Règle n°14 - S'adapter

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Plusieurs jours s'étaient écoulés après la victoire de Bloody. Combien ? Je ne savais pas et il m'était devenu impossible de compter les jours. Je m'étais chargée personnellement de soigner les blessures de Bloody mais le plus gros se fit naturellement. Et je m'étonnais encore de la vitesse à laquelle ses tissus se régénéraient.

Chaque jour je me familiarisais un peu plus avec ce nouvel environnement, et j'explorais les environs accompagnée de Bloody et des petits louveteaux blancs.

Aujourd'hui j'avais passé la journée à dormir, fatiguée par les courses entre les arbres. J'étais roulée en boule sur le sol et couvrais ma tête de mes mains. J'entendis des pas qui s'approchèrent, des pas lourds et je relevai la tête brusquement. Les deux louvetaux se tenais devant moi la langue pendante. Ils m'arrivaient désormais au dessus du genoux et cela ne m'étonnait même pas. En voyant les autres loups de la meute je me doutais bien que la croissance devait être rapide mais leur taille restait impressionnante.

Ils me tirèrent de ma paillasse en me donnant de nombreux coups de museau dans les côtes. Je finis par me lever en grognant, résignée par leur insistance. Il me semblais apercevoir le coin de leur babine s'étirer en une sorte de sourire et cette mimique humaine qui m'insupportait me tira un autre grognement. Je levais la tête pour découvrir un ciel dégagé à peine encombré de nuages. La température ambiante commençait à descendre et l'odeur de la terre remontait à mes narines, sèche et poussiéreuse comme les feuilles qui jonchaient sur le sol. Ma gorge se mit à me brûler lorsque cette odeur m'eu emplie la bouche, et l'envie urgente de boire se fit ressentir. D'un bond, je rejoingnis les deux touffes qui s'agittaient devant moi. Encouragée par mon élan, ils accélèrent encore et en quelques minutes nous purent voir la source fraîche et claire qui se trouvait à quelques minutes du clan.

Je n'attendis pas de reprendre mon souffle, que déjà je me retrouvais dans l'eau. La morsure glacée de l'eau m'enserra les jambes, la taille, les bras et la gorge. Au lieu de me débattre me laissa couler pour immerger totalement mon corps. Après quelques brasses au fond de la source, et après avoir raclé le fond rugueux, je remontai enfin à la surface. Ma tête s'extirpa de l'eau en projetant des gerbes d'eau autour de moi. Les deux jeunes prédateurs qui m'attendaient sur la berge en se désaltérant japperèrent joyeusement en me voyant. Je leur sourit et rassemblant mes mains comme une cuve, les remplis d'eau que je bus d'une traite.

L'un d'eux aboya bruyamment et se pencha pour plonger sa patte dans l'eau mais il glissa sur l'herbe humide et disparut sous l'eau en éclaboussant son voisin. Sa tête resurgit en projetant des éclaboussures alors qu'il se débattait en secouant ses pattes dans tous les sens. Voir ce futur grand prédateur se débattre désespérement dans l'eau me fit rire mais je me rapprochai tout de même de lui en quelques brasses. Arrivée à son niveau je lui offris mon épaule émergée pour qu'il s'aggripe. Ses petites griffes s'enfoncèrent légèrement dans ma peau nue mais la douleur ne fut pas aussi grande que je m'y attendais. Je sortis de l'eau en nageant doucement, rattrapant quelque fois la petite boule qui glissait de mon épaule.

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J'étais assise sur la berge, les pieds dans l'eau, les cheveux mouillés. Ils tombaient dans mon dos emmêlés, presque enchaînés les uns aux autres. Quelques petites boucles s'échappaient de ma tignasse et carressaient ma peau au rythme de la brise qui s'était formée. Le ciel se colorant d'une couleur pourpre, et quelques reflets réchauffaient ma peau. Mais un léger tremblement du sol me fit relever la tête. Les deux louvetaux réagirent en même temps que moi ; les oreilles dressées et les sens alertes.
Je posai ma main à plat sur le sol, et je sentis les secousses de plus en plus fortes. Un léger bruit de feuilles foulées parvint à mes oreilles. Je bondis sur mes jambes, les membres fléchits prête à réagir. Une odeur de sang frais et un souffle lourd me fit frémir. Les deux prédateurs se rapprochèrent de moi les poils hérissés.

Devant nous, les branchages s'écartèrent pour laisser paraître le loup blanc balafré. Sûrement blessé dans son orgueil d'ancien alfa il n'avait pu se résoudre à quitter le camp, et rodait autour jour et nuit comme une ombre menaçante. Instinctivement je remontait mes lèvres en grognant, et tendai mes muscles. Je savais que mon comportement n'avait rien d'intimidant mais je devais au moins faire face et protéger les petits, que la bête fixait sans relâche. Ma tête se remplissait de toutes les images de combat que j'avais vu jusque-là. Je réfléchissais, j'essayais de trouver une solution pour nous sortir de là. Il était prêt à nous tuer pour de bon. Cet animal qui ignorait la pitié n'avait fait que tuer et cette rage qui devait lui faire bouillir le sang n'allait pas tarder à nous achever. L'écume se formait au coin de ses babines qui s'ouvraient et se fermaient au rythme de sa respiration haletante et sa langue baveuse lapait ce qui s'échappait de sa gueule.

Je devais garder la tête froide pour survivre mais j'entendais le battement assourdissant de mon sang qui emplissait tout mon crâne et m'empêchait de me contrôler. Je me crispai lorsque je vis une goutte tombant de sa gueule s'écraser au sol qui me paru comme une explosion assourdissante.

The Rule - Parmis les loupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant