Hermite

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Horreur / Science-fiction
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Le vent frais de l'automne se glisse dans les ruelles, et il fait à présent nuit noire. Bientôt 23 heures et là, seul des bruits de pas irréguliers se font entendre sur les pavés. La trentenaire déambulant en ville a une démarche particulièrement pressée, elle porte des escarpins bleus pastels de la même couleur que son grand manteau de laine, un petit chignon bien arrangé et des lèvres fines, peinte d'un rose fushia agressif, c'est Olivia Vernar.

Cuisinière au Palace Hermès, elle doit être affreusement en retard, pourtant son visage ne montre pas la moindre trace de stress, il est d'une neutralité inquiétante.
Un souffle glacé s'infiltre dans la ruelle qu'elle est en train d'emprunter, son manteau est grand ouvert laissant la morsure gelée s'engouffrer jusqu'à son corps, elle ne s'arrête pas. Ne prend d'ailleurs pas le temps de fermer son manteau pour de bon.
Face aux portes vitrées du bâtiment elle s'arrête, s'assure qu'il n'y a aucun client dans le hall luxueux et passe les portes automatiques.
Elle se met rapidement en marche vers la réception où une collègue hôtesse aux grandes boucles blondes lui adresse un grand sourire surpris en l'apercevant.

- Hé bien ! Je pensais que tu n'allais jamais arriver, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Est-ce que Monsieur Vernar va bien ?

Olivia pose les deux coudes sur le meuble, s'éclaircit la gorge puis relève la tête, fixant la femme droit dans les yeux.

- J'ai besoin de toi Suzie.

La dénommée Suzie semble être perturbée par la façon dont Olivia la regarde et baisse les yeux, sans trop comprendre son propre sentiment. S'agitant autour de la lampe de la réception un papillon de nuit fait danser son ombre sur les deux femmes, se cognant de nombreuses fois contre l'ampoule. Sûrement a-t-il profité de l'ouverture des portes par Olivia pour entrer dans cette salle bien trop lumineuse.

Le silence s'installe un instant et Olivia reprend d'une voix plus claire, en tirant une enveloppe de la poche intérieure de son manteau bleu pastel, la tendant vers Suzie.

- Un jeune garçon viendra réclamer la lettre. Tu le reconnaîtra au premier coup d'œil.

La réceptionniste reste incompréhensive et n'a pas le réflexe de prendre l'objet. Elle se risque à relever le regard vers son aînée, lentement, ses yeux plongent dans les siens.
La cuisinière à beau regarder droit vers elle, elle n'a pas l'air réellement consciente de ce qu'elle "observe", Suzie reste le souffle coupé, dans le regard de la femme elle perçoit une douleur intense. Comment est-ce possible avec une expression aussi calme ?
Dans l'attente Olivia laisse l'enveloppe tomber sur le meuble puis porte sa main tremblante droite à sa tête pour se gratter le crâne.
Comme se réveillant d'un coup, Suzie prend la lettre avec délicatesse, comme un objet précieux et la glisse dans sa veste.

- Et... Pour ton retard tu...

Elle n'ose pas continuer de parler et ressent un sentiment de malaise. Olivia continue de se gratter le crâne, son chignon se défait suite à ce geste mais elle ne semble pas s'en préoccuper.

- Tu vas avoir des problèmes avec ce retard. Alice, la nouvelle a essayée de te remplacer mais elle n'a pas encore ton talent.

Suzie déglutit tout en maintenant son regard sur la femme. Celle-ci continue de se gratter le crâne avec obsession, elle ne semble pas écouter un seul mot de sa collègue puis, au bout de quelques secondes bien trop longues pour Suzie, elle s'arrête.

- Au fait, ne me parle pas de mon époux. Cet individu n'est pour moi qu'un parasite.

Dit-elle simplement en posant sa main droite sur le comptoir, Suzie avait presque oubliée avoir posée une question au sujet de Monsieur Vernar. Le regard de la réceptionniste s'arrête sur la main posée sur le comptoir, il y a quelques choses qui...
Olivia retire sa main et, sans dire un mot s'éloigne vers la sortie du Palace.

Le visage de Suzie devient pâle, elle n'a pas cessée de regarder l'endroit où la cuisinière avait posée sa main, là où se trouve à présent une tâche ensanglantée. La femme tente de dire quelque chose mais aucun son ne sort de sa bouche, elle redresse la tête pour voir celle qui s'apprête à sortir, montant ses yeux de ses hauts escarpins pastels jusqu'à sa main droite... Cette main tachée d'un rouge vif. La réceptionniste se sent prise de nausée en voyant ce qui semble être des lambeaux de peau sous les ongles bien manucurés de la trentenaire. Elle repense à ce long moment où elle se grattait le crâne et... Elle aurait préférée s'arrêter là, ne pas laisser ses yeux glisser jusqu'à la tête d'Olivia, dos à elle.

L'employée lâche un cri, l'étrange femme reste imperturbable, n'interrompt pas sa marche. Sous le chignon défait d'Olivia et se prolongeant jusqu'à sa nuque se dévoile une peau à vif, un rouge sang agressif, des entailles profondes provoquées par de simples ongles. Les choses pourraient s'arrêter ici, c'est bien suffisant.
Mais c'est là que Suzie se pensa proie à une illusion, une vision cauchemardesque, quelque chose qui manqua de la faire s'évanouir.

Dans les plaies béantes de la femme des choses semblaient se mouvoir, comme des insectes grouillants. Comme venant d'éclore, des larves s'agitaient dans les lambeaux de chairs ensanglantées. Et comme le premier repas de créatures tout juste venues au monde, ceux-ci se nourrissait de cette viande qui leur avait servi de nid.

-

Deux jours plus tard, la disparition de Olivia ainsi que de son mari fut officiellement signalée. Elle n'était apparemment pas rentrée chez elle ce soir là, nul ne sait où elle s'était rendue. Suzie, dernière personne à l'avoir vue fut interrogée, celle-ci ne dit pas un seul mot. Comment expliquer la situation sans être prises pour une folle ? Elle se rongeait les ongles en pensant à cette femme d'ordinaire si joyeuse et, pendant les interrogatoires elle se trouvait incapable d'aligner des mots pour faire une simple phrase. Cela lui donnait de terribles cauchemars qu'elle voudrait effacer de sa mémoire.

Mais lorsqu'une matinée elle aperçut un étrange jeune homme passer la porte du Palace, elle su que tout espoir n'était pas perdu.

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