Nocturne Amour

Chapitre 5

BROOKE:

Je fixe le plafond terne et jaunâtre. Les murs, écaillés à certains endroits, sont couverts de tapisseries anciennes. La chambre sent le renfermé, elle n'a pas été suffisamment aérée. Cette odeur rance est fort désagréable. Mon nez ne souffre pas longtemps seul, mes oreilles en effet le rejoignent assez rapidement. Des bruits étranges, provenant de la chambre de Zoey, résonnent dans le silence nocturne. Un cri étouffé, des rires, des gémissements. Le bruit de bouches téméraires et aventureuses qui se cherchent, se trouvent et ne se lâchent pas. Une embrassade longue, humide, deux corps d'égale intensité dans la respiration, le souffle qui s'amplifie et s'intensifie encore davantage. Le temps, bousculé, s'écoule lentement. Les minutes passent, et quand enfin au tumulte intime succède un calme formidable, je me dis que je vais pouvoir trouver le sommeil. Vaine pensée, une demie-heure se dissipe, mais rien n'y fait. Il faut que je me dégourdisse les jambes, je ne peux me résoudre à rester ici. J'enfile mes lunettes, arrange mes cheveux en une queue de cheval et délaissant mon lit, m'aventure hasardement dans la maison.

Alors que je marche à tâtons dans l'obscurité, je sens au bout de mes doigts un interrupteur que j'enclenche aussitôt. Après le nez et les oreilles, au tour des yeux d'avoir mal. La lumière m'aveugle violemment. Où est l'escalier ? Ah oui, là-bas. Regarde où tu mets les pieds Brooke, doucement.

- Tu dors pas ?

Mon coeur se met à palpiter, très vite. C'est la voix de Wyatt. Je me retourne. Il est torse-nu, un t-shirt à la main. Intimidée par la vue de ce corps tonique et de ce visage d'une beauté renversante, je baisse les yeux et fixe mes pieds. Au moins eux ne risquent pas de m'impressionner. Je bredouille:

- J'ai du mal à dormir hors de chez moi.

- Je comprends. J'allais sortir fumer, tu viens ?

Je me résous à relever la tête. Wyatt remet son t-shirt chiffonné à l'endroit et lorsqu'il l'enfile, je remarque une cicatrice boursouflée brunâtre assez profonde sur son épaule droite.

Une fois dehors, nous décidons de nous balader un peu. Je sens la présence de Wyatt tout près de moi, je n'ai pas l'habitude qu'un garçon se tienne aussi proche. En plus, il ne marche pas droit, et à maintes reprises manque de me rentrer dedans.

-  J'en reviens pas, il est que deux heures du matin, la soirée n'a vraiment pas duré longtemps.

- Normal, c'était nul.

Je ne sais pas ce qui m'a pris de dire ça, c'est vraiment pas drôle. Je grommelle silencieusement contre moi-même.

- J'ai dis ça pour rire.

- Je pense que ça a plus avoir avec le fait qu'on se fasse vieux, c'est tout. La fougue d'antan, de la jeunesse increvable, n'est plus.

- T'as 17 ans je te rappelle.

- 18.

- Ah, ça change tout vieillard. Tu faisais la fête jusqu'à quelle heure avant ?

- All night long, Brooke, toute la nuit. Jusqu'à bien 8,9 heures du matin.

Je ne trouve rien d'autre à dire que:

- Je peux fumer ?

- Bien sur.

Ah oui, Brooke, quelle bonne idée. Tu vas t'esquinter la santé et en plus t'étouffer devant Wyatt. En voilà un bon moyen pour qu'il succombe à ton charme ! Wyatt me tend son joint. Paniquée, je le jette par terre.

- Pardon, je me suis brûlée.

- Ah.

Il le ramasse et souffle dessus. Je m'exprime avec précaution, ce sentiment d'inconfort qui m'inonde doit disparaître:

- Ce n'est peut être pas une bonne idée.

- Comme tu veux.

Pensif, Wyatt se penche vers moi, approche son pouce de mon haut de pyjama et l'effleure. Mon coeur se serre, je sens mes joues se colorer d'une vive rougeur...Mais cette chemine appartient à Zoey, suis-je bête. Il se remémore une conversation, une étreinte, son visage, son rire, le bonheur avec elle...c'est évident.

Wyatt rompt le contact. Nous sommes devant une maisonnette en bois. Un écriteau portant la mention "Maison à vendre"  tient en équilibre contre la boîte aux lettres. A cet instant, Wyatt n'a l'air de tenir à rien. Son regard est froid, son visage impassible.

- T'en connais beaucoup toi des gens qui déménagent au milieu de la nuit ?

J'ai envie de lui répondre que oui, mais je lui réponds que non.