Siete

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Je rentre en furie chez mon père et claque la porte de ma chambre. Je sors ma valise de sous mon lit et y enfourne tout ce qui me passe sous la main. Il est hors de question que je reste une minute de plus à Southfield. C'est au-dessus de mes forces. J'attrape mes habits, mon chargeur de téléphone, mes 2 paires de chaussures, mes affaires de toilettes et les quelques babioles que j'avais amenées. Et je fourre tout dans ma valise. Des bruits de pas se rapprochent. Mon père apparaît au chambranle de ma porte. Il passe ses yeux sur ma valise, puis sur moi. Son visage se crispe et il fronce les sourcils.

-        Lia ?

Je pince l'arête de mon nez et ferme les yeux quelques instants pour atténuer le mal de tête qui grandit. Quand je rouvre mes yeux, mon père est dans la totale incompréhension.

-        Papa. Je suis désolée, mais je dois...

-        Tu t'en vas ? me coupe-t-il.

-        Je vais vivre chez maman et James.

-        Mais pourquoi ? Je ne comprends pas, j'ai fait quelque chose de mal ? Lia, on ne s'est pas vu pendant plusieurs mois.

-        Alejo est revenu.

La seule mention à haute voix de son prénom me fait souffrir. Voilà pourquoi je ne le prononce plus. Je ne veux plus l'entendre. C'est toujours beaucoup trop douloureux. Ma gorge se noue déjà, j'ai du mal à respirer et je suis parcourue de frissons. Il est revenu. Alejo est revenu. Mon père déglutit et jette un nouveau coup d'œil à ma valise.

-        Je... Je sais que ça doit être difficile pour toi, mi hija. Mais s'il te plaît, reste avec moi.

-        Je suis désolée, papa. Vraiment. Mais je ne peux pas rester une minute de plus à Southfield. Je veux être le plus loin possible de lui. Ne plus le revoir. Plus jamais.

Ça me détruit de quitter mon père. Les dernières miettes encore en état de mon cœur se brisent quand je croise son regard. Il parait tellement triste. J'espère qu'il comprendra. Je ferme ma valise, et sans un mot, quitte la chambre. Je tourne la poignée de la porte d'entrée et avant de sortir, dépose un baiser sur la joue de mon père. Je sors. Au moment où je lève les yeux, traînant ma valise derrière moi, mon cœur rate un battement. Non. Pas encore.

-        C'est une propriété privée ici, dégage.

Alejo est accoudé à la barrière de mon jardin. Ses yeux sont fixés sur moi.

-        Lia, je suis revenu pour toi. Je veux qu'on discute et...

-        Non. Non, non, non. On a rien à se dire.

-        Au contraire, il y a tout à dire.

-        Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu quittes définitivement ma vie ?

Si ma remarque l'atteint, il ne le montre pas le moins du monde. Je le fusille du regard en m'efforçant de ne pas éclater à nouveau en sanglots.

-        Lia. Je t'aime. Tu le sais.

« Je t'aime » ? Il se fout de moi ? Mon cœur se brise. Littéralement. Je suis soudain prise de vertige. Il m'aime ? J'ai attendu un an qu'il revienne et me dise ces mots. Mais maintenant, qu'il le fait, je n'ai qu'une envie, pleurer.

-        Tu m'aimes ? Oh non, Alejo. Je t'interdis de dire ça. Je te l'interdis. Tu n'as pas le droit. Tu ne m'aimes pas, tu m'as abandonné. On avait des projets pour l'avenir ! On devait habiter ensemble ! On s'aimait ! Maintenant, tu n'es plus rien.

-        Lia...

-        Ferme-la !

Je n'ai pas réussi à retenir mes larmes ; elles coulent sur mes joues. Mais ce ne sont pas des larmes de tristesse ; j'ai l'impression que toute la colère en moi s'évapore. Je suis furieuse, brisée.

-        Je ne suis plus amoureuse de toi. Je te déteste du plus profond de mon cœur.

On dirait que je viens de le gifler une troisième fois, comme si mes mots l'avaient frappé physiquement. Il ne dit rien, mais la confusion se lit dans ses yeux. Je vois un million de questions se bousculer dans sa tête. Mon père passe la tête par la porte pour voir d'où vient les cris ; je lui indique de rentrer immédiatement.

-        Dégage de chez moi, Alejo. Je ne veux plus jamais te voir.

Je dois me calmer si je ne veux pas exploser sur place. Je respire lentement, ferme les yeux et essaye de ne pas péter un câble.

-        Pourquoi ?

-        Pourquoi quoi ?

-        Pourquoi est ce que tu n'es plus... Pourquoi est-ce que tu me détestes ?

-        Tu disparais un an et tu croyais qu'à ton retour, je serai toujours amoureuse de toi ? Tu m'as abandonné quand j'étais à l'hôpital ! Et tu me demandes pourquoi je ne suis plus amoureuse de toi ? Pourquoi je ne veux plus de toi dans ma vie ? Ouvre les yeux, bordel. Je n'ai plus besoin de toi. J'ai tourné la page. J'ai réussi un an à vivre sans toi, tu ne m'es pas indispensable. Maintenant, dégage.

Lui aussi semble au bord de la crise de nerfs. Dieu merci, il est assez intelligent pour ne rien dire. Je crois que je lui aurai envoyé ma valise en pleine tête. Il continue à me fixer, sans un mot, comme s'il essayait de voir si oui ou non, j'étais sérieuse. Puis, au bout d'un moment, il baisse les yeux, et fait demi-tour. Il enfonce ses mains dans ses poches de jean et tourne au bout de la rue. Je le regarde disparaître. Je prends une nouvelle inspiration et grimpe dans ma voiture. La colère a fait place à la tristesse. Je frappe le volant, en larmes. Mes cheveux bruns tombent en cascade sur mes yeux tandis que je pleure. Je reste dans cet état second pendant plusieurs minutes, puis lève la tête, et démarre. Personne ne mérite mes larmes. Surtout pas lui.





J'arrive rapidement à Santa Monica. Je ne prends même pas la peine de souffler ; je vais mal. Vraiment mal. Je toque à ma porte d'entrée. James m'ouvre.

-        ...Lia ? Mais tu...

Je ne lui jette pas un regard et pousse ma valise sur le côté avant de lui tourner le dos. Je me dirige vers la maison voisine, presque en courant. Je prends quand même le temps de me donner un peu de contenance et vérifie si je ne ressemble pas à une folle avant de sonner. C'est Jordan, le petit frère d'Adan, qui m'ouvre. Sa petite bouille m'accueille avec un grand sourire.

-        Bonjour mon grand, comment tu vas ?

-        Lia !

Il s'avance et me serre contre lui. Sa tête arrive au niveau de mon nombril. Grace est en train de lire le journal avec un café quand je m'avance vers elle.

-        Bonjour ma belle, ça fait longtemps !

Elle se lève et me fait la bise. Elle est très élégante, avec son tailleur couleur crème.

-        Tu vas bien ?

-        Oui, et toi ? *Non je suis totalement brisée...*

-        Oh oui, merci. Qu'est-ce que tu es venue faire ici ?

-        Je suis venus vous passer le bonjour et... Voir Adan.

-        Oh ? Et bien... Il est dans sa chambre. Tu peux y aller, de toute façon, tu connais le chemin.

Grace paraît vraiment surprise, mais elle finit sa phrase avec un clin d'œil. Je lui souris timidement et grimpe les escaliers. Je ne prends pas la peine de toquer. Je rentre. Adan est affalé sur son lit, son téléphone dans les mains. La dernière fois que je suis venue ici, on s'est disputés et on a rompu. Aujourd'hui, je ne réfléchis pas. J'ai grandement besoin de réconfort, et Adan semble l'avoir compris. Je ferme la porte derrière moi. Il se relève à peine quand j'avance vers lui. Il ouvre grand ses bras et je viens m'y glisser, en larme. Je n'ai pas honte de pleurer devant lui. Il ne dit rien et me caresse les cheveux du bout des doigts. Je relève la tête face à lui. Il paraît triste de me voir dans cet état, mais ne pose pas de questions. Je le remercie intérieurement.

-        Je suis là, Lia, je suis là. Chuchote-t-il.

Nos lèvres se scellent automatiquement.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 18, 2020 ⏰

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Los Salvadores, tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant