Sujet 0

Confidence

Sept heures de matin, Lara se réveilla au son de l'alarme du réveil. On était le 6 janvier, le jour de sa mort. Lara n'avait pas beaucoup de souvenirs de sa mère mais elle était toujours un peu triste ce jour-là. Lentement elle sortit de son lit et se prépara pour le collège. Parce que naturellement c'était aussi la rentrée et aussi le premier jour qu'elle passerait sans Sélina, cette dernière avait attrapé une vilaine grippe. Elle sera donc absente quelques jours.La journée promettait d'être longue.

Sans Sélina les cours passaient plus lentement. À la récréation Lara ne savait pas trop où aller, sans sa meilleure amie, elle se sentait perdue. Devait-elle rejoindre le trio de garçons ? Non, il y avait Morgane avec eux et cette dernière n'aurait pas manqué de lui faire quelques remarques désagréables. La jeune fille resta donc dans son coin, sur un banc à ruminer de sombres pensées.

Alors qu'elle était perdue dans ses pensées une ombre s'interposa entre le soleil et son visage. C'était Ethan.

— Ça va ? Demanda -t-il.

— Oui et toi ? répondit Lara surprise par cette soudaine intrusion.

— Tu es sûre que ça va ? D'habitude tu es toute souriante, ce n'est quand même pas l'absence de Sélina qui te met dans cet état ?

— Bien sûr que non, tu t'inquiètes pour rien, ne t'en fais pas je vais bien. Essaya-t-elle de le rassurer.

Mais au lieu de changer de sujet, comme l'espérait Lara il s'assit, au contraire, à côté d'elle et reprit :

— Tu sais Lara je te connais, je vois bien qu'il y a un truc qui ne va pas, si tu ne veux pas en parler ce n'est pas grave mais sinon, nous, on est là, tu sais. Dit-il en parlant de lui et de ses amis.

Lara ne répondit pas tout de suite, elle n'avait jamais parlé d'elle, même à Sélina elle n'avait pas tout dit, pourquoi l'aurait-elle fait ? Ethan ne savait même pas pour son handicap. Elle avait réussi à justifier la présence de ses béquilles par une simple entorse.

— C'est ... c'est compliqué.

— Alors explique-moi, répondit-il.

— Aujourd'hui, ça fait douze ans que ma mère est morte, lâcha-t-elle

Ethan ne répondit pas, il attendait. Lara réfléchit longuement avant de reprendre la parole, les mots lui vinrent facilement comme s'ils avaient attendu ce moment pour sortir. Lara ne put les arrêter et elle raconta tout au garçon :

—On a eu un accident de voiture, mon père n'a rien eu et moi j'ai eu la colonne vertébrale sectionnée en deux. J'ai eu de la chance, seules mes deux jambes ont été paralysées. Ça aurait pu être pire. Ma mère, elle, a dû être conduite d'urgence à l'hôpital. Elle y est restée cinq jours puis elle est partie. J'avais deux ans. J'ai très peu de souvenir je me souviens juste des cris lors du choc et des larmes de mon père quand on a reçu la nouvelle. Je crois que c'est la seule fois que je l'ai vu pleurer. J'étais trop petite, je n'avais pas trop compris ce qui se passait. Je me souviens juste que j'ai beaucoup pleuré après parce que c'était mon père qui venait me consoler après un cauchemar et pas ma mère. Le pire c'est que je n'ai aucun souvenir d'elle. Dans les films ou les livres, le héros se rappelle d'un rire, d'un sourire, moi non. Mon père m'a montrée des photos d'elle bien sûr, et il m'a racontée des anecdotes mais ce n'est pas comme si je les avais vécues, ce sont juste des souvenirs fabriqués.

Elle fit une pause pour reprendre son souffle, elle avait retenu sa respiration tout au long de sa prise de parole. Ça lui faisait du bien de se confier.

— Et pour toi qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda juste Ethan.

—D'après mon père, je n'ai pas voulu retourner dans une voiture pendant des mois, encore aujourd'hui j'ai parfois un peu peur quand c'est quelqu'un d'autre que mon père qui conduit. Je ... je t'ai un peu menti au début de l'année mais je crois que c'est parce que moi-même je ne suis pas encore à l'aise avec ça. J'ai été placé en fauteuil roulant après l'accident, comme j'avais les deux jambes hors service. Mon père est un scientifique, il a trouvé le moyen de me refaire marcher grâce à une Intelligence Artificiel implantée dans ma tête, au niveau du cou. C'était juste avant la rentrée. C'est pour ça que j'avais des béquilles, j'étais encore en rééducation.

Elle s'arrêta de parler. Elle avait un peu peur de la réaction de son ami dont elle évitait le regard.

— Je suis désolé pour ta mère, commença Ethan. La puce, reprit-t-il, elle ne risque pas de te contrôler ? Comme dans Spiderman? Demanda-t-il légèrement inquiet

—Non, on n'est pas dans un film, rigola Lara, soulagée qu'il ne se soit pas enfui.

Et ils restèrent sur le banc à rire de tout et de rien. Pas une seule fois Ethan ne reparla de ce qu'avait dit Lara. Cette dernière lui en fut éternellement reconnaissante.