Son corps est toujours engourdi. Ses blessures ne lui font plus mal mais il a peur qu'elles soient plus graves qu'il ne le pense. Après tout, ce n'est pas parce qu'il ne sent rien que tout va bien.
Il soupire.
À sa droite, Max est effondré; même son excès de caractère ne peut pas camoufler à quel point il a l'air misérable. Enfin, il comprend.
Daniel n'est pas mort.
Il a dû ... a dû faire semblant afin de rejoindre Lewis. Ou a-t-il été sauvé par Lewis ? Pierre ne sait pas quelle version est la bonne. Pendant un instant, il oublie presque la situation à laquelle il fait face.
Être de retour à la base lui donne des frissons. Il est toujours de ce monde, contrairement à qui avait été commandité et il ne sait surtout pas qui est au courant et qui ne l'est pas. Chaque regard qui glisse sur lui lui donne des frissons.
Lando le prend en charge, panse ses blessures. La magie accélère la guérison mais ne fait pas disparaître totalement ses plaies.
La peau de son bras a été mise à mal. L'effet de son propre pouvoir. C'est peut-être le plus difficile à soigner au vu de la grimace sur le visage du plus jeune.
— Retenez-les !
— Vite !
Les cris dans le couloir le font se redresser. Il échange un regard avec Lando qui s'est figé.
— Pierre ... je n'ai pas fini de te soigner. Reste-là.
Des bruits de heurt leur parviennent d'ici. Il a un très mauvais pressentiment. Le genre qui lui dit d'aller voir immédiatement. Il se lève.
— Pierre ...
Il sort de l'infirmerie en quelques enjambées. Ses pas le mènent jusque dans le hall où un attroupement s'est formé. C'est de là que vient tout le brouhaha. Il pousse plusieurs personnes, les écarte pour voir ce qui se passe.
Max et Charles se battent au centre. Sans utiliser leurs pouvoirs.
— Pourquoi est-ce que tu devais faire ça ?! Fils de pute !
Les insultes que crie le néerlandais sont fleuries. Il comprend tout de suite qu'il lui rend des comptes. Que c'est à propos de Daniel, comme cela l'a été bien souvent.
Ses yeux s'écarquillent quand il réalise que personne ne va interrompre leur combat. Il ne réalise même pas qu'il a commencé à leur crier d'arrêter de se battre.
Il se jette entre eux. Charles s'arrête à temps mais Max a le temps de lui offrir un coup qu'il pare avec son bras. Mauvais bras. La douleur fluctue immédiatement et il serre les dents pour ne pas crier, pour rester impassible.
— Arrêtez bon sang ! Arrêtez ! Qu'est-ce que vous faites ...
Max se laisse glisser jusqu'au sol, le corps secoué par ses sanglots, toute rage maintenant disparue pour laisser place à une douleur trop visible.
— Pourquoi est-ce que tu devais faire ça, Charles ... pourquoi ? Tu pouvais avoir tous ceux que tu voulais pourquoi lui ...
Le monégasque lui envoie un regard meurtrier, le tenant responsable pour le fait que le néerlandais sache l'information, pour cette dispute, ce combat. Pierre se sent coupable au fond. Vraiment. En voyant, Max au sol, ne ressemblant à rien de plus qu'un enfant perdu, il regrette beaucoup de choses.
— Pourquoi est-ce que tu lui as dit ? murmure son ami d'enfance, furieux.
Une réponse s'apprête à sortir de ses lèvres, à vrai dire il ne sait pas lui-même; ils sont interrompus avant.
— Pierre, je t'avais dit de ne pas- ... ton bras !
Chair abîmée. Il n'ose pas trop regarder. Il sent Lando se saisir de son membre avec douceur avant de soupirer.
— Quel preux chevalier, je te jure. Je te ramène.
Le dernier regard qu'il a sur la scène c'est la mine effarée de Charles alors que ses yeux se sont posés sur sa blessure. Si terrible que ça ? Il n'est pas sûr de pouvoir supporter la vue alors il laisse juste leur soigneur s'occuper de cette plaie-ci.
Daniil attend à l'entrée de l'infirmerie, avec un air impassible, mais lui sait très bien la raison de sa venue. Ils doivent l'extraire.
— Ramasse tes affaires, enclenche ça quand tu as fini. Dépêche-toi, je ne sais pas combien de temps il faudra à la Congrégation avant qu'elle ne remarque ton retour et l'absence de Kevin. On ne veut pas te perdre pour une erreur stupide, regarde ton état ...
— Je serais probablement moins utile mort, c'est vrai, il répond froidement, s'attirant une œillade surprise de son coéquipier.
Ce dernier secoue la tête et fourre dans sa main un dispositif, qui ressemble fortement aux bracelets qu'ils enfilent pour partir en mission.
— Non ... je n'aurais pas passé autant de temps ... tu comptes pour moi. Tu es mon ami, et c'est très rare de pouvoir dire ça dans ce monde pourri.
Son regard croise celui brun de son camarade qui ne dit rien de plus et trace sa route. Il veut le retenir puis se souvient de sa propre situation. Mieux vaut ne pas s'attarder. Nico a salué son entêtement et sa bêtise; mais Pierre n'est pas pour autant suicidaire.
Il quitte donc la Congrégation. Il voulait faire ses au revoir correctement à Charles, il voulait lui parler, mais l'incident d'aujourd'hui l'a convaincu de ne pas le faire. Alors il est temps d'y aller.
De dire adieu à ces années passées ici.
Sans jamais regarder en arrière.
Il a juste un sentiment de déjà-vu. Il accroche le bracelet donné par Daniil à son poignet et quitte la Congrégation pour son appartement. Il ne sait pas quel statut va lui être donné ?
Disparu ? Traître ?
Il emballe ses affaires à la va-vite. Le minimum. Ce à quoi il tient vraiment, qui lui appartient vraiment, dans cet appartement vide, dénué de personnalité, qui lui a été offert de même qu'avec son étiquette de super-héros.
Un sac-à-dos sur les épaules, il jette un dernier coup d'œil autour de lui, vérifiant qu'il n'ait rien oublié.
Ouvrir la porte.
Et se retrouver face à Charles.
— Pierre, je voulais- ... tu vas quelque part ?
Il a un moment d'hésitation clair. Où il ne sait pas quoi dire. Après tout ce n'est pas comme si sa position était réellement défendable mais peut-être est-ce le moment ... de partir sans regret.
— Je m'en vais.
— Oui. Je veux dire, je vois bien. La question c'est où. Où est-ce que tu vas, mon cœur ?
Le surnom lui fait grincer des dents mais il est résolu.
— Tu sais, je t'aime plus que ce que je devrais, Charlie. Et je sais à quel point tu es attaché à tes valeurs - tu ressembles tellement à Max sur ce point, même si tu refuses de l'admettre -, c'est pourquoi je ne te demanderais pas de me suivre.
La main du monégasque se pose sur son bras alors qu'il affiche une mine inquiète, ne comprenant probablement pas. Pierre sourit doucement, sentant l'air caresser sa peau.
— Je t'ai suivi longtemps, je ne voulais jamais te laisser, je ne pouvais pas te quitter, mais je dois me faire à l'idée qu'on a nos propres choix à faire. Pardon.
Il s'avance et ose - oh il ose plus qu'il n'a jamais osé! - et pose ses lèvres sur celles de Charles. Le baiser n'est pas long, la sensation est éphémère. C'est mieux ainsi, sûrement.
— Au revoir, Charles.
Il enclenche le bracelet.
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Pierre s'en va enfin, il a décidé de rejoindre le côté de Lewis ... voilà aussi sa confession à Charles, qui pour le moment ne mène à rien ...
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far from what we were
Fanfiction"Vous êtes des héros", ils nous ont dit pour la première fois quand nous étions à peine des enfants. "Vous êtes des héros", ils nous ont répétés pour justifier le fait que nous risquions nos vies. "Vous êtes des héros", ils ont clamé quand certains...