Le champ de vision de Bérénice s'était étréci. Elle avait l'impression que la terre entière s'était arrêtée de tourner. Elle avait la tête enfouie dans du coton qui étouffait tout, les cris et les coups de feu. Les autres devaient la trouver idiote à rester planter là, la bouche grande ouverte au milieu d'une salle de spectacle remplie de chaos. Des larmes roulèrent sur ses joues. Perles salées qui gouttaient sur le sol, comme le sang de ses opposants éclaboussaient les murs. Cette sale était celle où Vanya et elle s'étaient échappées pour assister à un ballet, où elles étaient tombées amoureuses de la scène. C'était la première scène sur laquelle elle avait dansé, sous les applaudissements de la foule en délire. Si autrefois elle y voyait le fantôme de son enfance, elle y voyait désormais le fantôme de son cher Ben.
Sauf que cette fois elle ne rêvait pas. La tête renversée en arrière, poings serrés, il hurlait de douleur alors que son monstre intérieur ravageait la salle. Il avait grandi. Ce fut la première chose qu'il lui passa par l'esprit. Il avait un peu plus d'un quinzaine d'années lorsque de son décès mais Bérénice contemplait maintenant un jeune adulte. On aurait dit qu'il avait grandi avec eux, à l'insu de tous. C'est grâce à Klaus, comprit-elle. Elle avait toujours su que son frère était plus fort qu'il ne pensait, Ben avait du rester avec lui constamment au point de grandir même dans la mort. Avant de l'avoir décidé, elle se rendit inconsistante et courut droit vers lui, passant à travers les sièges et les débris sans même se rendre compte de sa douleur. C'était presque devenu un automatisme d'utiliser son don lorsque Ben en usait. Il souffrait, alors qu'elle souffrait. Elle était son ancrage et il était son baume. Son visage avait perdu ses rondeurs d'enfant pour laisser place à des traits fins, taillés à la serpe. Il avait grandi. Bérénice, qui avait toujours mesuré à peu près sa taille, ne lui arrivait à présent qu'à l'épaule. La jeune femme aurait pu croire qu'il était vivant si il n'était pas auréolé d'une douce lumière bleutée.
— Ben ! hurla-t-elle, prête à fondre en larmes.
Ce fut comme le mot magique. Le monstre se résorba dans son abdomen et il rouvrit les yeux. Le choc qui se lut sur son visage fut au moins égal à celui de Bérénice. Il l'avait déjà vu, sans pouvoir lui parler, il avait déjà constaté à quel point il l'a trouvé toujours aussi belle. Mais il avait aussi vu cette lourde tristesse qu'elle portait comme un fardeau, ce chagrin que les ans n'étaient pas parvenus à effacer. Son innocence et sa naïveté lui avait été brusquement arraché et soudain, il avait pris conscience qu'elle avait changé. Il avait souffert de la voir déambuler dans les couloirs du Manoir sans lui accorder un regard. Il avait souffert de la voir parler à tous leur fausse fratrie sans lui parler. Oh ! Combien de fois elle avait eu les yeux perdus dans le vide, fixant par un heureux hasard sa silhouette fantomatique ! Combien de fois il avait espéré que cette fois, elle le verrait ! Le retour à la réalité n'en était que plus dur. Mais là, à cet instant précis, elle avait plongé son regard dans le sien, après de longues et terribles années.
— Ben, répéta-t-elle comme si elle n'y croyait pas.
— Bérénice, souffla-t-il, ses yeux brillants.
Elle éclata d'un rire incrédule avant de se jeter dans ses bras. Le jeune homme n'avait pas essayé de la rattraper, il était sûr qu'elle allait passer à travers lui comme elle passait à travers les objets. Bérénice percuta son torse avec tant de force qu'il vacilla et qu'il faillit tomber. Il se mit à rire avec elle, savourant le contact de son corps contre le sien. Il renferma ses bras autour d'elle, passa sa main dans ses cheveux crépus. Il avait la bouche posé sur son front alors que la jeune femme lui caressait le dos. Elle avait mûri. Sa silhouette fine s'était étoffée et elle avait maintenant un corps de femme. Elle avait changé. Pourtant c'était toujours sa Bérénice, la petite fille qui le taquinait et qui faisait des caches-caches avec lui. Celle à qui il lisait des histoires, celle qui dansait pour lui. Celle qu'il voulait protéger lors des missions, la seule qui comprenait sa peur de son don parce qu'elle la partageait. Bérénice s'enivrait de son odeur, de ses mains dans ses cheveux et de ses lèvres sur son front. Elle comprimait son dos, l'enserrait dans ses bras comme si elle avait peur qu'il s'envole pour toujours. Et cela pouvait arriver. Cela arriva. Klaus perdit sa concentration et Ben redevint une forme faite de fumée et d'ombres. Seulement Bérénice le voyait toujours.
— Tu es là, murmura-t-elle.
— Oui, je suis là. Au ton de sa voix, on comprenait qu'il peinait à y croire.
— Oui, je suis là aussi et je refuse de tenir la chandelle alors salut ! gazouilla Klaus.
Ils éclatèrent tous les trois de rire et Bérénice colla un baiser sur la joue de Klaus, car si elle avait pu serrer son cher Ben dans ses bras c'était bien grâce à lui. Elle aurait bien assez d'une vie pour le remercier. Quoique cette vie risquait d'être courte si Vanya avait déclenché l'apocalypse... Au moins elle serait avec Ben, pour toujours et encore plus.
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Bonjour les amis ! Oui je ne suis pas encore morte !
Je travaillais sur un autre (gros) projet, donc je ne pensais plus trop à écrire ici. Mais la sortie de la saison deux d'Umbrella Academy m'a motivé pour vous écrire ce chapitre !
(pas de spoiler je n'ai même pas regardé le premier épisode)
Je suis plutôt fière de ce bonus et puis c'était l'un des bonus que vous m'avez le plus demandé, j'espère qu'il est à la hauteur de votre attente !
Bisous bisous ^^
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Numéro 8 "Spectre" •TUA•
Fanfiction1 octobre 1989. 43 naissances miraculeuses. 8 adoptions par Sir Reginald Hargreeves. "- Spectre ! Hurla le Monocle La jeune fille plaqua ses mains sur ses oreilles. Elle ne pouvait plus supporter ce nom, son cœur menaçait de se déchirer, ses yeux...