Chapitre 2 - L'indépendante

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Mackenzie Woods, que tous ses amis surnommaient Mack, émergea péniblement après sa nuit agitée. Quelle idée de vouloir parier à qui boirait le plus avec Peter ! Elle avait certes gagné mais elle s'en tirait avec une énorme gueule de bois et une migraine carabinée qui ne disparaitrait pas avant quelques heures et, sans doute, un repas copieux. Elle jetta un oeil sur Peter qui dormait profondément de l'autre côté de la pièce. Il serait tout aussi mal qu'elle au réveil, elle en était sûre et cela la fit sourire malicieusement. Après tout, c'est lui qui l'avait défiée, encore une fois, et il fallait qu'il en subisse aussi les conséquences. Peter était son meilleur ami depuis l'enfance. Elle le considérait comme un frère. Ils avaient fait les 400 coups ensemble et s'étaient soutenus dans les moments difficiles. Les parents de Mack étaient décédés dans un accident alors qu'elle n'avait que 6 ans. Les parents de Peter, qui étaient très amis avec les siens, l'avaient alors recueillie et élevée comme si elle était leur fille. Dans la communauté où elle était née, les gens disposaient de peu de moyens mais tout le monde s'entraidait et était solidaire en cas de besoin. Mack vivait dans un ghetto en périphérie de la ville de Crangton, un ghetto sans nom qui réunissaient ceux qui avaient refusé de porter la montre. On les appelait les indépendants mais ils étaient plutôt considérés comme des anarchistes voire des terroristes dont le seul but était de renverser le pouvoir en place. Cette vision faisait beaucoup rire Mack. Aucun des habitants du ghetto n'avait la moindre envie de s'attaquer aux villes. Ils étaient tous bien trop occupés à s'organiser pour vivre correctement et n'avaient pas le temps ni l'envie de s'intéresser à ce qui se passait ailleurs. Et qui plus est, ils étaient surveillés de près avec l'interdiction de quitter un certain périmètre et donc, de s'approcher des villes, particulièrement Crangton. Les autorités américaines leur laissaient la "liberté" de se gérer eux-mêmes tout en gardant un contrôle sur leurs vies. Mack n'avait pas choisi cette vie. Elle était née dans le ghetto quelques mois après l'arrivée de ses parents. En 2020, ses parents avaient refusés le port de la montre quand il avait été rendu obligatoire au nom de leur liberté et du respect de leur vie privée. Suite à une nouvelle loi, ils avaient finalement été, comme d'autres, déportés, sans retour en arrière possible, sur un terrain que le gouvernement leur avait "offert" à la condition qu'ils n'en sortent pas. D'ailleurs, en plus des militaires qui patrouillaient dans la zone, des grillages électrisés avaient été dressés autour de leur "ville" et quiconque tentait de s'échapper risquait de mourir électrocuté. C'était déjà arrivé et personne ne se risquait plus à tenter une quelconque sortie. Ils étaient une centaine à vivre dans le ghetto. Les parents de Peter, lorsqu'ils étaient encore en vie, pensaient que le gouvernement s'attendait à ce que leur ghetto s'enfonce dans l'anarchie et que tous finissent par s'entretuer ou par mourir faute de réussir à survivre, ce qui leur aurait ôté un épineux problème. C'était d'ailleurs probablement ce qui était arrivé dans d'autres ghettos mais aucun information ne filtrait à ce sujet. Quoiqu'il en soit, eux avaient réussi à s'organiser et à mettre en place une communauté qui s'auto-suffisait et qui vivait correctement. Mack avait appris lorsqu'elle était adolescente que c'est son père qui avait contribué à l'organisation de la vie au sein de la nouvelle société qu'ils formaient. Il avait composé un conseil de 10 membres choisis sur vote par les autres pour mettre en place de nouvelles règles. Il n'y avait pas de dirigeants, toutes les décisions courantes étaient prises par le conseil et les plus importantes votées par tous les habitants. Dans un premier temps, ils avaient divisés les habitants en 4 groupes et chacun était affecté à une groupe en fonction des compétences dont il disposait. Les bâtisseurs avaient été chargés de construire des habitations et lieux de vie communs. Les cultivateurs-chasseurs étaient chargés de l'approvisionnement en nourriture. Les formateurs, souvent les plus âgés, avaient pour objectif de transmettre leurs connaissances aux plus jeunes. Et enfin, les gestionnaires étaient chargés de gérer la vie quotidienne de la communauté : préparation de la nourriture, distribution des biens de premières nécessités comme les vêtements, soins aux malades etc. Une fois la répartition établie avec l'accord de l'ensemble des habitants, le premier conseil des 10 avait été dissout et chaque groupe avait voté pour élire 2 représentants qui formeraient un nouveau conseil de 8 membres cette fois-ci. L'architecture de la communauté telle qu'elle avait été pensée à ses débuts n'avait alors plus bougé. Les bâtisseurs continuaient à développer les infrastructures, les cultivateurs-chasseurs à nourrir la population, les formateurs à enseigner la "survie" et les gestionnaires à organiser la vie de la communauté. Le père de Mack était membre des gestionnaires et élu au conseil. Il était chargé de gérer les ressources de la communauté, s'assurait que la répartition se faisait de manière équitable et veillait à ce que le ghetto dispose de vivres suffisantes notamment en hiver. Il y avait bien sûr eu des tensions au cours de ces 25 années passées au sein du ghetto mais les problèmes avaient toujours été résolus au nom du bien commun. La mère de Mack était infirmière dans sa vie avant le ghetto et, faute de médecin, elle était devenue la "soignante" de la communauté. Elle faisait parti du groupe des formateurs car il était indispensable qu'elle puisse transmettre ses compétences "pour au cas où il lui arrive quelque chose" comme elle le disait. Et c'est 6 ans plus tard que le drame s'était produit. Un incendie avait ravagé la "clinique", bâtie en bois, où elle soignait les habitants. Elle était restée coincée sous une planche à l'intérieur et son père avait voulu aller la sauver. Ils étaient morts tous les deux. Sous les yeux de Mack. C'est là que la famille de Peter l'avait adoptée.

Apocalypse (En Pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant