de l'Espoir sans ne jamais se laisser porter par le brouillard silencieux et angoissant qu'était la vie après le couvre-feu ?
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L'Écorchée de l'Automne
RomanceÉglantine est une jeune fille déjà bien abîmée par les ravages de l'Homme. Elle est une fille de l'Automne, son âme se confond bien avec l'état d'Esprit de cette saison. Elle est belle et résiliente Eglantine mais elle ne le sait pas. Harry est un...