Dans la langue de Mozart - Lukadrien (MLB)

Chapitre 14 : La pluie nous manque

L'averse s'éternisait, leur baiser aussi. C'était bien Luka et Adrien qui s'embrassaient.

C'était bien Luka, c'était bien ce même corps qui avait brûlé d'amour pour Marinette, cette même peau qui avait longtemps rêvé d'effleurer celle de la jeune fille ; c'était bien cette même bouche qui lui avait chanté des ballades, offert des sérénades, qui l'avait rassurée et guidée quand elle prenait peur et confiait ses doutes ; c'était enfin cette même langue qui avait soulevé la céleste confession et amené l'aveu fatal à l'oreille de la bien-aimée : et c'était cette langue-là qui repeignait le palais d'Adrien.

Et l'autre, c'était bien Adrien, l'éphèbe divin auquel Marinette s'était confessée il y a peu, c'était bien ce prince au visage d'ange et aux yeux de Hyacinthe : c'était bien cette douce âme blessée des rejets continuels de Ladybug, qui se livrait maintenant au plaisir de sentir celle de Luka contre elle.

C'était tout à fait Adrien Agreste et Chat noir, Luka Couffaine et le musicien des Kitty Sections qui s'embrassaient. C'était toutes leurs facettes qu'ils touchaient du bout de leurs lèvres et pénétraient avec passion. C'était bien eux qui étaient en train d'oublier qu'un monde existe à l'extérieur du leur.

L'élément qui le leur fit rappeler fut un immense grondement qui sévit par-delà les fenêtres. Il résonna dans la chambre comme un dérèglement d'enceinte à plein volume, soudain et excessivement puissant. Adrien, qui avait fermé les yeux, fut réveillé par une brusque lumière blanche qu'il perçut par-delà les paupières. Il sépara brusquement ses lèvres de Luka, se hâta de tourner la tête vers la fenêtre. 

La vue lui frappa le cœur. 

- Adrien ? l'appela Luka, sans se retourner. Est-ce que ça va ?

- ...Oui, répondit-il.

Il remit son attention sur Luka. Celui-ci lui sourit tendrement, avec ses lèvres encore humides. Adrien était tout décoiffé. Avec bienveillance, il leva la main et remit une mèche blonde derrière son oreille. 

- Je t'ai surpris ? demanda-t-il à voix basse. Je suis impoli. J'aurais dû te demander ton avis avant de faire ça... J'espère que tu ne m'en veux pas.

Luka ôta sa main et baissa les yeux. Adrien tourna les siens vers la noirceur effrayante du ciel.

-  Je n'étais pas sûr du tout de la manière dont tu allais accueillir ce baiser, continua timidement Luka. Pour dire vrai, je crois que je n'ai pas réfléchi. J'ai vraiment agi comme un rustre. Je suis touché que tu ne m'aies pas repoussé, acheva-t-il dans un embarras qu'on lui connaissait mal. Mais... est-ce que c'était par politesse, ou bien ça veut dire que...

Adrien regardait à côté, surveillait le ciel : mais le regard de Luka était sur lui avec une telle intensité qu'il fut contraint de quitter la fenêtre et de se confronter aux yeux de Luka.

- ... tes lèvres ont dit ce que ton cœur pense, Adrien ?

Comme une réponse à la question, un éclair fendit le ciel, et avec, l'atmosphère. Le bruit fracassant de la foudre remplaça leur silence d'intimité. Les deux tressaillirent, se retournèrent. L'averse, tout à l'heure droite, penchait. L'éclair semblait l'avoir agitée. Le grondement du vent qui en était responsable slalomait à l'intérieur d'elle, il frappait les gouttes, les fouettait. Il traversa la vitre pour faire trembler les oreilles d'Adrien, soulever son cœur, puis faire monter en lui un mot, un seul :

- Une tempête, murmura-t-il.

Une folle succession d'éclairs parcourut le ciel, en l'illuminant de tous les côtés, en l'éteignant ensuite ; cent vents s'affolèrent en même temps, mille gouttes s'ajoutaient en nombre et en puissance. Adrien vit tout cela à travers le cadre de sa grande baie vitrée. Il sentit une angoisse éperdue se former dans le bas de son ventre en un quart de seconde, et son onde de choc fut telle qu'elle remplit ses bras et les fit trembler. L'angoisse l'immobilisa tout entier ; elle monta en flèche, remplit ses poumons, sa poitrine, monta au visage, au front : celui-ci se mit à résonner de plusieurs battements de cœur affolés.