Chapitre IV

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Le lendemain matin j'ai été réveillée par les premiers réels intempéries du voyage. Je sentais la fragilité du vaisseau ballotté par les flots. J'ai tout de suite décidé de poser au sol tous les objets susceptibles de chuter et sous les conseils d'Asgeir qui était venu me prévenir, je me suis enfermé dans ma cabine. J'avais mis un morceau de tissu au pied de la porte afin d'éviter que l'eau coule en dessous. Les roulis du bateau ne cessaient de gagner en intensité et je sentais mon estomac remonter dans ma poitrine. Je me suis posée un instant, soufflant longuement afin d'éviter de vomir et j'ai observé Mary, assise en tailleur dans un coin de la pièce. Perdue dans ses pensées elle frappait du bout de ses doigts un tempo sur le plancher. Je me demandais comment est-ce-qu'elle pouvait rester aussi calme.

- Ce n'est rien pour le moment. Juste quelques vagues. Si le capitaine est aussi doué qu'il le prétend, nous n'aurons aucun problème à nous en sortir, marmonna-t-elle dans son coin.

- Comment sais-tu tout cela ? L'ai-je interrogé.

- Hum... elle a réfléchi pendant un instant à ce qu'elle allait dire avant de continuer, j'étais dans l'équipage d'un bateau à une époque.

- Vraiment ? Tu étais dans la marine marchande ?

- Non, pas vraiment. C'est plus compliqué que ça. Mais ca n'a pas d'importance. Parle-moi de toi plutôt. Raconte-moi comment tu t'es perdue sur ce rafiot.

- Moi ? Je ne me suis pas perdue ici ! Je te l'ai déjà dit. J'y suis de mon plein gré. Mon père était un célèbre amiral. Mais un échec l'a fait tomber en disgrâce juste avant sa mort. Je cherche à finir le travail de mon père afin de rendre l'honneur à mon nom de famille.

- Pourquoi faire ? M'a-t-elle demandé intriguée.

- Eh bien... Parce que c'est important. Je lui dois bien ça. Ai-je bégayé.

- Il te l'a demandé avant de mourir ?

- Non. Mais il a vécu et il est mort pour ça. J'ai emporté ses écrits afin de terminer son livre et le publier. Tout le monde se souviendra des De Montmorency comme ça !

Je commençai à perdre patience face à l'attitude de Mary. Elle ne pouvait pas comprendre ce que c'était de voir son père se laisser mourir. Elle ne savait sans doute rien de ce que j'avais ressenti à ce moment-là. Ce voyage c'était ma manière d'aider mon père à dire au-revoir au monde. De montrer à tout le monde quel homme formidable il était.

- Ahh c'est donc pour ça que tu griffonnes toute la journée ?

- Oui voilà.

- Je trouve ça complétement stupide, a-t-elle dit.

Ces mots ont fait voler en éclats mon envie de discuter avec elle. J'ai senti une colère profonde monter en moi. Je me suis assise sur mon bureau avec ma plume, bien décidée à finir ce roman rapidement. Je voyais que Mary m'observait d'un œil circonspect. Elle continuait de taper sur le bois un rythme régulier. Je connaissais cette musique mais je n'étais pas capable de dire ou est-ce que je l'avais entendu. Elle continua pendant plusieurs minutes et cela m'empêchait de me concentrer. Le tempo se gravait dans mon esprit et les mots ne sortaient plus de ma plume. Enfin encore moins que d'habitude. A cela s'ajoutaient les roulis du bateau qui m'empêchait de tracer correctement les lettres, le bruit sourd de l'orage qui tonnait à l'extérieur. Je ne pouvais plus supporter ce vacarme et je me suis tournée vers Mary.

- Maintenant raconte-moi ton histoire à toi, lui ai je dis sur un ton de défi.

- J'en ai pas vraiment envie.

- Non tu m'as dit que tu me dirai tout ce que je voudrai savoir ! ai-je rétorqué d'une voix virulente.

Elle a pris cinq minutes pour réfléchir à ma demande. J'ignorais ce qu'elle cachait derrière son silence. Quelle honte pouvait-t 'elle vouloir cacher ainsi ? Ou alors est-ce qu'elle était en train d'échafauder un mensonge à me servir ? J'allais la prévenir que ça ne servirait pas à grand-chose de me mentir mais elle se décida à prendre la parole.

Le voyage de BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant