Adrien se disait que parfois la réalité était plus improbable que les rêves. Dans le grand décor du hall de son manoir, Nathalie venait de faire entrer Luka en face de son père et lui.
Luka était là. Adrien était tout étonné de le voir. Il le fixait, parcourait sa silhouette de haut en bas. Ses yeux étaient grands ouverts, absorbés jusqu'au fond des pupilles par cette présence singulière. Luka était là. Dans sa propre maison. Devant son père. Luka était là, et ses habits d'artiste emo contrastaient avec les murs ternes, ses cheveux bleus et son pantalon à trous juraient avec l'aspect impeccable du hall : Luka était là, et toute sa personne détonnait avec la maison.
Étrangement, Adrien en ressentait une part de soulagement. Derrière sa stupéfaction se logeait une part d'apaisement, de détente. Il avait craint que Luka ne vienne à ce déjeuner dans un style différent que d'habitude : il avait eu peur de le voir arriver affublé d'une cravate, les jambes prises dans un pantalon sans trous, raidi dans un "habit officiel et raffiné".
Accueillir Luka dans un tel accoutrement aurait fait de la peine à Adrien, car alors ça n'aurait pas vraiment été Luka. Luka est un garçon qui a été élevé sur un bateau par une guitariste toquée. Il se teint les cheveux et se peint les ongles en noir. C'est comme ça qu'il était ; et, Adrien était heureux de le constater, c'est comme ça qu'il avait réussi à pénétrer la forteresse Agreste. C'est comme ça qu'il était apparu en face de Gabriel Agreste, le styliste le plus important de Paris. Luka était venu ici en lui-même : cela entrait dans le cœur d'Adrien en souriant.
Le maître de maison fut le premier à offrir ses salutations :
- Bonjour, monsieur Couffaine, dit-il en plantant son regard dans le sien.
Luka soutint ce regard qui venait d'en haut. Il répliqua sans attendre d'une voix claire et confiante :
- Bonjour, monsieur Agreste. Je vous remercie de votre invitation.
Cette réponse, réglée avec le parfait accent qui s'imposait à la conversation haute et bourgeoise, étonnait d'abord Gabriel : puis, satisfait de constater qu'il avait affaire à un jeune homme bien élevé, il chassa de son esprit une partie des préjugés que le style vestimentaire excentrique de l'adolescent lui avait donné.
Après avoir donné cette réponse parfaite, Luka tourna la tête vers Adrien pour lui adresser un regard de bonjour. En le recevant, lui se figea, sans trop savoir pourquoi, et baissa les yeux.
- Monsieur Couffaine, reprit monsieur Agreste, me donnez-vous la permission de vous appeler Luka ?
- Bien sûr, monsieur.
- Alors, dit Gabriel, venez, Luka, ne perdons pas notre temps. Suivez-nous en haut dans la salle principale. Le couvert est mis.
Il tourna les talons et se mit à gravir le grand escalier de gauche. Nathalie lui emboîta le pas en serrant contre elle sa tablette de travail.
- Nathalie, l'apostropha Gabriel en continuant de monter, le plat de résistance est-il prêt ?
- Tout à fait, monsieur.
- Très bien. Dîtes-moi, à propos de...
Les voix des adultes se perdirent bientôt en haut des escaliers. Une fois qu'ils eurent complètement changé de pièce, le silence du hall d'entrée se fit complet ; il tomba, glacé, entre Adrien et Luka.
Ils étaient tous les deux.
Adrien n'avait pas relevé les yeux. Il les maintenait attachés sur un carreau du parquet. Le silence laissé par son père était pesant, alourdi de pression, de tension. C'était les silences que Gabriel laissait toujours derrière lui quand il partait.
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Dans la langue de Mozart - Lukadrien (MLB)
FanficMarinette a rejeté Luka, Ladybug a rejeté Adrien. Les mots sont décidément un langage bien cruel. Peut-être que ce qu'il leur faut, c'est la langue de Mozart. Une langue que les deux garçons semblent parler avec passion.