Message à toi qui m'attend

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Je me demande souvent s'il existe, quelque part dans un recoin de ce monde, quelqu'un allongé sur son lit, la main sur la poitrine, les yeux fermés, comme moi en cet instant ; et qui se demande si une fille aussi frêle, cassée et écervelée que moi existe.

Si quelqu'un d'aussi fou pour fuir avec terreur son soi profond, pour se gaver d'amour fictif sans pour autant croire à son existence, pour écrire des messages d'espoir à qui veut alors que ses yeux dégoulinent de noir, pour franchir une fenêtre par la pensée, pour rêver devant chaque ciel d'été, pour envier une graine de pissenlit dans le vent, pour parler au Silence de longues heures durant, et pour en être amoureuse, pour refuser violemment la réalité jusqu'à en hurler, pour déborder de tendresse malgré un coeur fané, respire, là, juste là, dans son pan d'univers.

Et parfois, je pleure, je ris, je lève la main vers ce plafond muet, et divaguant, je m'exclame :

"Dis, toi qui m'attends, es-tu encore là ? Restes-tu toujours allongé sous le courant de la vie, à nous attendre, moi et ma crevasse ? Idiot, relève-toi ! N'attends personne, et surtout pas moi, pour commencer à fendre le ciel de ta propre lumière ! Redresse-toi et avance sans moi. Peut-être te rejoindrais-je un jour, ou peut-être pas, mais ne compte pas sur ça ; vis de manière à ne plus graviter autour des autres, deviens ton soleil ! De toutes façons, je ne pourrais rien t'apporter, la vie est une trop longue route et je suis trop souvent essoufflée pour continuer. Combien de fois ai-je pensé baisser les bras, laissant ma construction s'affaiblir et s'écrouler ? Tu sais, il vaut mieux que tu traces de ton côté. Au cas où tu ne me verrais jamais arriver, vis pour deux, remplis ta galerie de souvenirs et rends moi jalouse de ne pas y figurer. Dis, toi qui m'attend, ne m'attends plus, vraiment. C'est trop dommage de prendre du retard en guettant un bouquet, qui , de toutes façons, arrivera probablement tout asséché.
Dis, toi qui m'attend, tu sais, je rêve de toi souvent.
Quand est-ce que tu arrives au bord du chemin pour me dire que ça vaut la peine de continuer ?  Dis, toi qui m'attend, si par hasard tu me croises, s'il-te-plaît, dis-moi de m'accrocher. Prends ma main, serre-la fort, et dis-moi que ça ira. Que la lanterne, là-bas, ne s'éteindra pas, et que j'ai juste à suivre sa voix. Qu'il n'y a pas besoin d'échappatoire. Que je n'ai plus besoin de fuir.
Dis, toi qui m'attend, sors de ce vieux plafond muet, qui me relie pourtant au monde, à l'univers ; ne m'attends plus, d'accord ?"

Alors mon bras retombe lourdement sur les draps, et quand j'ouvre les yeux, il n'y a toujours que moi, et le mutisme écrasant des murs confidents. Tout reste figé, dans sa banalité habituelle en suspens, et cette étrange impression de m'être fait sermonner subsiste amèrement en travers de ma gorge, comme un rappel à l'ordre.

"Dis, et si tu rassemblais toutes tes forces et que tu arrêtais de t'attendre ?"

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 30, 2020 ⏰

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