Chapitre 2 - Clémentine

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Clémentine examinait son reflet dans le miroir. Ce soir, elle serait de nouveau mariée. Elle était seule dans la maison. Maxime avait insisté pour qu'ils passent leur dernière nuit de célibataires séparément. Elle avait beau trouver ça ridicule, elle l'avait laissé faire à sa guise, il avait donc passé la nuit dans la chambre d'amis chez ses parents (car son ancienne chambre était désormais celle de son petit frère). C'est Maxime qui avait eu le dernier mot pour à peu près tout. De la date au choix de la salle, de l'animateur de la soirée au traiteur, elle l'avait laissé décider. Ce mariage était beaucoup plus important pour lui que pour elle. Le beau mariage en blanc de ses rêves de petite fille, elle l'avait déjà eu vingt-cinq ans auparavant. Elle savait maintenant que le mariage ne fait pas le couple. Les petites filles ne rêvent pas de divorce. Mais c'était un rêve aussi pour Maxime, qu'elle n'avait pas le cœur de briser. Alors voilà où elle en était, un samedi midi de décembre, le grand jour, tout juste sortie de la douche, à se préparer pour ses noces. Rebelote.
Un coup de sonnette inattendu la sortit de sa rêvasserie. Elle se débarrassa de la serviette qui épongeait sa chevelure fraîchement shampouinée, laissant les longues mèches brunes retomber sur ses épaules, puis resserra sa ceinture pour ajuster son peignoir sur son corps mince. Elle n'attendait personne. Devant la porte, elle colla son œil au judas et soupira en découvrant sa presque belle-mère et sa presque belle-sœur de l'autre côté.
— Qu'est-ce que vous faites là ? leur demanda-t-elle en ouvrant.
— Tu n'es pas encore habillée ?! s'étonna Chloé.
Judith, euphorique, avec ses yeux de chat et son sourire rieur, la prit dans ses bras.
— C'est Maxime qui vous envoie ?
Mère et fille échangèrent un regard coupable.
— On ne pouvait pas te laisser toute seule ! se justifia Judith.
— Garance ? s'enquit Chloé. Je pensais qu'elle serait peut-être avec toi ce matin.
Clémentine haussa les épaules.
— J'espère qu'elle va venir. Elle a dit qu'elle viendrait.
En choisissant d'aimer Maxime, Clémentine s'était éloignée de sa fille. Le divorce d'avec son père – Olivier –, avait déjà été dur à encaisser pour Garance. Elle n'avait jamais imaginé que ses parents puissent se séparer. Ne plus s'aimer. Mais passé la surprise elle s'y serait fait, après tout à dix-sept ans à l'époque elle était presqu'adulte, elle aurait pu comprendre. Comprendre aussi que sa mère ait un amant, ou tombe amoureuse d'un autre homme, pourquoi pas. Mais Maxime. Son Maxime. Elle ne leur avait jamais pardonné, ne le ferait jamais.
Maxime avait rencontré Garance et Clémentine la même année, alors que la petite famille venait de s'installer à Sète. Garance, du même âge que lui, était aussi en classe de terminale S. Ils avaient sympathisé, se plaisaient, flirtaient. Ou du moins c'est ce que la jeune fille avait cru. Olivier leur enseignait les mathématiques, et Clémentine, le sport. En plus de ça, Clémentine donnait des leçons privées à Maxime qui s'entraînait en vue d'un semi-marathon. Garance n'avait rien vu. Quand la vérité éclata, quand le monde découvrit qu'une prof du lycée Paul Valéry de Sète, mariée, entretenait une liaison avec un de ses élèves, Garance eut le cœur brisé deux fois. La trahison de sa mère était plus douloureuse encore que celle de Maxime.
Personne n'avait compris, personne. Surtout pas leurs proches. Sauf peut-être Judith. L'adolescente à l'époque avait toujours soutenu son frère, même s'il s'était mis dans une situation qu'elle ne cautionnait pas.
Contre toute attente, le couple décida de vivre au grand jour son amour, sans se cacher, surtout une fois le divorce de Clémentine prononcé et la majorité de Maxime atteinte. Dès qu'ils furent du bon côté de la loi, les commères se lassèrent et ils cessèrent d'être pointés du doigt par tout Sète.
Les parents de Maxime étaient des êtres infiniment gentils. Au début ils essayèrent de le raisonner, mais quand ils réalisèrent que c'était peine perdue, ils l'écoutèrent et acceptèrent son choix. Mais ils ne se contentèrent pas de laisser Maxime vivre sa vie, ils firent beaucoup plus que cela : ils accueillirent Clémentine au sein de leur famille. Comme la belle-fille qu'ils avaient imaginée et espéraient pour leur fils, et peu importe qu'elle ait leur âge. Parfois elle n'en revenait pas. Au début, profondément mal à l'aise, elle les côtoyait uniquement pour faire plaisir à Maxime, mais maintenant elle considérait Chloé comme sa plus proche amie. La mère de Maxime avait compris que l'amour qu'elles portaient toutes deux au jeune homme leur faisait un point commun, intarissable sujet de confidences.
Ainsi, bon an mal an, le clan Delcourt au grand complet leur donnèrent une chance. Pas Garance. Certes sa colère s'était adoucie avec les années, et après des mois de silence elle avait fini par reparler à sa mère, par peur sans doute de regretter un jour qu'il soit trop tard. Mais le lien qui les unissait avant était définitivement rompu. Dorénavant elles étaient deux adultes avec dans les veines le même sang, qui se regardaient vivre sans jamais se comprendre.
Chloé était de nature optimiste. Elle réconforta Clémentine.
— Allez ! Je suis sûre qu'elle ne manquera pas ça !

Et s'aimer encore  (Demain nous appartient - Clemax - NOUVELLE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant