Recueil de one-shot

Pensées

Ecrit le 28 mars 2020. Bonne lecture !

La nuit était là. Morphée avait déjà emporté son amant mais l'avait laissé elle. Ses pensées l'empêchant de simplement se laisser étreindre de ses bras réconfortants. Alors elle se leva pour enfiler ses sous-vêtements en dentelle, pris une cigarette dans le paquet qui était à l'entrée et sortie sur le balcon pour fumer. La faible lumière de la flamme du briquet éclaira son visage vide. Portant la cigarette à ses lèvres, elle s'appuya sur le rebord du balcon et observa les lumières de la ville percer l'obscurité. L'image de femme fatale qu'elle entretenait depuis des années, disparue pour laisser place à la véritable elle. Une jeune femme paumée, triste, en manque d'affection et encore à la recherche d'un sens à sa misérable vie. Oui. Tout ce qu'elle voulait, c'était être aimé pour ce qu'elle était mais voilà des années qu'elle n'affichait plus qui elle était en public. Tout ce qu'elle voulait, c'était se sentir aimer et désirer, ne serait-ce le temps de quelques coups de reins. Se sentir belle aux yeux de quelqu'un. C'était tout ce qu'elle voulait. Être simplement heureuse mais ses pensées l'en empêchaient. Volant son sommeil, volant les instants censés être heureux, volant son bonheur. Ses pensées la torturaient depuis son adolescence et ne lui laissaient aucun répit. « Suis-je à la hauteur ? Va-t-il me rappeler ? Pourquoi ne m'envoie-t-il pas de messages ? Je suis si oubliable que ça ? Pourquoi ne me rappelle-t-il pas ? Pourquoi... Pourquoi est-ce qu'il est avec une autre ? J'ai fait quelque chose de mal ? Pourquoi est-ce qu'on ne me regarde pas ? Pourquoi on m'efface du jour au lendemain ? ». Son cœur se serra et elle porta machinalement une main à son œil gauche pour y noyer la larme qui se formait au fur et à mesure que sa cigarette se consumait entre ses lèvres. Inspirant un grand coup l'air frais de la nuit, elle ferma les yeux et profita du silence qui avait pris place à cette heure si tardive. « Tout va bien aller... Tu as au moins quelques personnes dans ce monde qui tiennent à toi... On ne les compte que sur les doigts d'une main mais c'est déjà ça... ». Son cœur se serra et sa main trembla alors qu'elle écrasait la cigarette dans le cendrier. La solitude l'a pris dans ses bras dans une étreinte déchirante. Une. Une personne. C'est tout ce qu'elle avait pour elle. Si peu. Elle n'avait marqué qu'une personne dans sa vie. Une personne qui ne la forçait pas à envoyer le premier message pour avoir des nouvelles. Sa meilleure amie. Mais là encore... « Je suis sûr que je l'ennuie à toujours n'avoir que des soucis... Elle serait plus heureuse sans moi... ». Ses pensées s'étaient déjà occupées de faire de cette femme qu'elle aimait tant, une souffrance inimaginable. Elle ne pouvait plus profiter d'un instant tranquille, ses pensées étaient toujours là pour gâcher le moment. « Je suis sûr qu'elle a mieux à faire que discuter avec moi... J'ai vu que tu étais connectée mais tu dois être trop occupé pour m'envoyer un message... Parlons plutôt d'elle, elle a mieux à faire qu'écouter mes petits problèmes débiles... ». Elle soupira en reniflant, passant ses mains sur son visage. Elle inspira et expira profondément de nombreuses fois. « Tout va bien aller... Pense à des choses positives... ». Elle n'arrivait plus à avoir de bonnes pensées, les mauvaises les avaient saccagés, anéantis pour ne laisser place qu'à de la douleur. Une douleur si vive qu'elle en oppressait sa poitrine à chaque vision d'un ou d'une autre autour de cette personne si spéciale à ses yeux. La possessivité posa une main affligeante sur l'épaule nue de la jeune femme. « Pourquoi je ne peux juste pas la laisser vivre sa vie avec d'autres ? Elle ne m'appartient pas ! Arrête ! Arrête de te sentir mal en lisant les commentaires de ses stupides photos ! Arrête de te sentir mal en voyant tous ses gens qui l'aime alors que toi... Alors que toi, tu n'as qu'elle... ». Elle ne savait plus quand était la dernière fois qu'elle s'était senti bien. Simplement heureuse, avec ses pensées éteintes, captivées par autre chose... C'est alors qu'elle s'en souvint. Cette période de sa vie, encore plus médiocre qu'aujourd'hui mais où, à de rares occasions, elle était simplement heureuse et où elle riait ne serait-ce un peu. Son passage au lycée. Elle se souvint de tous ses webtoons qu'elle lisait pour oublier la solitude, de ses mangas qu'elle achetait par dizaines pour se prouver à elle-même qu'elle était une otaku, de ses t-shirts de geek qu'elle portait avec simplement un jean et un sweat pour montrer aux gens qu'elle aimait la pop culture et qu'elle accepterait volontiers d'en discuter, de ses animés qu'elle regardait entre deux messages de sa meilleure amie. Ce sentiment chassa les autres et de manière réconfortante, la passion la serra avec nostalgie. Elle prit alors une décision. Elle se rhabilla, laissa le jeune homme endormi dans le lit et prit le chemin pour rentrer chez elle. Elle allait revivre cette époque et allait regarder un animé qui ferait taire ses pensées. Elle allait se laisser être elle-même à nouveau, peu importe son futur qui s'achèverait à peine quelques minutes après qu'elle quitta l'immeuble de son amant. Elle regarderait son animé favori, celui qui l'avait le plus touché, le plus fait rire. Mais la Mort s'abattue sur elle, la ramenant violemment à la réalité lorsqu'elle vit sa triste vie passer sous ses yeux alors que son corps lui, passait au-dessus de la voiture de l'homme saoul. « Vraiment... Il faut croire que le monde se portera mieux sans moi... » était sa dernière pensée alors qu'elle fermait définitivement les yeux.