7. La conclusion

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7. La conclusion

Giorno avait dit « Je me suis tellement fait humilier que ça m'a passé l'envie de créer des fleurs pour ce sale ingrat de Fugo ». C'était pas ses mots exacts, mais voilà l'idée. Et bien... malheureusement, il se plantait sur toute la ligne. Ça n'a rien changé, c'était même pire. Le lendemain, des fleurs étaient partout, mais c'était pas les mêmes que d'habitude, c'était des fleurs un peu sinistres, des chardons, des trucs à pics. C'est passé inaperçu une matinée, et au repas de midi :

- Bon appétit, a fait Fugo timidement.

C'était les premiers mots qu'il adressait à Giorno depuis la veille. L'assiette de tagliatelles du pauvre boss s'est transformée en nénuphar, une grosse fleur rose et froide, avec la feuille et tout. Il y a eu un silence de mort. Avant, Fugo était intrigué par les apparitions soudaines de fleurs. Il faisait des commentaires du style « Ooooh c'est beau ! ». Là il a eu l'air plutôt dévasté. Il avait eu l'air dévasté toute la journée, vous me direz. En tout cas, ces pauvres fleurs ont été suivies d'un silence un peu trop long, puis d'un poli et froid :

- Fugo. Tu voudrais bien aller de ma part porter ce nénuphar sur la tombe de Bucciarati ?

Fugo s'est levé sans hésiter, il a même pas demandé si ça pouvait attendre la fin du repas. Il a pris la fleur par en-dessous, avec précaution, et dit en rougissant :

- Tout de suite, boss.

Et le voilà parti. J'étais impressionné :

- Pas bête ! Tu vas l'envoyer à chaque fois ?

- Pourquoi pas.

Giorno a tiré vers lui l'assiette à peine entamée de Fugo. Il m'a déclaré avec un boudeur :

- Ça lui apprendra.

Ça m'a fait rire. T'as bien raison, Gio. Venge toi de cet abruti.

_

Fugo n'était pas dans le même état d'esprit, malheureusement. Il s'était lancé dans la mission de trouver et faire taire l'origine des rumeurs à son sujet, je lui souhaitais bien du courage. Les jours suivants, quand Giorno l'envoyait apporter les fleurs à Bucciarati, il obéissait sans discuter, avec l'air dévoré d'angoisse. Je me suis demandé s'il pensait pas que Giorno l'envoyait voir les tombes pour lui rappeler sa trahison. Et pourtant il s'exécutait. Quand je lui demandais si ça allait il m'envoyait chier, alors j'insistais pas.

Je pensais que le temps arrangerait tout, mais l'ambiance au manoir n'a fait qu'empirer. Fugo et Giorno étaient déprimés tous les deux, ils s'évitaient le plus possible. Je comprenais pour Giorno qui avait eu le cœur brisé, mais Fugo c'était pas mieux. Il rasait les murs, sursautait dès qu'on lui adressait la parole, il avait la pire gueule. Giorno, comme toujours, ça se voyait moins, mais à sa façon contenue il broyait du noir aussi. Il se retranchait dans son attitude hyper formelle, hyper guindée, qui faisait mourir Fugo d'inquiétude. Le truc c'est que plus Fugo stressait, manquait de sommeil et avait l'air d'une loque, plus ça déprimait Giorno. Plus Giorno était déprimé, plus il devenait distant. Plus Gio était distant, plus Fugo stressait. C'était la spirale infernale. Il fallait que je fasse quelque chose sinon ils ne s'en sortiraient jamais.

J'y ai pas mal réfléchi, je me suis dit que le boulet des deux, celui qui tirait l'autre vers le bas, c'était Fugo, évidemment. Donc c'est sur lui qu'il fallait que je bosse en premier. S'il allait mieux Giorno serait assez rationnel pour se remettre. Je sais que c'est injuste, vu que c'est Giorno qui s'est pris le râteau, mais bon, pour moi c'est aussi la facilité : c'est impossible d'entrer dans la tête du boss, j'avais aucune idée de comment m'y prendre pour lui remonter le moral. Fugo est plus facile, je le connais mieux. d'ailleurs j'avais déjà une idée : j'envisageais de lui trouver un piano. C'était un peu risqué, parce que ça pouvait lui rappeler les six mois de solitude où il a travaillé comme pianiste dans des bars, après nous avoir lâchés, mais je me souviens que Fugo aimait bien le piano, avant. À un moment, il faut bien tenter des trucs.

Fugo over flowersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant