Chapitre 6

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Konaté Almoustapha

"Les morts ne sont pas morts"

Peut-être bien que Birago Diop n'avait pas tort et que ma chère Lina bien aimée était toujours parmis nous, m'étais-je dit la première fois que j'ai aperçu Inès à la gare. Ce jour là, j'étais parti expédier un colis à mon oncle du village de la part de ma mère. Dans le flux de voyageurs, il m'a semblé entrevoir cette silhouette unique que je pourrais reconnaître entre mille. Malheureusement, en une fraction de seconde, elle s'était volatisé si bien que je fini par me convaincre que j'avais juste succombé à une hallucination.

Pendant des semaines, je me suis laissé habiter par le doute, les affres de l'incertitude. Je me suis laissée emporter par l'espoir quand bien même au tréfonds de mon être, je savais qu'il n'y avait rien à espérer. Je me suis posé des questions dont je connaissais parfaitement les réponses.

Et si c'était réellement Lina?

Et si elle s'était rescusitée?

Et si elle n'était pas vraiment décédée ?

Heureusement ou malheureusement, je ne durais jamais dans le déni parce les souvenirs douloureux omniprésent dans ma mémoire me rappelaient toujours l'atroce réalité.

Qui mieux que moi pouvait attester que Lina était vraiment décédée ?

Moi qui suis restée à son chevet, en spectateur impuissant devant cette maladie qui lui volait chaque jour un morceau de vie. Je l'ai vu s'éteindre à petit feu perdant au fil du temps de sa clarté jusqu'au jour où elle rendit son dernier souffle entre mes mains. Mon regard plongé dans le sien fût le dernier souvenir qu'elle emporta au paradis avant qu'elle fermât les paupières pour toujours.

C'était ma femme, mon épouse, l'élue de mon coeur. Nous nous étions rencontrés à Paris, deux jeunes étudiants dont cupidon allait percer les coeurs. On venait de convoler en juste noces, pleins de rêves et nous avions toute la vie devant nous. Nous avons nos plans, Dieu a les siens pour nous.

Quelques mois après notre mariage, elle avait commencé à ressentir des malaises qui nous ont dans un premier temps rendu fous de joie. Pour un jeune couple comme nous l'étions,  éperdument desireux d'accueillir notre premier enfant, des nausées matinales et des migraines récurrentes ne pouvaient présager que la bonne nouvelle.

Elle était pétillante et pleine de vie. Ses yeux candides brillaient constamment on aurait dit deux petits astres.

Je me rappelle comme si c'était hier l'enthousiasme et l'exitation avec laquelle nous nous étions présentés devant le médecin qui contrairement à nous était calme, beaucoup trop calme. Je revois encore son visage sombre et désolé et le regard compatissant qui nous fixait.  Ses mots résonnent encore dans ma tête.

—Je suis désolée de ne pas être en mesure de vous annoncer la bonne nouvelle que vous espérez.

Sur le coups, nous étions déçus, mais pas plus que cela. Pour nous, c'était juste une petite déception que le temps guérira. Une grossesse peut venir à tout moment. Si ce n'est aujourd'hui, ça sera demain. Tanpis, on sera patient. Nous étions loin de nous douter qu'au delà du rêve qui ne se réalisera jamais, c'était le début d'un cauchemar, d'un long et pénible combat d'office perdu.

—Avec toute l'honnêteté et la franchise que m'impose notre éthique,  je dois vous avouer que les pronostics ne sont pas bons. Madame, je suis désolée de vous annoncer que vous souffrez d'une tumeur maligne au cerveau.

C'était comme si la foudre venait de nous frapper. La pauvre Lina s'était effondrée sur le champ.

En y repensant aujourd'hui, je réalise que nous aurions dû être alerté par la panoplie d'examens auxquels le médecin nous avait soumis. Est-ce qu'une simple grossesse nécessitait un scanner cérébral ? Mais bien évidemment,  il fallait être lucide pour se poser ces questions alors qu'à l'époque, nous étions complètement aveuglé par l'espoir  et les rêves.

Naturellement, nous avons consulté d'autres médecins dans d'autres hôpitaux pour confronter les résultats, mais tous étaient unanimes. Elle était en phase terminale d'une tumeur qui s'était déjà métastasée dans le cerveau et les médecins estimaient qu'il lui restait tout au plus six mois à vivre. J'ai fais l'impossible pour immortaliser ses derniers moments, mais la douleur était encrée. Nous comptions les jours, les heures, les secondes.

Malheureusement, la maladie l'a terrassé d'un coups et depuis lors, sa santé s'est dégradée au fil du temps. Au début, elle suivait les traitements en ambulatoire, mais lorsque les symptômes se sont aggravés, elle a dû être internée à l'hôpital pour soulager les douleurs qui l'accablaient impitoyablement.

Nous avons séjourné à l'hôpital pendant trois longs mois, des plus longs et parallèlement des plus courts de ma vie au regard du compte à rebours. Il y'avais des jours où elle se sentait si bien qu'on aurait dit qu'elle était complètement guérie. Je l'amenais dans le jardin de l'hôpital ou sur une terrasse qui donnait une vue sur le fleuve. On y voyait les nénuphars fleuris au soleil et des oiseaux coloriant l'horizon de milles couleurs. Elle respirait l'air frais qu'offrait la nature à plein poumon sachant que c'était ses derniers souffles de vie. Elle  souriait à mes anecdotes d'un sourire faible et mélancolique. Elle était résignée alors que je me refusais à l'être. Elle était une guerrière, une gagnante.

Après son départ, j'ai perdu goût à la vie. Il m'était impossible de poursuivre les études. J'aurais voulu noyer mon chagrin dans mes cours, mais je n'étais plus maître de moi. J'avais perdu toute ma lucidité pour ne pas dire que je perdais la raison. Mon père a dû faire des mains et des pieds pour me convaincre de rentrer au bercail puisque je n'avais aucune raison de rester en France.

A mon retour au Niger, j'ai eu la chance de faire la connaissance d'un Cheikh qui va positivement impacter ma vie par la spiritualité. Grâce à lui, je me suis accroché à ma religion. J'ai trouvé en l'islam, un havre de paix.

Progressivement, mon chagrin s'est estompé et j'ai appris à accepter la volonté divine avec abnégation. Néanmoins, le souvenir de Lina restera gravé à jamais et pour toujours. 

Quand je me relevé après être tombé, j'ai entrepris de reprendre les études. Je me suis inscrit en deuxième cycle à la Faculté de Droit. 

Ce jour là,  quand elle a franchi le seuil de l'amphithéâtre, mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. Il y'a aucun doute que c'était elle que j'avais aperçu à la gare l'autre jour. Je n'avais pas rêvé, j'étais bel et bien en face du Sosie de Lina. Elle se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Depuis ce jour, je n'ai cessé de me rapprocher d'Inès.

Vicieuse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant