Je me fais chier.

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Tout est dans le titre.

Aujourd'hui, on est vendredi. Un vendredi qui n'a rien de spécial.

Je me suis levé·e ce matin, la tête dans le cul comme tous les matins. Forcément, quand on dort mal. Douleurs dans le dos, habituel. Rien de spécial.

Je me suis levé·e ce matin comme tous les matins. J'ai allumé mon ordi par réflexe. Fait le tour au moins quatre fois de mes au moins quatre boîtes mails compulsivement. Regarder mes messages WattPad. Répondu à deux trois trucs. Refait le tour.
Tu n'as pas de nouveaux messages, décroche tes yeux de cet écran de malheur bon sang.

Je devais passer des coups de fil. Comme à peu près tous les jours. Et comme à peu près tous les jours, j'ai reporté au lendemain. Sauf que demain c'est samedi, alors j'ai reporté au lundi.

Comme tous les jours je suis allé·e dans le salon, puis je me suis demandé ce que je faisais là. Pas juste là dans le salon, non. Ce que je faisais là, dans l'existence.
J'ai du rester cinq bonnes minutes les yeux dans le vague, avec le chien alias mon quatrième coloc qui me collait et qui me disais de ses yeux mouillés "viens on sort".

Pas maintenant.

J'ai petit déjeuné en lisant un livre - ça c'est moins banal. Je ne lis jamais. Problèmes de focalisation, de concentration. Petit déjeuner aussi c'était pas banal. Je ne petit déjeune jamais. Parce que la peur me tient au ventre. Celle de devoir aller faire des courses. Celle de ne plus avoir d'argent, à un moment donné. Parce que j'en gagne pas, de l'argent.

Mais aujourd'hui j'ai petit déjeuné.

On est sorti·es, avec le chien, encore dans ma nuit, alors qu'il faisait grand jour à dix heure trente. Je l'aime ce chien.  Il fait peur aux gens. Ça m'arrange. J'aime pas les gens, surtout ceux qui ne savent pas aimer ce chien. Il est un peu comme moi, mon ami chien. En plus excité, sans doute. Un peu comme moi enfant. Moi aussi je fais peur aux gens.

On fait peur, pas parce qu'on est impressionnant·es. Si seulement. Non, on fait peur parce qu'on est bizarres, différent·es. Lui, il n'a pas les mêmes codes sociaux que moi. Mais moi, j'ai pas les mêmes codes sociaux que les gens qui me croisent dans la rue, quand je l'accompagne au parc. Et on se retrouve à être plus proches que je ne pourrais l'être avec n'importe quel être humain.

De retour sur l'ordi, j'avais déjà la pensée entêtante de mon agenda intérieur qui me disait : "rdv avec ta psy cet aprèm' à 14h. N'oublie pas. Hein, n'oublie pas." Impossible de faire autre chose parce que j'avais peur d'oublier. J'oublie souvent les choses.

Tu sais, ce moment où tu vas dans le salon, et tu te demandes : "mais qu'est-ce que je fais là."

Ben moi c'est pour tout, et tout le temps. J'ai ouvert mon agenda, puis je me suis demandé pourquoi j'avais fait ça. Ah oui. Regarder ce que tu fais le trois juin. Parfois ça revient, souvent ça ne revient pas. Alors tu fermes l'agenda, avec trois pourcents de stress en plus pour la partie gestionnaire de ton cerveau qui se dit : "merde, qu'est-ce que j'ai oublié de noter ?" Trois pourcents, plus trois, plus trois plus trois plus trois.

A midi et demi, j'avais toujours pas fait à manger. Pourtant c'était pas faute de me l'être dit. Ça devait bien faire une heure que je checkais en boucle tous mes réseaux - mails, sms, discord, wattpad, GW - pour être sûr·e de n'avoir loupé aucun message, en me disant : "il est onze heure trente. Faudrait que je fasse à manger." "il est onze heure quarante trois. Faudrait que je fasse à manger." "il est onze heure cinquante huit. Faudrait que je fasse à manger." "il est midi deux. Faudrait que je fasse à manger."

Journal irrégulier d'un·e punk-poète non-binaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant