L'expédition

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Lara sortit la clé de sa poche. Son père lui avait donné un double du laboratoire au cas où elle aurait un problème. La jeune fille pénétra à l'intérieur, les lumières s'allumèrent aussitôt révélant un ensemble de pièces d'un blanc immaculé. Aucune trace de vie, son père devait être, comme prévu, à la maison sûrement avec Marie.

La clandestine s'attela à la tâche, elle devait faire vite avant que son père commence à s'inquiéter, elle devait trouver la raison de la perte de ses émotions.

Ça y est.

C'était dit, ça semblait tellement invraisemblable mais pourtant c'était bien le cas. À la place il y avait juste un grand vide pesant et douloureux.

La jeune fille réfléchit, où pourrait être rangés les dossiers sur le projet EDEN. Celui-ci ne pouvait être que le seul responsable possible. Il devait y avoir une erreur quelque part et la puce aurait pu abîmer d'autres neurones. Il y avait cependant autre chose qui turlupinait l'apprentie Sherlock, que signifiait le courriel qu'elle avait aperçu l'autre jour ? Ce dernier mentionnait un accord, permettant à l'armée d'avoir accès au projet EDEN. Étrange quand on savait que le Dr André était un fervent pacifiste.

Le bureau de son père semblait être le premier endroit où commencer. Ce dernier comme le reste du laboratoire était très sobre, un bureau noir, des étagères grises où s'alignaient des classeurs verts classés par ordre alphabétique, des murs blancs avec quelques petites affiches, souvenirs des diverses conventions où son père avait participé, la seule touche personnelle était un petit cadre où se lovait une photo de Lara encore bébé entouré de ses deux parents. À la vue de sa mère, le vide douloureux dans la poitrine de la jeune fille s'agrandit, l'obligeant à s'asseoir.

Elle en profita pour en ouvrir tous les tiroirs. Elle trouva des feuilles vierges, des paquets de factures et autre paperasse, une importante collection de stylos de couleurs différentes et quelques idées de futurs projets d'expérimentation mais rien concernant le projet EDEN. Elle passa les étagères au peigne fin, mais ne trouva pas le dossier correspondant. Elle allait changer de pièce quand quelque chose attira son regard. Sous une étagère un classeur vert y avait été glissé, Lara le prit se réinstalla sur la chaise et commença sa lecture.

Les premiers mots étaient incompréhensibles, des termes scientifiques et des abréviations que seul un spécialiste pouvait comprendre. De plus les notes en pattes de mouche qui s'incrustaient un peu partout entre les paragraphes ne facilitaient pas la lecture. Pourtant, au fur et mesure que Lara lisait, les termes prirent du sens et la jeune fille commença à comprendre les mots qui défilaient sous ses yeux. Comme si son cerveau s'adaptait et évoluait pour pouvoir déchiffrer le dossier.

Dans le dossier son nom n'était pas mentionné, mais Lara devina être le sujet 0 car le terme revenait souvent. C'était étrange de voir l'écriture de son père l'appeler sujet au lieu d'utiliser son prénom. La douleur sourde dans un coin de sa tête augmenta légèrement.

Elle comprit rapidement que les nombreuses visites médicales qu'elle avait subies ces dernières années n'étaient pas de simples visites. A son insu, son père avait réalisé de nombreux tests sur elle. En avançant dans sa lecture la jeune fille comprit que son père s'était rapidement affranchi de toutes lois d'éthique à son sujet, l'objectif était plus important que les moyens.

Enfouis dans sa tête ce n'était pas une simple puce qui en fonction des signaux qu'envoyait le cerveau transmettait un signal pour bouger ou non les jambes, mais une véritable intelligence qui pouvait apprendre, mémoriser et évoluer. Un peu comme si actuellement elle avait deux cerveaux dans sa tête. En fait non ce n'était pas exact, son esprit à elle disparaissait, la puce prenait le dessus, sinon comment expliquer sa soudaine capacité à analyser ce qui se passait autour d'elle, son génie nouveau pour les sciences ainsi que sa perte de toutes émotions ? Car même si la puce était intelligente elle restait néanmoins une machine et une machine ne ressent rien.

Le classeur tomba par terre avec fracas. Lara se prit la tête entre les mains, une épine de souffrance semblait avoir transpercé sa tête. Des larmes de douleur coulaient sur ses joues. Cependant elle pleurait aussi de désespoir et de colère. Deux sentiments aussi fort que destructeur. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait rien ressenti, mais pourquoi fallait-il que se soit si douloureux ? Pourquoi ?!

Quel être vivant voudrait... pouvait vivre si ressentir était si éprouvant ? Voir impossible ?

Aucun. Ressentir, pouvoir aimer, pleurer étaient des synonymes de vivre.

Aveuglément Lara prit une feuille et un stylo, elle avait besoin de se justifier, les mots coulaient sur le papier parmi les larmes. Elle plia la feuille, la glissa dans une enveloppe, y écrivit un nom et se leva.

Elle prit le bus pour arriver devant une maison. La nuit était tombée depuis longtemps maintenant. Par les fenêtres on pouvait voir une famille qui dînait joyeusement. Elle mit l'enveloppe dans la boite aux lettres et partit vers la gare.

Un dernier voyage l'attendait.

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