Il est 00:47
Mes yeux sont secs
Ma gorge est nouée mais rien ne vient
Mes doigts sont engourdis, peinent à écrire
Mon cerveau s'épuise à trouver la force de ces quelques mots
Ma poitrine se soulève comme pour soupirer
Ma bouche s'ouvre comme pour bailler
Mon orage fini par se taire
Se terrer
Je suis fatigué·e mais ne dors pas
Comme un somnambule en bout de course je pianote encore sur mon clavier frileux
Je m'écroule un peu plus à chaque verbe
Mais ne fait rien
Comme suspendu·e dans un entre-deux-temps-perdus
Je ne fais rien pour faire s'apaiser le dedans
La poussière qui ne s'arrête pas de tomber
Soufflée par un vent venu de partout ailleurs
J'écris au hasard des douleurs qui murmurent sous ma peau
Hasard de ces blessures recouvertes de nuit
Qu'on retrouve au détour d'un chemin menant vers plus loin
Je devrais aller dormir mais non
Je n'irai pas
Je n'ai qu'à me retourner et plonger dans l'océan de mes draps
Mon corps-béton achève de s'immobiliser devant l'écran de solitude
Au bord du gouffre social dans lequel je plane tranquillement
Chaque jour un peu plus bas
Un peu plus profond
Je traine mes ailes trop grandes dans l'obscurité de mes fantasmes
Je dégoupille des grenades que je garde dans mes mains effacées
J'écris au hasard de ces mots qui me passent sous la mâchoire
Ces mots que je peux mâcher mâcher mâcher
Et recracher
Tout ça servira de matière, qui sait
Un jour je parviendrai à retravailler mes textes
Pour le moment je me contente d'une silhouette
Forme vague premier jet base d'argile qu'il faut
Couper gratter recoller vernir casser recommencer
J'ai perdu l'espoir de la reconnaissance
Je suis trop paresseux peut-être trop lent pas assez volontaire
J'ai vu des gens écrire
Pour de vrai écrire passer sa vie à
Je suis découragé·e par l'absence de retours mais
Les retours me déplaisent
J'ai besoin d'être encouragé·e
Les critiques même les meilleures me sont un courant d'air brûlant
Dans l'intérieur de l'estomac
Ce soir je n'ai pas mangé
Je n'ai pas mangé, absorbé·e par le gouffre de mes pensées absurdes
Aucune nourriture n'a descendu mon œsophage
Aucun nutriment n'a parcouru mon intestin
Mon ventre est resté froid d'une non-digestion d'un non-repas
La peau me pèse sur la chaire comme
Si j'en étais responsable
A qui appartient cette drôle d'enveloppe à ravitailler trop souvent
Mon corps-esprit s'est encore une fois divisé en multiples éclats de verre
Mon corps-valise s'est empli d'objets qui ne partiront pas en voyage
Je m'évertue à ranger des choses irrationnelles dedans
Alors que je n'amène jamais rien d'autre
Qu'un sac à dos
C'est la fin déjà de ces lettres-lourdes balancées sur un bout de page
Comme jeter des pièces dans le puits des vœux
Cet argent que ramasse le·a gardien·ne du lieu, tandis que les volontés
Se dispersent dans les nuages du destin
Ce puits est en moi si profond que personne ne vient faire
Sonner et trébucher mes petits morceaux de métal
Peut-être qu'un dragon habite en bas
Sur un tas de blé
Peut-être est-ce son souffle brûlant qui me lacère la panse
Lorsque je dégringole
Dans les profondeurs
Du gouffre
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Journal irrégulier d'un·e punk-poète non-binaire
PoetryUn endroit pour parler de moi plus en détail, de ce que je fais dans la vie, de choses diverses que j'ai envie de partager avec vous. Il parait que ça s'appelle un rantbook dans le coin ? Enfin c'est pas spécialement pour rant, plus pour raconter ma...