7. C'était marrant

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7. Ce sont juste des caprices d'enfants.







Quand elle était plus jeune, Isabelle aimait bien regarder l'orage.

Depuis le vasistas, l'assemblage de nuages noirs et le vent qui se déchaine. Dans ses couvertures et les grands pouffes, qui à l'époque lui semblaient encore plus gigantesques. Elle aimait aussi écouter le tonnerre, bien fort, virulent, la dispute du ciel qui claque contre le verre.

Quand elle était plus jeune, Isabelle voulait voler plus haut que le ciel.

Cet instant, elle sait qu'il y en a eu beaucoup. Durant son enfance, elle aimait les jours de pluie. La pluie avait son ambiance, comme aucune autre ne peut la répliquer. Ça l'apaisait.

— Isa, passe-moi un pull s'il te plait.

Les jours comme ça, Isabelle trouvait amusant qu'Alexandre passe à la maison. Le garçon avait pour mauvaise manie de ne pas se fier au flair de Mamie Cerise, elle avait pourtant toujours raison : si elle regardait un ciel bleu et clair le matin, et qu'elle disait qu'il allait pleuvoir, il allait pleuvoir.

Et Alexandre ne prenait jamais de parapluie, mais Isabelle si.

Quand ils terminaient aux mêmes heures, ils se mettaient à marcher côte à côte sous l'orage, un minimum à l'abri même si parfois l'épaule d'Isabelle prenait la pluie. Ils devaient hurler bien fort pour se faire entendre, s'échanger sur leur journée, et c'était amusant ça aussi, même quand ils finissaient par se disputer. Tout était amusant, ce n'étaient que des caprices d'enfants.

Quand elle était plus jeune, Isabelle voulait qu'on soit fier d'elle. Rends-moi fier, Minisa.

Mais quand leurs horaires divergeaient, Alexandre ne pouvait pas échapper à la morsure des averses. Parfois accoudée contre sa fenêtre, Isabelle pouvait voir le petit garçon quitter le bus à l'entrée du quartier. Et Isabelle l'observait courir très vite, pieds dans les flaques et joues giflées par les bourrasques. C'était marrant. Tout était marrant quand il y avait Alexandre dans le paysage.

Et que ce dernier venait frapper à sa porte.

— Tiens.

Les pulls d'Isabelle sentaient la lavande.

Alexandre faisait un arrêt chez la fille aux cheveux cendre, quoique châtain clair à l'époque, parce que la maison d'Isabelle était la plus proche. Il lui empruntait des survêtements, pour se réchauffer après avoir passé une après-midi transit de froid. Et parfois, entre les sourires du nouveau venu et les regards d'Isabelle, ils se créaient cette petite bulle.

Elle se souvient d'une fois, et peut-être que pour Isabelle, c'est là que tout a commencé. Quand Alexandre a monté l'escalier qui menait au grenier, elle en train de le suivre dans son dos. Quand Alexandre s'est arrêté, faisant mine de réfléchir, et qu'il s'est retourné tandis qu'Isabelle était juste une marche plus bas.

Ils avaient la même taille, quand ils avaient dix ans, peut-être même qu'Isabelle était légèrement plus grande et Alexandre plus maigrichon. Il s'est rapproché.

— C'est marrant, là j'ai la bonne taille pour te faire un bisou.

— Hein ?

Et Alexandre lui a embrassé le front, ses doigts froids sur ses joues rebondies. C'était sûrement pour rigoler. Sûrement. Mais le cœur d'Isabelle s'est emballé pour la première fois.

Puis ils se cachaient sous la couverture en riant, leurs petits corps recroquevillés entre deux oreillers, et parfois entre quelques phalanges qui se frôlaient, mais ça, ce n'était peut-être pas encore l'histoire qu'on raconte. Ces moments un peu plus tendres, un peu plus volatils, il est très probable qu'ils les aient tous les deux oublié.

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