9 mars 3651

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Bon, c'était censé être une dystopie mais c'est devenu... ben pas grand-chose pour être honnête. J'en suis moins fière que celui d'avant... Bref bonne lecture !

*** 

9 mars 3651 : Aujourd'hui, nous allons mourir.

J'avance d'un pas, lève mon pied et m'engage enfin sur l'échelle. Pendant toute l'ascension je me répète intérieurement de ne pas regarder en bas malgré le vertige qui me pousse à baisser les yeux. Mes mains s'accrochent désespérément sur les barres comme si chacune d'elles étaient un nouvel espoir qui grandissait en moi. Je pose mon pied, pousse sur ma jambe et reprend de l'altitude. Je ne compte pas les marches au risque de me décourager et ne regarde pas non plus en haut. L'envie me tord les poumons et m'empêche de respirer mais je tiens bon. J'avance. Ou plutôt je monte. Le ciel est sans étoiles, il n'y a que des nuages noirs et gris à l'horizon, de quoi bien déprimer. Mais ce n'est pas le ciel qui va m'arrêter, ni l'alignement des astres ou quelconque connerie dans ce style. Une voyante m'aurait pris ma main, fait un rapide calcul avec la phase actuelle de la lune et mon anniversaire mais le résultat sera le même : renonce. Je ne lui ferai pas ce plaisir, non. Jamais. J'attrape une autre barre mais ma main est couverte de crotte de pigeon. Sales créatures, rappelez-moi de les maudire une fois arrivée au bout. Mes doigts collent c'est tellement dégueulasse que je ne peux même pas regarder ma main. Puis quelques minutes plus tard je suis enfin en haut.

A cette altitude on a une vue parfaite sur tout Paris. Ou plus précisément les ruines de Paris. Au nord, le Sacré-Cœur dont il ne reste que le souvenir sur les cartes postales. A l'ouest la Tour Eiffel s'arrête au deuxième étage. Le troisième est tombé lors de la Quatrième Guerre. Dans les livres d'histoire elle est aussi appelée la Guerre du Chaos. Voir la Tour Eiffel tomber a été un choc pour tous les français apparemment. Elle était comme le symbole de la force de la France. Moi je m'en fous je suis née après la chute de la Tour, pendant l'épidémie de Mandéria. Je suis bien d'accord avec vous, le nom c'est de la merde, mais ce sont les scientifiques qui l'ont choisi. Ma mère en est morte juste après ma naissance, et de ce qu'on m'a dit c'est le chagrin qui a tué mon père un an après. Je me suis sentie vexée quand on me l'a dit, ce con n'a même pas pris la peine de rester en vie pour prendre soin de sa fille qu'il meure à ses 1 ans et 2 mois. Je devrai être triste. La ville est en ruine, mes parents sont morts, je peux entendre votre pitié du haut de ma tour. Mais non, je ne suis pas triste, parce que ça ne change rien. Ça ne changera jamais rien de pleurer.

- Tiens, la ville est plus belle qu'avant non ?

Léo est déjà arrivé sur la tour et observe Paris avec des yeux plein de nostalgie. Le pire c'est qu'il a raison : ils ont pris la peine de nettoyer les restes de la Tour Eiffel et de repeindre la tour restante de Notre Dame. Les lumières sont même un peu plus vives que les autres nuits.

- Les pauvres, je renchéris. Ils ne s'attendent sûrement pas à mourir demain.

La bonne humeur de Léo disparait soudain. Oui, c'est habituel chez moi de ruiner l'ambiance. Il s'adosse à la rambarde et je profite du silence pour essuyer ma main sur mon tee-shirt. C'est mon seul tee-shirt à peu près propre qui me reste, les autres sont tachés de sang et de poussière. Malheureusement son heure est passée. Léo allume une cigarette.

- Tu vas me faire le plaisir de jeter cette... horreur... avant que je ne te jette moi-même de la tour !

- Calme-toi Sara, j'ai besoin de me détendre. (Il marque une pause) et puis si on meure demain quelle importance ?

- Tu mourras l'esprit libre. Cette cigarette te ruine les poumons et affecte ton caractère.

Il soupire et la jette au loin. Il me lance un regard l'air de dire « contente ? » mais je ne lui fait même pas un sourire. Je ne sais même pas pourquoi nous nous arrêtons.

- On attend quoi au juste ? Pourquoi on ne fonce pas de l'autre côté ?

Il hausse les épaule et mes écouteurs changent de musique. Je ne la reconnais pas, je ne cherche pas à savoir ce que c'est tellement la musique s'est développée merdiquement ces vingt dernières années. Demain rien aura changé. Sauf que demain ce sera la guerre. La sixième. Celle menée par les rebelles. Et cette fois-ci personne n'en sortira vivant. Personne ne peut le nier, ni moi ni Léo ni même mes parents morts. Et moi je fuis la guerre, comme la grosse lâche que je suis. Néanmoins assumer que je suis une lâche ne serait pas en même temps une certaine preuve de courage ? Je secoue la tête pour en faire évader mes pensées philosophiques et reprend mon observation du paysage. Léo ne dit plus rien. Il doit penser à son frère, tué par des policiers un peu bourrés trois ans plus tôt ou au jour où nous avons décidé de fuir. C'était avant même que nous apprenions qu'une guerre allait avoir lieu.

Paris est entièrement entourée de grillages, eux-mêmes surmontés par des tours de contrôle. Tour dans laquelle nous sommes maintenant. Mon poignet est toujours en sang après avoir enlevé ma puce il y a deux heures. Léo a fait la mienne et j'ai fait la sienne pour éviter de perdre du temps. Normalement, quand nous passeront les grilles, ça ne sonnera pas, et nous seront enfin libres. Sauf que Léo commence à douter. Et je hais quand il doute. Ça le fait fumer, et il gratte constamment son genou – un jour il s'est tellement gratté le genou qu'il était en sang. Avant qu'il ne fasse je ne sais quelle connerie j'attrape son bras et le force à me regarder.

- Pas de regrets, je déclare en le fixant droit dans les yeux.

- Pas de regrets, répète-il avec une petite voix.

Je lâche son bras, il est couvert de crotte de pigeon maintenant, mais peu importe. Nous avons tellement l'habitude la saleté, après tout nous dormons dans une cave avec pour compagnie nos amies les araignées. Je grimace. Bientôt ce ne sera qu'un souvenir.

Léo me fait un vague sourire que je lui rend en essayant de paraitre un peu plus sûre de moi. Je donne un grand coup de pied dans une porte et elle s'ouvre dans un grincement insupportable. Après avoir vérifié que personne ne nous observe je m'engageais déjà de l'autre côté du grillage. La descente fut plus rapide que la montée et moins douloureuse mais les tours s'allumaient une à une derrière nous. Nous sommes repérés. Léo attrape ma main et me fait un de ces grands sourire qui me donne envie de lui donner un coup de poing dans la face.

- On se retrouve en enfer !

- On fera la fête tous les jours, hein ?

- Sauf le jeudi, soirée réservée pizza bières devant les pires comédies romantiques !

Je ris derrière mes yeux qui commencent à s'embuer. Puis nous nous mettons à courir. Derrière le grillage. Derrière Paris. Derrière tout ce que nous avons connu.

9 mars 3651 : aujourd'hui, nous fuyons. 

Let's be weidos together !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant