Chapitre 3 - La fin d'un monde

405 15 0
                                    

Taylor ouvrit difficilement les yeux en gémissant de douleur. Elle avait l'impression d'avoir été rouée de coups tant son corps lui faisait mal. Sa gorge était sèche, elle avait un goût de cendres dans la bouche. Elle bougea les jambes puis le reste de son corps soulagée de constater qu'elle n'avait visiblement rien de cassé. Elle savait qu'elle était restée inconsciente mais ignorait combien de temps. Le couloir dans lequel elle se trouvait était plongé dans la pénombre et elle ne distinguait presque rien autour d'elle si ce n'est des débris. Machinalement, elle porta une main à son front douloureux et étouffa un cri en sentant un liquide poisseux coller sous ses doigts. Du sang sans aucune doute. Elle avait visiblement reçu quelque chose sur la tête qui lui avait causé une blessure ouverte. Mais elle n'avait pas le temps de s'en inquiéter pour l'instant. Il fallait qu'elle sache si certains avaient survécus et surtout, qu'ils sortent de là au plus vite. Elle se leva péniblement, prise de vertiges et se sentant nauséeuse. Elle espérait que le choc ne lui avait pas causé un traumatisme cranien, elle ignorait si quelqu'un serait encore en mesure de la soigner tant la catastrophe qui les avaient frappés semblait importante. Une fois levée, appuyée contre ce qui restait d'un mur pour se maintenir en équilibre, elle eut le réflexe de regarder sa montre pour avoir des informations. Celle-ci semblait encore marcher mais elle n'émettait plus aucun signal. Elle pesta. Pour une fois qu'elle en avait besoin, elle ne fonctionnait pas ! Elle soupira. Peut-être les connections satellites étaient-elles en panne ? Elle espérait, si c'était le cas, que ce serait vite réparé. Elle pourrait alors activer un signal de détresse intégré à toutes les montres qui indiquerait aux secours sa position exacte. Elle n'aurait alors plus qu'à attendre leur arrivée sachant qu'en tant que médecin, elle apparaitrait comme une victime prioritaire. En attendant, il fallait qu'elle fasse quelque chose. Elle fit quelques pas en tentant de s'habituer à l'obscurité qui l'entourait. Il lui sembla distinguer une masse à quelques pas d'elle, la silhouette de quelqu'un sans aucun doute. Elle s'en approcha et s'accroupit vers le corps en espérant que la personne serait simplement inconsciente comme elle-même l'avait été. Quand elle distingua le visage dans la pénombre, son coeur fit un bond et sa gorge ne noua. John Gravers. Elle posa les doigts sur son cou pour chercher son poul et réprima un sanglot. Son mentor était mort. Elle se releva comme sonnée. Malgré la douleur que cette perte lui infligeait, elle ne pouvait pas rester là sans rien faire. Il y avait peut-être des personnes encore en vie qu'elle pouvait aider. Elle eut une idée. Elle saisit le poignet déjà presque froid de John et regarda sa montre avec espoir. Mais comme la sienne, si elle semblait encore en état de marche, elle n'émettait plus aucun signal. Il allait falloir qu'elle se débrouille par elle-même, elle savait que sa survie en dépendait. Elle ignorait quoi faire, quelle était la marche à suivre si de tels évènements se produisaient, elle n'avait pas été formée pour ça :

- Est-ce que quelqu'un m'entend ? tenta-t-elle

Seul un silence assourdissant lui répondit. Elle regarda alors autour d'elle et il lui sembla apercevoir une lueur à l'autre bout du couloir. Une sortie peut-être ? Elle se dirigea péniblement vers l'endroit en s'appuyant au mur pour ne pas tomber tant ses vertiges redoublaient d'intensité. Des pans entiers de murs étaient tombés, il ne fallait pas qu'elle chute, elle n'était pas sûre de réussir à se relever. Elle avait la sensation que ses jambes ne la porteraient pas très longtemps et que sa seule chance pour être retrouvée en vie était de sortir d'ici et de trouver du secours par elle-même. Elle apperçu une autre silhouette quelques mètres d'elle. Un médecin de son équipe qu'elle appréciait beaucoup. Sans grand espoir, elle prit son poul et à nouveau son coeur se noua. Une autre victime. Et encore une fois, sa montre n'émettait aucun signal. Taylor reprit son chemin en espérant qu'une fois à l'extérieur de l'hôpital, elle trouverait d'autres personnes encore en vie. Elle ne pouvait pas être la seule survivante, c'était tout simplement impossible. Elle ne s'était pas trompée, la lueur qu'elle avait apperçu donnait bien sur l'extérieur. Elle s'engouffra dans le trou béant causé par l'une des explosions. Il donnait droit sur la rue. Dès qu'elle vit l'extérieur, elle se figea devant la vision apocalyptique qui se dressa devant elle. La ville était ravagée. Les rares immeubles encore debouts avaient prit feu et de longues trainées noires se dessinaient sur leurs façades. Partout, des bâtiments effondrés, des carcasses de bus et de quelques voitures d'officiels gisaient ici et là, carbonisés. La rue elle-même était détruite comme après un tremblement de terre. Et partout des cadavres de personnes n'ayant pas eu le temps de fuir et de s'abriter quelque part. Taylor ne pu retenir les larmes qui s'écoulèrent silencieusement sur ses joues. Tout son monde venait de s'effondrer. Elle fit quelques pas dans la rue dont le silence total lui laissa présumer le pire. Combien avaient pu survivre à une telle catastrophe ? Crangton avait-elle été la seule ville touchée ? En déglutissant, elle s'approcha d'un des cadavre. Totalement brûlé, il était méconnaissable et même en tant que médecin, elle ne pu retenir un haut le coeur face au spectacle. Plus loin, une autre personne gisait. Elle ne semblait pas avoir été brûlée et Taylor eu un vague espoir. Elle s'avança et retourna le corps. Des yeux vides la fixèrent. Mort également. Mais rapidement, son instinct de médecin prit le dessus. La personne ne semblait pas avoir de blessures apparentes et après un rapide examen, Taylor constata qu'en effet, aucune plaie ne couvrait le cadavre. De quoi était-il mort alors ? Intriguée, elle regarda autour d'elle. Plusieurs personnes jonchaient le sol et si certains étaient morts brûlés ou blessés par les débris de l'explosition, d'autres ne semblaient présenter aucune blessure. Et pourtant, aucun d'entre eux ne bougeait. Elle examina plusieurs personnes et son constat fut le même pour tous : ils étaient décédés sans qu'aucune cause "physique" ne puisse expliquer pourquoi. C'était comme si leur coeur s'était soudainement arrêté de battre pour une raison qu'elle ne pouvait pas expliquer. Seule une autopsie le pourrait d'ailleurs mais il n'y en aura pas avant un long moment, elle en était certaine, s'il y en avait une un jour. Elle continua à avancer dans la rue, à l'affut du moindre bruit qui pourrait lui signaler une présence humaine. C'est lorsqu'elle arriva à un croisement qu'elle entendit pour la première fois quelque chose qui ressemblait à des bruits de verre cassé. Puis des cris. Elle n'avait donc pas été la seule à survivre. Elle jeta un oeil dans la rue adjacente tout en restant cachée au mieux dans l'angle d'un immeuble. Elle ignorait sur quoi elle pourrait tomber. Ce qu'elle vit lui fit froid dans le dos. Une dizaine d'individus étaient regroupés devant un magasin alimentaire et se faisaient face armés  de barres de fer sans doute ramassées dans les débris et d'autres armes, menaçants. Taylor comprit que le premier réflexe des survivants avait été de trouver des vivres, vivres qu'ils n'étaient pas prêts à partager entre eux. La tension était palpable entre tous. Soudain, l'un des hommes muni d'une batte de base-ball se jeta sur un autre. Une bagarre générale commença à éclater. Ca allait être un carnage, ils allaient tous s'entretuer, elle en avait la certitude. Elle préféra rebrousser chemin se doutant qu'ils n'auraient aucune pitié pour elle s'ils la voyaient. Compte-tenu de ce que semblait être la situation, il fallait qu'elle-aussi trouve de quoi survivre avant de décider de la suite. Son appartement était situé à proximité et s'il n'avait pas été détruit, elle pourra y trouver quelques vivres et autres choses dont elle pourrait avoir besoin. Elle arriva rapidement et constata que si son immeuble était encore debout, il avait en partie brûlé. Elle se rendit dans son appartement. Son salon, sa cuisine et sa salle de bain avaient été ravagés par l'incendie, une grande partie de sa chambre également. Par chance, son dressing n'avait pas totalement brûlé et c'est avec un immense soulagement qu'elle y trouva le sac à dos qu'elle utilisait pour les quelques randonnées qu'elle faisait parfois aux alentours de Crangton. Il était indemne et son contenu également. Elle en fit l'inventaire : un kit de premières urgences, un couteau mutli-fonctions, une couverture de survie, un duvet léger, une gourde en métal et une lampe de poche qui fonctionnait à l'énergie solaire mais pouvait aussi être rechargée par une manivelle. Elle avait toujours été plutôt organisée, ce qui lui valait parfois quelques moqueries de ses amis, mais elle s'en saluait aujourd'hui. Elle prit le kit de soin et, en se regardant dans la glace de son dressing, nettoya et posa un pansement sur la plaie ouverte qui ornait son crâne. Une fois propre, la blessure ne paraissait plus aussi impressionnante et elle en fut soulagée. Ses vêtements étaient sale et déchirés, elle se changea optant pour un tee-shirt à manche longue assez chaud, un jeans propre, une veste kaki avec plusieurs poches dans laquelle elle glissa le couteau qu'elle avait trouvé. Elle ajouta un pull dans le sac à dos et quelques vêtements de réchange assez légers à porter. Elle ignorait si elle reviendrait ici et se dit qu'il fallait qu'elle emporte tout ce qui pourrait lui être utile. Prise d'une inspiration subite, elle chercha à nouveau dans le dressing et trouva la trousse de médecine qu'elle utlisait quand elle était étudiante. Elle la rangea dans le sac, ça pourrait toujours servir. Elle termina par la cuisine, croisant mentalement les doigts pour que ce que contenait les placards n'ait pas totalement brûlé. Elle fut déçue quand elle regarda le premier et deuxième dont les portes étaient calcinées ainsi que le contenu mais eu une mouvement de joie en voyant le troisième. Face aux différentes pénuries qu'avait connu le monde, la nourriture "classique" était devenue extrêmement chère et manger de "vrais" repas solides était maintenant réservé aux plus riches. La plupart des habitants de la planète se nourrissaient donc de sortes de crèmes de différents goûts présentées dans des sachets hermétiques. Chaque sachet permettait de faire un repas. Il comprenait tous les nutriments nécessaires aux besoins d'un adulte et était faciles à consommer. Il suffisait de le percer avec la paille fournie et en quelques minutes, le repas était avalé. Il en existait plusieurs sortes adaptés aux besoins de chacun : les sportifs et militaires avaient par exemple des sachets plus riches en protéines et glucides, les enfants avaient des sachets pauvres en sel etc. Ces sachets avaient d'ailleurs résolu le problème de l'obésité ce qui avait permis aux Etats de faire des économies substancielles sur les coûts engendrés par ce problème mondial. Taylor compta 8 sachets. En se rationnant, elle pourrait tenir plusieurs jours ce qui la rassura. Elle tenta d'ouvrir le robinet pour remplir la gourde qu'elle avait trouvée dans son sac mais pas une goutte d'eau n'en sortit. C'était un problème qu'elle allait devoir gérer rapidement, elle ne pourrait pas survivre sans eau.

Apocalypse (En Pause) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant