Vicieuse

Chapitre 3

Depuis nos ébats avortés, je n'ai plus eu l'occasion de me rapprocher de mon oncle, ne serait-ce que d'un empan. Ce jour là, malgré toutes ses tentatives de se débarrasser courtoisement de son invité indésirable, celui-ci s'est avéré un vrai parasite. Il enchaînait les discussions sans se rendre compte qu'il parlait dans le vide. Mon oncle était physiquement devant lui, mais tout son esprit était avec moi. Entre temps, l'idiote de Kathy est revenue du marché et même Hama le gardien était de retour. Après cela, Aïcha est rentrée de son stage et plus tard, ma tante aussi est rentrée à la maison. C'est ainsi que de fil en aiguilles, tous mes plans sont tombés à l'eau.

Mon oncle, je l'ai dans la peau. Chaque matin, l'enivrante senteur de son parfum s'exhale dans toute la maison en se frayant un chemin jusqu'à mes narines qui hume avec avidité. J'entends l'écho de ses rires lorsqu'il se délecte de ses petit-déjeuner concoctés par le soin de sa tendre épouse. Leur complicité  me dechiquete le cœur.

Quand il me voit, son visage se referme hermétiquement comme si j'étais une étrangère.  C'est à peine s'il se donne la peine de répondre à mes salutations. En présence de ma tante, il n'ose même pas me regarder. Je deviens quasi inexistante.

A longueur de journée, je guette la moindre opportunité pour lui adresser ne serait-ce qu'un regard porteur de message. Malheureusement, il y'a toujours quelqu'un pour me faire obstacle. Si ce  n'est ma tante, c'est un autre membre de la famille, un employé de maison ou un visiteur inopiné.

En parlant de visiteur, justement, Konaté m'attend sur la terrasse depuis presque un quart d'heure. Le pauvre, l'infatigable.

Konaté est un camarade qui m'aide avec les cours. Parfois, je n'ai même pas besoin d'aller à l'école qu'il m'apporte les cours à domicile et m'explique d'une manière si pédagogique que même le professeur n'aurait pas pu faire mieux.

Loin d'être le cliché de l'intello de la classe aussi brillant que timide et laid, Konaté est un trentenaire charmant et très charismatique.  Il est impossible de le regarder sans être fasciné par son imposante stature et ses traits saillants de virilité. Sa taille légèrement en dessus de la moyenne lui confère une prestance outre-mesure qui lui donne plus que son âge. Dans ses manières et son allure, il réside en lui une élégance éloquente sur son appartenance à la haute classe sociale. Il n'a pas besoin de brandir sa Mercedes dernier modèle ou de mentionner ses comptes bancaires pour dire qu'il est le fils de l'authentique Konaté, l'un des plus illustres hommes politiques du pays.

Son succès auprès de la gente féminine est légendaire, peut-être suis-je le seul spécimen encore lucide face à son charme quoi qu'il ne me laisse pas complètement de marbre non plus. J'avoue que sa présence crée au plus profond ne mon être une décharge électrique,  mais à faible débit. 

Par contre, de son côté, le débit est exponentiel. Son attirance pour moi crève les yeux à des milliers d'année-lumière. Je suis consciente de ses attentes, mais pour l'instant il y'a que le mari de ma tante pour me faire ressentir des frissons et des vibrations dans ma chaire et ma chatte.

Vêtue d'un ensemble deux-pièces jupe et haut en pagne très flatteur, je rejoins mon ami Konaté sur la terrasse. En traversant le salon, je passe devant mon oncle et ma tante câblés devant l'écran télé. Je sens le regard à la dérobée de mon oncle sur mes fesses rebondies que j'essaie de cacher avec mon voile pour ne pas attirer l'attention de ma tante. 

Je dois vraiment être prudente pour ne pas donner raison à sa mégère d'amie Tantie Latifa dont j'ai capté quelques bribes de ses mises en garde à ma tante ce matin.

—Comment peux-tu accueillir une fille de cet âge chez toi? Tu joues avec le feu , ne vient pas dire que je ne t'ai pas prévenue. Tu ferais mieux de la flanquer à l'internat comme ses camarades. Les filles de nos jours sont immorales et dévergondées. Elle pourrait t'arracher ton mari!

—Tu ne changeras jamais. Ton plus grand défaut, c'est ce scepticisme qui te rend souvent malveillante même. N'oublie pas que cette fille dont tu parles est ma nièce. Mon sang coule dans ses veines. Elle est née dans mes mains. Regarder Ismaël Diallo autrement que comme un père et vis versa serait même incestueux, que Dieu nous en préserve.

—Inceste tu dis? De nos jours même l'inceste dans le vrai sens du terme est devenu monnaie courante à plus forte raison quand il s'agit des liens de parenté par simple alliance. Si tu n'est pas naïve, tu fais semblant.

Le rire sarcastique qui accompagne cette dernière phrase déstabilise ma tante qui essai de ne rien laisser paraître du doute qui commence à l'habiter. Ces temps ci, j'ai intérêt à faire très attention pour ne pas éveiller les  soupçons que lui a incrusté cette vipère à l'esprit.

Pendant que je suis submergée par ma conversation avec mon visiteur, je tombe sur le regard en tapinois de mon oncle qui nous espionne depuis la fenêtre de sa chambre.  En l'espace d'une seconde, mon esprit se détache des paroles de Konaté pour s'accrocher à notre voyeur dont  l'acte de voyeurisme me choque sans pour autant me déplaire. A la seule pensée de la rage qui doit être entrain de le consumer, je sens une bouffée de chaleur m'embraser le bas-ventre.

—Tu as entendu ce que je disais ? M'interpelle la voix lointaine de mon interlocuteur qui me fait sursauter.

Avant que je puisse me reconnecter à la réalité, Konaté qui se doute bien que je n'ai rien entendu de sa dernière phrase s'empare brusquement de mes lèvres qu'il se met à dévorer goulûment. Contre toute attente, ce baiser volé m'engloutit dans un tourbillon de plaisir charnel. Tout autant que lui, je me surprends de l'avidité avec laquelle j'y répond en enfourant ma langue pour chercher la sienne.

D'ici, je peux sentir la colère de mon oncle qui nous observe.